Faits divers

AGDE - Une semaine de «l’Exil et de la Mémoire» pour les 80 ans de la «Retirada»

 Début 1939, c’est la guerre civile en Espagne. Les troupes du Général Franco avancent…

 

Début 1939, c’est la guerre civile en Espagne. Les troupes du Général Franco avancent sur la Catalogne faisant tomber Barcelone, le 26 janvier. Ainsi, près de
500 000 espagnols passent les Pyrénées pour trouver refuge dans une France qui n’est absolument pas préparée à cela. A la hâte, les autorités militaires autorisent des camps qui n’ont «d’accueil» que le mot, souvent des tentes que les catalans enfouissent dans les dunes d'Argelès pour se mettre à l’abri du vent et du froid, plus rarement des baraquements en briques ou parfois en bois, comme à Agde, qui accueillera 24 000 réfugiés. Sur le Sud de la France se sont près d’une quinzaine de camps qui sont ainsi mis en place avec leurs grandes et petites histoires. Ce sont ces deux dernières qui ont été évoquées durant la semaine de «l’Exil et de la Mémoire» organisée à Agde au Moulin des Évêques du 13 au 16 mars. C’est au travers de colloques et d’expositions que bien des aspects de cette partie de notre histoire régionale ont été contés.

 

Tout a commencé mercredi 13 mars, avec une conférence de Geneviève Dreyfus-Armand sur la grande histoire, dressant une photographie générale de la situation avant et pendant l’exode. «La France était rongée par la crise économique, en proie aux sentiments xénophobes, repliée sur elle-même. La société française offre aux réfugiés un accueil plus que mitigé, après que les républicains aient quelque peu forcé la frontière», mais également un portrait sans concession de la réaction officielle française débordée par la voix du Ministre de l’Intérieur Albert Sarraut, parlant à propos du camp d’Argelès (87 000 personnes) : «le camp ne sera pas un lieu pénitentiaire, mais un camp de concentration». La petite histoire aura été également évoquée par des conférences en français et en espagnol (traduit) comme celles ayant pour thème «le travail forcé des réfugiés» ou encore «l’hygiène et la santé».

 

Par la suite, les participants se sont déplacés vers la Galerie du Patrimoine où a été présentée une exposition sur les 16 artistes espagnols qui sont passés par le camp d’Agde, notamment ceux qui ont décoré la salle des mariages de la maison du Cœur de Ville, ou encore le créateur de Pif le chien. C’est le Maire d’Agde Gilles D’Ettore, accompagné d’Yvonne Keller et de Christine Antoine respectivement Adjointes au Maire déléguées à la Culture et au Patrimoine, qui a procédé au vernissage de l’exposition qui a pris fin avec un concert de l’artiste Jean-Luc Béa.

 

Le colloque sur la Retirada a débuté dès le lendemain, par un discours d’ouverture prononcé par le Maire Gilles D’Ettore, en présence de Soledad Fuentes, Consul d’Espagne à Montpellier, de René Moreno, Conseiller Régional, de Sébastien Frey, Conseiller Départemental et Premier Adjoint au Maire d’Agde : «C’est le 28 février 1939 qu’un premier convoi de 20 camions chargés de miliciens arrive à Agde. En apprenant la nouvelle, la population agathoise est inquiète, Agde ne compte que
10 000 habitants et le nombre annoncé de réfugiés atteint les 20 000, soit le double. Une des préoccupations majeures qui se pose régulièrement aux Agathois est l’alimentation en eau potable. Des baraques sont construites sur trois camps. Le camp 3, dit des Catalans, va se démarquer par des conditions de vie un peu moins mauvaises. Les réfugiés vont organiser leurs journées pour faire face. Ils mettent sur pied distractions et certains proposent leur talent aux autorités locales. C’est ainsi qu’un archéologue, Prat Puig, participe aux fouilles sur le site d’Embonne au Cap d’Agde, aux côtés d’un pharmacien local, Raymond Aris, puis le long de l’église Saint-André et sur le site de Notre-Dame-du-Grau. D’autres artistes, Cadena, Clavell et Tarrac, embellissent la salle des Mariages de notre ancienne Mairie. À partir du mois de juillet 39, certains internés quittent le camp pour l’Amérique latine. D’autres s’engagent dans la Légion Étrangère et quelques-uns rallient la Résistance, principalement dans le Sud de la France. Se battant aux côtés des maquisards, ils participent à la libération de nombreux départements du Midi et seront salués par le Général De Gaulle. Au total, 50 000 personnes sont passées par ce camp, non seulement des républicains espagnols mais aussi des Tchèques, des Belges, des Juifs, des Tziganes, des Indochinois et des Malgaches. Un monument, à Agde, remémore l’existence de ce camp. Il a été érigé à l’entrée d’origine en 1989 lors du cinquantième anniversaire».

 

Quant à Sébastien Frey, il a déclaré «cette histoire est la nôtre et doit être connue de la jeunesse de notre Département,  car nombreux sont ceux, ici, qui ont des racines espagnoles et dont les parents et grands-parents sont venus à Agde pour échapper à la mort. Il est de notre devoir d’élus d’être toujours à l’origine du secours que l’on peut apporter. On ne peut avancer sans connaître notre passé et je ne saurais trop féliciter les associations impliquées pour le travail accompli» .

 

René Moreno a lui précisé «je suis de ces racines espagnoles, ceux qui ont fui pour trouver refuge en Occitanie, dans sa partie Languedoc-Roussillon d’alors. Mettre en avant la mémoire de notre histoire locale est une action essentielle que veut mener la Région. La guerre d’Espagne et la «Retirada» sont des symboles des sacrifices parfois nécessaires pour conserver nos valeurs républicaines et démocratiques».

 

Un autre point d’orgue de cette semaine a été la visite du Parrain de la manifestation le chanteur Cali, dont la famille a vécu la Retirada, accompagné du Maire de Vernet-les-Bains. «Mes grands-parents ont vécu dans les camps de Gurs, Argelès et Saint-Cyprien. C'est une époque qui me touche, particulièrement en ce moment quand je vois la situation en France. Aujourd'hui, on vit une tragédie, l'arrivée en masse de migrants qui fuient leur pays en guerre et qui appellent au secours, tout simplement. Quand je vois les réactions hostiles à tout ça, c'est vraiment troublant pour moi. Quand il y a un incendie dans une maison, on essaie de sauter par la fenêtre, et c'est ce qu'ils font. Ce qui est terrifiant c'est de trébucher à chaque fois. L'histoire se répète mais on a la possibilité de faire changer les choses. Nos grands-parents ne sont pas morts pour rien».

 

La semaine s’est terminée par un concert de Paco Ibanez au nouveau Palais des Congrès où, durant plus de deux heures, le chanteur et guitariste catalan, âgé de 84 ans tout de même, a enchanté les très nombreux spectateurs avec ses chansons en hommage aux républicains espagnols, les entrainant le temps d’une soirée dans les univers des poètes espagnols, comme Federico Garcia Lorca. Pour le final, c’est devant un public debout qu’il a entonné son hymne antifranquiste «A galopar», le poème de Rafaël Alberti.

 

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