Faits divers

BEZIERS - Samedi 24 juin, à la colonie espagnole, pièce de théâtre sur les immigrés

Rencontre avec le metteur en scène, Michel Bruzat Écrit par Robert Martin A l'initiative de l'ABCR…

Rencontre avec le metteur en scène, Michel Bruzat 

Écrit par Robert Martin 

A l'initiative de l'ABCR (Association Biterroise contre le Racisme) et du contre journal Envie à Béziers, la pièce “SALETE” de Robert Schneider sera présentée à Béziers ce samedi 24 juin à la Colonie Espagnole. 

Propos recueillis par Robert Martin le 24 mai 2017 

Ecrite en 1991, cette pièce a été montée pour la première fois en France en Janvier 2017 au théâtre La Passerelle à Limoges. Rencontre avec le metteur en scène, Michel Bruzat. 

Robert Martin : Michel Bruzat, bonjour, Coluche nous racontait l'histoire d'un mec improbable mais normal, dans cette pièce c'est la vie et le regard d'un immigré clandestin en Allemagne voici une vingtaine d'années. Un thème toujours d'actualité ? 

Michel Bruzat : D'abord, vous me faites plaisir en parlant de Coluche ! J'arrive de Paris où on joue aux Déchargeurs “Comment va le monde” et quand je suis rentré 

chez moi pour dormir, il y avait de la saleté partout puisqu'ils disent que les migrants, c'est une saleté. Ils sont partout, par terre, on ne veut pas les voir. On demande à tous ces gens d'être invisibles. Oui, bien sûr, c'est d'actualité ! Lorsque je suis tombé sur ce texte de Schneider, écrit en 1991, j'ai d'abord beaucoup pleuré parce que c'est un texte sur le racisme et la xénophobie. Le personnage principal, étudiant en philosophie, est parti plein d'espoirs pour vivre en Allemagne. En fait, ça a été encore pire que chez lui. Cela fait vingt ans que je tourne autour de ce texte et un jour, je me dis, avec ce qui vient de se passer, avec Le Pen, avec cet air qui devient de plus en plus irrespirable un peu partout, que c'était essentiel de dire non et de faire entendre la voix de ceux qu'on n'entend jamais, de ceux qui n'ont pas la parole. C'est un peu aussi le parti pris du théâtre de La Passerelle depuis trente ans, de donner une voix à tous les sans-voix, à ceux qu'on cache ou qu'on voudrait cacher. 

RM : …et des “sans”, il y en a de plus en plus …sans-papiers, sans logis, sans travail,

MB : Vous et moi, demain, pouvons être sans travail et nous vivons dans un monde où la solidarité n'existe plus. En même temps, en disant cela, je viens de signer une pétition de ma fille qui cherche un logement pour des familles afghanes dans la campagne en région limousin ainsi qu'une pétition pour des enfants qui vivent dans la rue à Paris. Je veux dire par là qu'il se passe plein de choses, plein d'associations, plein de gens qui bougent et ceux-là ils ont rarement la parole. Quand on a créé ce spectacle à Limoges, en janvier dernier, ça a été incroyable. Il y a eu une écoute et un silence ! C'est un truc que tu prends en plein dans la gueule. C'est merveilleusement écrit et puis les deux acteurs, Laurent Rousseau et Yann Karaquillo sont justes car quand tu t'attaques à quelque chose comme ça, il faut être sur le fil. On est très proche du texte merveilleux de Prévert “Etranges étrangers” : 

Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel 

Hommes de pays loin 

Cobayes des colonies 

Doux petits musiciens 

Soleils adolescents de la porte d'Italie 

Boumians de la porte de Saint-Ouen 

Apatrides d'Aubervilliers …. 

On est pile dans l'humiliation de ce qu'on vit aujourd'hui. J'ai lu dans Libération ce matin (ndlr 24 mai 2017) qu'un homme vient de mourir à Cannes, pendant le festival parce qu'il s'est caché et s'est électrocuté. Ce texte a une résonnance. Nous vivons dans un monde qui construit des murs et c'est pour cela qu'on essaie de rester une passerelle dans le merdier actuel. C'est un texte qu'on dit avec la plus grande sobriété et ce sont des aveux et des confidences. C'est Sad qui parle, c'est lui qui se traite de saleté et c'est ça qui nous bouleverse. 

RM : C'est un renversement des valeurs, des regards. Sad endosse même les préjugés !

MB : Mais c'est aussi complètement ironique bien sûr. Il dit “oui, oui, vous avez raison, je suis de la merde, je suis une pourriture” “J'ai pas le droit de vivre ? ok j'ai pas le droit vivre” . On a travaillé sur la sincérité, ce qui fait que le trouble est extrêmement dérangeant. 

RM : Sad porte ce regard inversé sur lui mais exprime aussi une forme de désenchantement sur un monde occidental qu'il croyait terre de libertés

MB : Absolument et ce texte est magnifique. Ce sont des mots trempés dans l'acide. C'est un vrai boulot. Tous les gens qui l'ont vu ont été touchés au coeur, c'est direct. A la lecture du texte et au vu de l'actualité, c'est une claque qu'on prend. On est de plain pied dans ici, maintenant, à l'instant, ça se passe au moment où on parle. C'est un hymne. 

RM : La pièce sera donc jouée à Béziers où le problème de l'étranger, de l'exclu, du clandestin, de l'immigré est vu d'une façon bien particulière. On parle de laboratoire de l'extrême droite à Béziers, c'est vrai aussi sur le problème de l'immigration

MB : Je suis vraiment très heureux de venir à Béziers. C'est très très important pour nous d'être là. C'est là qu'il faut aller, c'est là où il faut être. Le théâtre, c'est un drôle de truc. On va venir à Béziers mais qui va venir voir la pièce ? Ceux pour qui j'essaie avec plein d'humilité de faire du théâtre, ne rentrent jamais au théâtre. On ne réunit quasiment que des convaincus mais ceux-là bossent aussi après. Cela va leur faire du bien et ils se nourrissent aussi de ça. On en a besoin. On se sent moins seul aussi. On sent que partout, un travail de fourmi est fait et qu'on bosse comme on peut chacun de notre côté. Mais le plus grand et le plus beau théâtre, c'est le théâtre de la rue. C'est dans la rue qu'il faudrait dire ces mots. Ce serait formidable si à Béziers il y avait quelques personnes dans la salle qui souffrent du racisme tous les jours et qu'on pourrait rencontrer après et avec qui on peut prendre un verre. Mais comment les faire venir ? 

RM : C'est évidemment notre but également. Je pense qu'on ne sera pas seul ce samedi 24 juin à la Colonie Espagnole. En tout cas, cela recharge déjà les batteries militantes !

MB : Exactement, Cela nous donne à tous l'envie de continuer et on se sent moins seul. Un plus un comme ça, ben ….il ne faut rien lâcher quoi ! Et puis venez rencontrer les acteurs, Yann et Laurent. ce sont des belles personnes. Avant d'être acteur, il faut d'abord être une personne et un être humain et après on peut commencer à faire du théâtre. 

RM : Merci pour cette rencontre et rendez-vous le 24 juin

MB : C'est moi qui vous remercie beaucoup ! 

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