Droit

Le coeur de ville à la découpe par Antoine Allemand

Au cours du conseil municipal d'hier au soir, une petite phrase, glissée incidemment, et…

Au cours du conseil municipal d’hier au soir, une petite phrase, glissée incidemment, et peut-être à son corps défendant, par l’adjoint aux finances, m’a fait sursauter : au cours d’un échange musclé entre Didier Denestèbe, notre maire et Henri Couquet concernant la vente de terrains de la zone naturiste au groupe Jassogne & Partners, ce dernier a laissé échapper « on y fera appel pour le centre ville d’Agde ».
Mais qui est ce groupe Jassogne & Partners ? Cette société est controversée et elle a enregistrée pour son dernier exercice comptable des pertes équivalentes à 2/3 de son capital social ; c’est une société spécialisée dans le conseil en défiscalisation et la recherche d’investisseurs à l’affût de bons coups, son activité essentielle a consisté jusqu’ici en vente de voiliers et avions et réalisation de programmes immobiliers à des fins de défiscalisation en France et aux Antilles.
Qu’une telle société puisse travailler sur le centre ville en deuxième rideau derrière la SEBLI -qui, elle, bénéficie d’un droit de préemption donc de possibilités d’achat à coûts réduits-, c’est juridiquement légal mais me paraît hautement dangereux si cette société ne présente pas toute garantie de solidité financière à défaut de vocation à défendre l’intérêt public (à ce sujet lire l’article du n°437 de « Marianne » consacré aux HLM Kleenex de Levallois-Perret).

COMPTE RENDU A LA COLLECTIVITE AU 31 MAI 2005

Du coup, j’en suis venu à m’interroger sur l’activité de la SEBLI telle que présentée lors du conseil précédent, le 16 juin dernier.
Passons sur le fait que la ville se soit dessaisie de l’aménagement du centre ville au profit de la SEBLI en trois temps, d’abord une trentaine d’appartements (îlots Saint Vénuste, Terrisse et Du Bout du Pont), ensuite 72 ( les immeubles dits « en miroir » de ces îlots) et finalement 800 (la totalité du centre ville limitée par la rue de la République, la rue du 4 Septembre et l’Hérault), ce qui laisse préjuger du niveau d’impréparation de l’affaire.
Pour l’instant, malgré ces extensions de champ de compétence successives, la SEBLI n’a entrepris aucuns travaux.
Elle s’est contentée d’acheter quelques immeubles et d’en préempter quelques autres.
L’opération initiée en 2002 n’aurait pas plus avancé car, parait-il, il fallait attendre l’arrêté de ZPPAUP pris seulement en août 2004(en 2001 le dossier ZPPAU était déjà bouclé).

LES ACQUISITIONS DE LA SEBLI :

En avril 2002, La SEBLI a acheté l’immeuble Terrisse, auparavant propriété de la ville, pour un montant de 70 000 euros.
Il est à noter que cet immeuble, totalement à rénover à l’intérieur, avait fait l’objet de travaux de la part de la ville (réfection de toiture et de façade) pour un coût qui, de mémoire, était équivalent, sinon supérieur au montant de la vente.
L’intérêt historique de ce bâtiment ayant appartenu au corsaire Terrisse est indéniable ; l’intérêt architectural se résume aux façades, à une tour avec escalier à vis et une terrasse en dalles et puits de basalte.

On peut espérer que le tout soit protégé et cela peut se faire facilement. L’autorisation de travaux (pour quoi faire ?) est en cours d’étude.
En septembre 2004 et mars 2005, la SEBLI a acheté le 11 rue Honoré Muratet pour un montant total de 88 250 euros (153 m2) et en février 2005 les 22 et 24 rue Terrisse pour 5 700 euros (370 m2). Il s’agit, dans ces trois cas, d’immeubles dits « miroirs » au périmètre initial.
Et c’est tout.
Aucun achat donc sur les îlots initiaux, si ce n’est l’immeuble Terrisse.

LES OPERATIONS EN COURS

Depuis, la SEBLI a fait valoir son droit de préemption sur huit immeubles :
14 ter rue d’Embonne (trop tard, la vente à un particulier était déjà effective), 21 rue Chassefière, 6 rue Saint-Sever, 4 rue Michelet, 1 et 4 rue de la Ville, 6 rue Montesquieu et 7 rue de la Casemate (dans tous les cas on se trouve dans la 3ème zone d’extension, celle décidée en conseil municipal en juin dernier).

Il faut ajouter à cela l’épisode, qui serait burlesque s’il n’était qu’une compilation de maladresses, du 6 place de la Marine (ex Bar de la Marine).
Cet immeuble « contribuant à la politique de restructuration urbaine de centre ancien » a été dans un premier temps, (avril 2005), préempté par la mairie interdisant ainsi la vente à un particulier.
Cette décision de préemption a été confortée par un vote du conseil municipal du 16 juin et annulée par le Maire le… 17 juin; un nouvel acquéreur s’étant manifesté et ayant emporté le lot.

Pour terminer la SEBLI a fait valoir son droit de préemption sur l’immeuble cadastré LD 127-128-129 (320 m2 au sol et un millier de m2 « habitables ») sis 13 rue de la Glacière.
C’est une bonne chose en soi que cet immeuble entre dans le patrimoine communal car il constitue un des joyaux architecturaux du cœur de ville.
Il s’agit en fait de l’immeuble plus connu sous l’appellation « maison Rigal » ou « Hôtel Richelieu » et qui a fait l’objet d’un long article dans un des journaux municipaux.

Or, dans son compte rendu d’activité, la SEBLI annonce une ouverture d’enquête pour juin 2005, la commercialisation de l’immeuble en …2005 et le démarrage des travaux au 2ème semestre 2006.
Ce qui veut dire que ce bâtiment va retourner dans le privé pour être vendu en logements locatifs. Il y a trop d’éléments architecturaux importants dans ce bâtiment (façades, escalier d’honneur, citerne, jardin intérieur avec canalisations en basalte) pour qu’il fasse l’objet de travaux de réhabilitation qui ne conserveraient pas l’intégrité du site. Si la Mairie laisse faire, et je ne vois pas pourquoi elle changerait son fusil d’épaule, cet immeuble sera irrémédiablement perdu en tant que ressource patrimoniale et architecturale.

Lorsque la SEBLI affirme que son « but essentiel (est) de mettre un terme à la paupérisation de certains îlots…liée à une forte dégradation des immeubles », qu’elle ajoute que « 230 immeubles (sont) identifiés comme vétustes » et que « cette politique doit s’accompagner d’opérations fortes d’aménagements publics (pour) améliorer les conditions de stationnement des véhicules des riverains » on peut à la fois se féliciter des intentions louables mais aussi s’inquiéter du choix des termes.

Alors oui à la réhabilitation du cœur de ville, oui à l’intervention de la SEBLI, mais sous contrôle, et pas à n’importe quelles conditions et pas avec n’importe qui.

Sinon, d’ici quelques temps, les visites guidées de l’OTSI consisteront en la lecture de plaques du style « l’immeuble actuel occupe l’emplacement d’une demeure renaissance qui ne renaîtra plus » ou « si vous fouillez bien sous ce parking, vous retrouverez le palais des Evêques »…Et aux questions concernant les autochtones, les charmantes hôtesses répondront : « Inutile de les chercher là où ils ne sont plus. »

Antoine Allemand
Qui est-ce ? – Fiche TrominosCap : https://www.herault-tribune.com/?p=p04&action=view&Tr_Id=18

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