Faits divers

HERAULT : Les inondations de l'Hérault par Michel SABATERY

Certaines communes se sont protégées contre les inondations de l'Hérault. C'est le cas de…

Certaines communes se sont protégées contre les inondations de l'Hérault. C'est le cas de Florensac, Saint-Thibéry, Cazouls-d'Hérault, Usclas, etc, qui ont fait construire des digues, il y a bien longtemps. … Quant à la digue de Bessan, elle a été promise à plusieurs reprises, depuis 1995. 

 

Qu'en est-il des particuliers ? Certains propriétaires, parmi lesquels le baron Desprès, propriétaire du domaine de Mermian, ont également cherché à protéger leurs biens.

 

Veille de la révolution de 1789, la route Bessan-Agde est construite en remblai. Elle retient des eaux d'inondation qui, jusque là, s'étalaient entre Agde et Vias. … Le domaine de Mermian est alors touché plus qu'un autre, par les crues ; notamment celle de 1907. Son propriétaire, le baron Desprès, décide alors de faire construire une digue entre le fleuve et la route. Malheureusement, cette digue risque d'influer sur les inondations des bas-quartiers de Bessan. 

 

Juin 1912, 35 propriétaires de Bessan se plaignent des travaux de construction d'une digue au domaine de Mermian, et envoient une pétition au Préfet. … Le lendemain, Monsieur Lignières, maire de Bessan, écrit à plusieurs services, une lettre de protestation : « Le Maire de Bessan soussigné, interprète du Conseil Municipal, joint sa protestation à celle des propriétaires du tènement de la Sauzède, en ce qui concerne la construction de la digue que Monsieur le baron Desprès est en train d'élever. En arrêtant les eaux de crue de la rive droite de l'Hérault, cette digue sera cause ; 1/ que la route d'Agde à Castre sera inondée beaucoup plus souvent et risque davantage d'être coupée ou tout au moins endommagée. 2/ que l'élévation du niveau des eaux dans cette partie de la plaine aura sa répercussion sur celui des eaux de la rivière et sera la cause de plus forts dégâts dans les habitations des parties basses de notre localité. Aucune enquête n'ayant été prescrite préalablement à la construction de cette digue, le Maire prie Monsieur le Préfet de vouloir bien faire arrêter d'urgence les travaux, qui sont sur le point d'être terminés, et prendre les mesures nécessaires pour remédier à cet état de chose. » … Plainte est également déposée auprès de la Police des cours d'eau ; mais celle-ci se dit incompétente en la matière. … Comme si ça ne suffisait pas, voilà que le propriétaire de Mermian envisage de prolonger la digue et de la coller à la route, bloquant complètement le champ d'inondation de la rive droite. 

 

Premier semestre 1914 : l'Agent Voyer en chef du département de l'Hérault renouvelle au maire qu'il ne peut rien faire sinon émettre des réserves. … Le Maire se fâche. Il répond à l'agent voyer qu'il a donné l'autorisation au baron Desprès de construire une rampe en terre-plein, reliant la digue à la route, et le menace de déposer une plainte dès le premier problème. … L'agent voyer explique au maire qu'il n'a pas bien compris ; que supprimer la rampe pour permettre le passage des eaux, c'est risquer un ravinement du talus de la route ; et que la solution est de construire une digue tout le long de l'Hérault, après quoi le baron s'engagera à supprimer sa digue transversale. … Le Maire de Bessan menace encore : « … si vous ne revenez pas sur votre détermination, ce sont des procès, c'est la continuation d'une injustice et d'un passe-droit flagrant ; c'est enfin la rancune de tous les intéressés contre une administration républicaine qui favorise les gros au détriment des petits, alors que le gouvernement de la république compte précisément su les petits pour le défendre contre les entreprises des gros. » … Il n'y aura pas de réponse à cette lettre. Une communication sera faite au Sous-Préfet, une enquête diligentée, un voyage organisé jusqu'à la Préfecture ; des promesses faites. … Quant au baron Desprès, il tient si bien à sa digue qu'il propose son aide pour une éventuelle digue à construire le long de l'Hérault, du côté de la Sauzède. 

 

En 1920, la route Bessan-Agde est emportée en deux endroits, par une crue. Le rapport de l'agent voyer en chef du département, en date du 14 décembre, fait connaître que Monsieur le baron Desprès a construit il y a quelques années, entre Bessan et Agde, dans la vallée de l'Hérault et sur la rive droite du fleuve, une digue transversale qui part de la berge de l'Hérault pour aboutir à proximité du chemin de grande-communication n° 13. Que lors des dernières crues de l'Hérault, par suite de l'obstacle formé par cette digue, il s'est produit à l'amont de celle-ci, une surélévation anormale des eaux débordées, sous la poussée desquelles le chemin de grande communication n° 13 a été emporté en amont et au droit même de la digue de Monsieur Desprès. Que la circulation sur cette voie importante a été ainsi interrompue et n'a pu être rétablie que quelques jours après. Cependant il estime que l'administration n'est pas compétente pour faire démolir ou araser la digue, et il estime que cette digue n'a aucune influence sur l'inondation dans les bas-quartiers de Bessan. Il termine en disant que c'est au service vicinal de poursuivre pour faire démolir la digue. … Quelques mois plus tard, le Conseil Municipal de Bessan, estime que la digue est responsable de la stagnation des eaux dans le village. Il fait remarquer qu'elles se sont retirées beaucoup plus rapidement de Saint-Thibéry, Florensac et Agde. Il demande la démolition de la digue. 

