CAP d'AGDE - POUR UNE COMMUNE LIBRE et INDEPENDANTE ! ( Flash Back par Didier DENESTEBE )
Cette rubrique " Flashback " revient régulièrement sur le passé illustré de notre histoire…
Cette rubrique ” Flashback ” revient régulièrement sur le passé illustré de notre histoire encore récente par la publication de documents d’archives photographiques ou documentaires.
1979 .. Il y a dix ans à peine que les premiers coups de pioches ont dessiné les contours d’un port artificiel au Cap d’Agde. La mer a pris place sur les terres marécageuses ouvertes désormais sur Fort Brescou.
A dix ans, le Cap n’est pas majeur mais déjà un bon millier de pionniers demeurent à l’année sur la station. Une vie sociale s’est installée, une école primaire est sortie de terre, les quartiers sont déjà formés, l’allée de la flânerie relie le port à la plage du Môle.
Au village Naturiste, Héliopolis est venu s’adosser à Port Ambonne et aux premières tranches de Port Nature. Les Marines du Cap, l’hôtel Palmeria, le Matago sont déjà sortis de terre. Les fondations du palais des congrès sont déjà tracées.
L’ile des pêcheurs voit le jour et une église est en cours de construction. Ce sera Saint Benoit et les ouailles de toutes confessions souscrivent massivement à l’appel de l’abbé Henri BERAIL pour la doter d’une cloche plus symbolique que théologique qui rappellera à tous qu’ils font partie d’une même communauté.
On vient même de trancher : Nous nous appellerons « Les Capagathois » !
Les autochtones étaient assez partagés sur la création de ce Cap d’Agde que la ” Mission Racine “ leur imposait peu ou prou. L’Etat avait souvent acquis les terrains au prix des marécages pour les céder aux promoteurs au travers d’une logistique d’aménagement d’ensemble.
Quelques agathois ont cru à ce nouvel « Eldorado», d’autres se sont sentis spoliés, et une majorité voyait d’un bon oeil cette manne touristique ne s’imaginant pas que les nouveaux venus puissent un jour se sentir concernés par les décisions d’une commune qui ne les avait pas vu naitre !
C’est que l’agathois est fier d’être ” authentique ” ! Astérix passerait presque pour un immigré s’il descendait de Lutèce pour s’installer à la Marine. Les Néo (Cap)apagathois , ont eux aussi une connotation « identitaire » : On les les appellent « Les permanents » . Ce furent principalement les commerçants qui s’installèrent en ” Terre promise ” non loin de leurs commerces.
Peu d’Agathois, ont encore fait le choix de vivre à demeure au Cap. Le quartier résidentiel de la Colline Saint Martin est encore à l’état embryonaire… Mieux logés ” en ville d’Agde que dans des appartements de deux pièces au Cap d’Agde, les « authentiques » furent à cette époque bien peu nombreux à s’installer en bord de mer.
Le décor est planté. Même si les deux communautés cohabitent et coopèrent en bonne intelligence au développement d’un tourisme qui fait prospérer la ville, chacune d’elles entends préserver sa propre identité. Au Cap, les pionniers ” estrangers ” venus du Far West ou plus nombreux d’Afrique du Nord, à Agde, les Agathois pure souche ! La lecture des professions de foi de chacun des futurs candidats aux élections municipales vous éclairera bientôt sur cette spécialité locale ! Au jeu du plus agathois que moi tu meurs : la partie va bientôt commencer.
L’espèce est pourtant en voie de disparition depuis la fermeture de la maternité en 1975. A l’heure actuelle, les vrais de vrais ne sont plus que 1817 ( dont quatre centenaires ) et ne représentent plus que 8 % de la population.
