Antonio Seguí ou l’art de la déambulation

La galerie Clémence-Boisanté accueille actuellement des œuvres d’Antonio Seguí, figure majeure de la peinture et de la sculpture contemporaines. Argentin exilé en France depuis les années 60 pour fuir la dictature, son œuvre se caractérise par ses personnages colorés, aux visages parfois caricaturaux, déambulant comme des pantins ou des marionnettes.

L’artiste montre l’agitation de la foule et les activités ou les errements des uns et des autres. Seguí a également créé des sculptures monumentales pour des espaces publics, en réponse à des commandes. «Antonio Seguí compte à son actif plus d’une centaine d’expositions personnelles ; il a remporté de nombreux prix et récompenses sur les cinq continents et enseigné à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Son œuvre est entrée dans les collections des plus grands musées du monde*», rappelle la galeriste. Elle propose, à ses cimaises, des peintures de Seguí des années 2015 à 2017 (avec quelques œuvres plus anciennes), des pastels des années 80 à aujourd’hui, des gravures au carborundum réalisées sur papier Japon entre 2005 et 2015, ainsi que quatre broches en argent et en or et argent créées en collaboration avec le designer et créateur de bijoux Chus Burés. Autant dire que l’exposition, par sa variété et sa qualité, est une totale réussite.

Rencontre avec un artiste octogénaire fort sympathique, passionné par la création, que l’on devine bien loin de raccrocher ses pinceaux…

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Quand votre style – avec ce personnage récurrent portant un chapeau et semblant marcher à un rythme saccadé – est-il né ?

Antonio Seguí : « Dans mes dessins des années cinquante, mon écriture était déjà là, même si, ensuite, j’ai essayé plusieurs autres écritures. La répétition était également présente dans mes travaux à mes débuts. »

Ce personnage au chapeau que l’on voit si souvent dans vos œuvres, est-il autobiographique ? Est-il votre alter ego ?

« Une œuvre est toujours le reflet de ce que l’on est, donc je pense que oui, d’une certaine manière. En Argentine, lorsque j’étais enfant, mon père et mon grand-père portaient un Panama. Personnellement, je préfère les Borsalino. Mais je ne me sens pas encore prêt à en porter un ! »

Vos personnages déambulent dans des décors très schématiques…

« Pour moi, l’architecture est une façon ludique de faire évoluer des personnages parmi des maisons, des bâtiments et des monuments souvent plus petits qu’eux. Je crée un jeu avec la perspective. J’aime l’idée que les bâtiments que je représente ressemblent à des jouets pour enfants. »

Vos personnages sont assez caricaturaux ; on dirait presque des pantins !

« Oui, et je l’assume totalement. J’ai été très influencé par la caricature politique argentine, par ce genre d’humour. J’effectue une mise à distance critique du monde et de la société. Mes personnages courent sans doute après le bonheur. A moins que ce ne soit après des objectifs matériels ? Bien que je ne sois pas militant, mon travail a des racines politiques. Surtout dans mes œuvres sur papier, qui sont plus libres graphiquement. Sur papier, je me sens moins responsable que sur toile ! J’ai choisi de rester en France pour des raisons politiques, car je ne comprenais pas le peronisme. Cela a sans doute influencé mes créations. Je prône un monde de paix. »

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Comment les titres de vos œuvres vous viennent-ils, et pourquoi sont-ils le plus souvent en espagnol ?

« Ils me viennent spontanément, au fur et à mesure que naissent les tableaux au sein des séries, et ils ont une grande importance à mes yeux. Quant à savoir pourquoi ils sont en espagnol… J’ai quitté l’Argentine à 17 ans et j’en ai 83 aujourd’hui. J’ai donc vécu bien plus de temps en France qu’en Argentine, même si j’y retourne deux fois par an. J’ai longtemps caressé l’envie de retourner y vivre, mais à chaque fois que j’ai essayé, un événement se produisait, qui m’en dissuadait ! J’ai définitivement abandonné l’idée il y a une quinzaine d’années… Ecrire mes titres en espagnol retranscrit sans doute mon attachement viscéral pour mon pays d’origine. »

Aux cimaises de la Galerie Clémence-Boisanté, on peut prendre la mesure des diverses techniques que vous pratiquez : peinture, pastel, gravure au carborudum… Laquelle préférez-vous ?

« A vrai dire, je les apprécie toutes. Je m’amuse de façons diverses avec chacune d’entre elles. L’amusement est mon moteur. Par exemple, j’ai commencé la gravure au carborundum il y a relativement peu de temps [NDLR : plus d’une quinzaine d’années]. J’en retire beaucoup de plaisir… J’ai longtemps fait de la sculpture parallèlement à la peinture. Notamment des sculptures monumentales au Maroc, en Colombie et en Argentine. Mais à mon âge, je ne sais pas si j’en referai… »

Propos recueillis par Virginie MOREAU

vm.culture@gmail.com

 

* MoMa de New York, Musée d’art moderne de Paris – Centre Pompidou, Musée d’art moderne de Buenos Aires, en Argentine, pour ne citer qu’eux.

 

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