André-Pierre Arnal, la libre expérimentation du hasard
Dans la lignée des œuvres qu’elle avait exposées sur Art Montpellier en décembre 2017, Clémence Boisanté propose actuellement, dans sa galerie, une double exposition consacrée à André-Pierre Arnal et au mouvement Supports-Surfaces, qui défraya la chronique à la fin de l’année 1969 et au tout début des années 70. Un mouvement artistique important sur le plan régional, qui compte ou a compté parmi ses membres les plus connus Claude Viallat, Louis Cane, Vincent Bioulès, Pierre Buraglio, Daniel Dezeuze, Jean-Michel Meurice, Bernard Pagès et Jean-Pierre Pincemin. Focus sur André-Pierre Arnal…
La première exposition d’André-Pierre Arnal à la galerie Boisanté retrace la trajectoire artistique de ce peintre à travers un panel des différentes séries qu’il a réalisées de 1968 à 2017 dans ses ateliers montpelliérain, cévenol et parisien. Aux cimaises, on peut voir ses Déchirures obliques, ses Arrachements, ses Froissages, ses Pliages et ses Collages. Le public peut découvrir aussi bien des œuvres anciennes que d’autres totalement inédites, créées spécialement pour cette exposition monographique.
Ses créations invitent à la rêverie. On se surprend à laisser ses pensées vagabonder au gré des plis ou des collages, l’esprit guidé par les couleurs et les traces laissées ici ou là par le peintre comme sur une cartographie sacrée…
Recherches, expérimentations et gestes archaïques
Après sa sortie des Beaux-Arts de Montpellier, dans les années soixante, André-Pierre Arnal a mené diverses recherches et expérimentations qui l’ont conduit à abandonner le châssis et à travailler la plupart du temps à partir d’une toile libre, non tendue.
L’essentiel de son travail résulte de gestes archaïques ou artisanaux répétés à l’envi : il déconstruit et reconstruit, plie et déplie, fripe et froisse la toile ou le papier, arrache et transplante des couches de couleurs en lambeaux, colle entre eux des éléments pour former des compositions, frotte le support, travaille au pochoir… Il ancre son œuvre dans le physique, le toucher.
Il est passionné par « le caractère aléatoire avec lequel le papier ou la toile reçoivent la couleur/matière », note Maïthé Vallès-Bled dans le catalogue Lodève, visions obliques, accompagnant l’exposition éponyme organisée au Musée Fleury en 2006. Le jeu avec la couleur est
une composante importante de son œuvre.
Le peintre invente aussi des outils. Fabienne Brugère, philosophe française spécialisée en esthétique et en philosophie de l’art, relève en effet que pour obtenir certains effets, l’artiste « entoure des rouleaux à pâtisserie ou des boîtes de whisky cylindriques de morceaux de toile épais qui servent d’encrages et dessinent sur ses toiles des traits ou des griffures… ».
On l’a compris, chez André-Pierre Arnal, la toile s’affranchit du châssis et du cadre ; elle est libre de flotter et porte des plis ou les traces volontaires de l’intervention de l’artiste. Son œuvre s’inscrit ainsi pleinement dans la démarche de Supports-Surfaces qui visait à déconstruire les règles du tableau, classiquement composé d’un châssis, d’un cadre et d’une toile tendue. L’artiste écrit ses propres règles,
qui n’ont qu’un but : découvrir les surprises que le hasard peut lui réserver en guidant sa main lors de l’arrachage ou en laissant la peinture suivre les plis qu’il a ménagés sur le tissu.
L’amour de l’écriture
La peinture est loin d’être l’unique centre d’intérêt d’André-Pierre Arnal, qui a enseigné le français durant une trentaine d’années. Les deux matières que sont la peinture et l’écriture constituent, ensemble, ce qu’il nomme sa « nourriture essentielle ». Tout au long de son parcours, qui est loin d’être achevé, l’artiste a produit plus de 200 livres uniques ou leporellos associant textes poétiques calligraphiés et compositions abstraites faites d’arrachements, de déchirures et de collages. Et sa série Déchirures obliques est une allusion explicite et revendiquée au caractère oblique de l’écriture, chaque déchirure faisant office de lettre signifiante. Le blanc, qui est souvent préservé chez Arnal, rappelle les espaces entre les mots préservés par l’écriture, comme des respirations.
Le souffle de la nature
La proximité de certaines œuvres d’André-Pierre Arnal avec la nature est évidente. Ainsi, ses Déchirures obliques, si elles ont un lien manifeste avec l’écriture, peuvent aussi évoquer des paysages de sous-bois. Ici et là, on pense distinguer des troncs de bouleaux,
à intervalles réguliers. Dans ce cas, les bleus, les verts, les ocres et les bruns, prédominants, accentuent cette sensation de lien avec la nature. L’attachement du peintre aux terres cévenoles, où il aime faire de longues balades, s’y fait sentir.
Informations pratiques
Galerie Clémence-Boisanté – 10, boulevard Ledru-Rollin Montpellier – www.galerieboisante.com.
Exposition visible jusqu’au 2 mars 2018, le mardi de 14h30 à 19h et du mercredi au samedi de 11h à 12h30 et de 14h30 à 19h.
Le prochain événement organisé à la Galerie Boisanté sera une exposition individuelle de Patrick Loste qui débutera le 10 mars 2018.