En 1979 nos pionniers Capagathois font leur compte :
- – 2 conseillers municipaux sur 22 ( A noter pour la petite histoire que malgré la guerre de religion des années 80 le nombre a proportionnellement régressé )
- – 1 milliard 400 millions de recettes fiscales ( sur une budget de 3 milliards )
- – 7000 appartements au Cap contre 5000 en Ville d’Agde
Statistiquement égaux ils se sentent laissés pour compte et dénoncent pêle mêle la carence d’entretien de la station le manque de représentativité, l’insécurité ( voilà une affaire qui fera des petits en 1995 ) et un projet de taxation spécifique des appartements nouvellement construits portés par Guy TOURREAU et Raymond d’ETTORE qui mettra le feu aux poudres. Ajoutez à cela une levée de bouclier contre un projet de VERNELAND ( DISNEYLAND sur le théme de Jules VERNES ) qui promettait des centaines d’emplois aux agathois.. La tension monte …
Comme partout ou le commautarisme voit le jour, les esprits s’échauffent et les ” pionniers ” s’en mêlent. Ils créent le CERAC ( Centre d’étude et de recherche pour l’Avenir du Cap d’Agde ) dont la finalité est explicitée en lettres capitales sur les cartes de membres : POUR UNE COMMUNE INDEPENDANTE .
Le comité directeur avait bonne mine avec des noms de famille qui résonnent encore dans les gazettes locales : Gérard DENESTEBE en président, Roger FREY, Ginette BECHAUX, Jacques GRISON, André VILLARD , Jean-Claude MALOU, Pierre URIOT, Danielle CHAUMARAT, Sam BOUADANA, Jacky BONNIEU , André BOUDOU, René CAZENOVE, Christian CARTEYRADE, Georges RENAULT, Michel LALANDE, François BACOU ou encore votre serviteur à peine sorti de l’adolescence en représentant émérite de la jeunesse noctambule.
Une lettre d’information éditée, des affiches ” CAP d’AGDE COMMUNE LIBRE ” un temps affichées sous les ponts du Cap d’Agde, un bureau constitué .. un recours déposé en sous préfecture et plus de quatre cent adhérents plus tard l’affaire est prise au sérieux par le Conseil Municipal agathois. Même le journal d’ Yves MOUROUSI avait consacré un sujet au journal de 13 heures.
Pierre LEROY BEAULIEU fera tout son possible pour qu’une trêve soit négociée.
Guy TOURREAU sera en charge de la médiation. L‘épreuve de force durera prés d’un an avant qu’un compromis ne voit le jour avec une réelle prise en compte des Capagathois. Un budget conséquent est alloué au développement touristique. La création d’un Festival de musique ” JAZZ OPEN ” est entérinée, de même que la création de l’Office municipal du tourisme du Cap d’Agde dont Gérard DENESTEBE deviendra le premier directeur bénévole.
La construction de la Bulle d’accueil est décidée, elle sera inaugurée en Mai 1981.
Les difficultés d’une scission juridiquement incertaine et la prise de conscience des agathois qui ont tenté d’éteindre l’incendie auront eu raison des plus activistes.
Match nul pourrait on dire, les Capagathois ont obtenu une reconnaissance , les agathois auront conservé une main mise sur les appareils du pouvoir en concédant quelques strapontins en 1983 à une poignée plus consistante de conseillers capagathois .. Ida DECLOSMENIL Haïm ZIRI , Suzanne SERNA, Anne Marie DENESTEBE et Pierre SIX font leur entrée au Conseil municipal.
Les Capagathois étaient représentés.. Le Boulevard du Soleil en gestation … la continuité géographique rassemblait peu a peu les deux entités. Agde allait bientôt devenir un archipel ! Agde allait bientôt devenir Européenne… Mais il aura fallut quarante ans pour qu’à la faveur de l’extension d’un golf une passerelle ne relie définitivement le Cap à son Agde.
Cette histoire d’une « petite guéguerre locale » méconnue du grand public passe souvent à la trappe des versions officielles. C’est pourtant une aventure vécue et non écrite que j’ai eu le plus grand plaisir à vous conter ne serait ce que… pour l’histoire !
Herault Tribune – Didier DENESTEBE
Ci dessous tous les documents d’époque en libre accès
CERAC – Premier Bulletin d’Information
CERAC – Second Bulletin d’Information
CERAC – La lettre au sous Préfet
CERAC – Halte aux cambriolages
CERAC – Une carte de membre explicite
CERAC – L’ affiche historique placardée en 1979