 

1932 : Plus de dix ans se sont écoulés. La digue est toujours là. La route vient d'être endommagée une nouvelle fois par les inondations. Quant à l'agent voyer il répête une nouvelle fois que son administration ne peut pas intervenir. … Fin juin 1933. l'Ingénieur de Service Vicinal déclare : « Je soussigné Fraïsse Georges, Ingénieur du Service Vicinal à Agde, déclare que le 20 décembre 1932, date de la dernière crue de l'Hérault, Monsieur Gleizes Louis Maire de Bessan s'est rendu à mon bureau à 16 heures, accompagné de son fils, pour me prier de me rendre avec lui sur le chemin de Grande Communication n° 13 pour constater l'importance de la crue. Pour accéder à mon domicile situé 7 Quai du Commandant Mages à Agde, Monsieur Gleizes avait dû faire usage d'une petite embarcation pilotée par un pêcheur du pays. … Nous avons constaté ensemble sur les lieux : 1/ Qu'entre les bornes 3 km 000 et 5 km 50, c'est à dire sur une longueur de 2500 mètres, le Chemin de Grande Communication n°13 était complètement submergé et que le niveau de la crue atteignait une hauteur de 0,25 au dessus de celui de la chaussée. 2/ Que la portion de digue de défense établie normalement au dit chemin et comprise entre ce dernier et l'Hérault n'était pas submergée. … »

 

Suite à l'inondation du 30 septembre 1933, un certain nombre de propriétaires de Bessan sont furieux et écrivent au Maire : « Les soussignés ont l'honneur de vous communiquer les réflexions suivantes après l'inondation du 30 septembre dernier. 1/ Que la digue de Monsieur le Baron Desprès n'a plus les mesures exactes données par le rapport de Monsieur le Subdivisionnaire du 8 mars 1921 … 2/ … 3/ … Pour cette dernière inondation il s'est produit ceci : a/ Le bas du village a gardé l'eau 4 jours. b/ Les terres situées en amont, quelques unes pas vendangées, ont été inondées. C/ … nous avons l'honneur de vous informer que si avant le 1er novembre prochain, satisfaction ne nous est pas donnée, les soussignés se chargeront eux-mêmes de le faire. Signé : Veuve Vivarès, veuve Lignière, veuve Vidal Joseph, Vidal Emile, monsieur de Cours, Louis Thomas, Aldias Pierre, Thomas Charles, veuve Paraire, Joseph Vidal, veuve Barthe Pierre, Pesace Edmond, Galzy Pierre, Barthe Henri, Delpech Pascal, Fourment Léonce, Record Joseph, Combescure Xavier, Chabbert, Vacassy Charles, Record, Vernière Louis, Estournet Léonce, Beaulouis Aimé, Flour, Lignière Louis, Foulgat Charles, Foulgat père, Petit Louis. » … A cette pétition le Maire joint un avis très favorable : « Transmis avec avis très favorable la pétition ci-jointe qui témoigne de l'exaspération des pétitionnaires. Ceux-ci en effet sont furieux que cette digue dite Digue Desprès et construite par le Syndicat des Riverains de la rive droite de l'Hérault (d'Agde) …  » … A la fin de l'année, Louis Gleizes, Maire de Bessan, écrit à l'Ingénieur du Service Vicinal : « A la requête d'un groupe d'habitants du village et des propriétaires ayant des terres dans le tènement de la Sauzède, j'ai l'honneur de vous demander de vouloir bien vous assurer si Monsieur Desprès a le droit de déposer des blocs de pierre dans l'espace de terrain libre situé entre l'extrémité de la digue dite de Mermian et la route d'Agde. Une quantité de blocs de pierre a été entassée à cet endroit jusqu'à une certaine hauteur et empêche le libre écoulement des eaux de crue. Par cet enrochement, la digue se trouve réunie à la route, alors qu'un espace de 6 m 40 devrait être complètement dégagé pour faciliter l'écoulement des eaux. … »

 

Il est probable que la bataille continua encore et encore. 

 

NB : Pour finir, je rajouterai mon témoignage (il servira peut-être aux ingénieurs à venir) : J'étais à Bessan, dans la rue de la Porte Saint-Pierre, avec les copains d'école, quand nous entendîmes un bruit anormal et vîmes l'eau d'inondation se retirer rapidement. Habitués aux inondations, nous comprîmes qu'il y avait quelque chose d'anormal. Un adulte nous dit : La digue de Mermian a dû casser. Effectivement, la digue de Mermian avait été emportée en partie ; pas la digue en terre dont je viens de parler, mais celle en béton construite sur la berge, et les eaux avaient baissé d'un coup. 

 

Légende photo : Rien n'a changé, si ce n'est qu'ils ont aujourd'hui 98 ans et 96,5 ans. 

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