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Castelnau-le-Lez, expo : les insectes géants d'Anima (ex) Musica racontés par l'un de leurs créateurs, Vincent Gadras

Vincent Gadras, scénographe et constructeur de décors, membre du collectif "Tout reste à faire", évoque l'histoire des insectes à taille humaine présentés du 7 janvier au 14 février à Castelnau-le-Lez et Montpellier…

Photo © le collectif “Tout reste à faire”. De gauche à droite : David Chalmin, Vincent Gadras, Mathieu Desailly.

En ce début d’année, plusieurs insectes géants créés à partir d’instruments de musique hors d’usage par le collectif “Tout reste à faire” sont exposés dans divers endroits de Castelnau-le-Lez et à la Cité des Arts de Montpellier Métropole, dans le cadre de l’exposition Anima (ex) Musica. Leurs inventeurs et concepteurs sont Mathieu Desailly et Vincent Gadras. Ces insectes sont accompagnés chacun d’une partition musicale créée par le musicien David Chalmin. Entretien avec Vincent Gadras…

Comment est né le collectif “Tout reste à faire” ?

Vincent Gadras : “Mathieu Desailly créait des affiches dans le cadre de son métier de graphiste. Souvent, quand ils voyaient ses créations, les gens lui disaient leur envie de voir en vrai les objets qu’il dessinait. Il y a à peu près dix ans, cela lui a donné l’idée de mettre en forme des objets. Et un collectif de 3 personnes a été créé autour de cette idée, doublé d’une association composée de 10 bénévoles qui assurent la production des œuvres, le transport…”

Pourquoi associer insectes et instruments de musique ?

Vincent Gadras : “Il s’agit avant tout de montrer ce qui est habituellement invisible. Les insectes, d’abord, dont la petite taille les rend quasiment invisibles, et qui sont souvent méprisés et mal-aimés. Les instruments de musique, ensuite, très précieux, dont on voit rarement l’intérieur, les mécanismes. Ils sont beaux et abondants en France et dans certains pays européens. Et le processus de création, puisque (à l’exception de l’exposition de Castelnau et de quelques autres) en général nous montrons le travail de création de construction en cours, à l’occasion d’un atelier in situ. Le processus créatif est très long. Nous aimons montrer la lenteur de ce processus, qui dépend de notre habileté à trouver des solutions ainsi que des instruments que l’on trouve ou que l’on nous donne… Parfois il faut trois résidences pour monter un insecte.

Nous concevons des arthropodes, araignées, crustacés terrestres, myriapodes et insectes. Nous avons déjà réalisé d’autres animaux à l’échelle humaine. Mais l’effet était moins révélateur que pour des insectes, du fait de la moins grande différence d’échelle. Une vache ou une mouette, c’est plus banal.”

Castelnau le Lez, vue de l'exposition Ex Musica et ses insectes géants © Axel Coeuret
Castelnau le Lez, vue de l’exposition Ex Musica et ses insectes géants © Axel Coeuret

Vue de l’exposition Anima (Ex) Musica et ses insectes géants © Axel Coeuret.

Quand avez-vous créé le premier insecte ?

Vincent Gadras : “Le premier insecte, un scarabée, a été créé en public à Chambéry à l’occasion d’un festival de piano. A l’origine, il devait s’agir d’une performance sans lendemain. Puis nous avons eu envie de créer un bestiaire. Il s’agrandit au rythme d’environ un nouvel insecte par an, lors d’ateliers de création in situ, qui accompagnent le plus souvent les expositions…”

Quelles sont les étapes de la conception ?

Vincent Gadras : “Nous ne partons pas toujours d’un plan. Cela dépend des fois. En général, Mathieu Desailly décide de l’orientation, parce qu’il pense à un insecte ou un instrument de musique qui l’intéresse. Nous nous imprégnons alors de littérature et d’ouvrages scientifiques. Je crée plutôt ce qui ne se voit pas – le squelette, les os – et Mathieu Desailly s’occupe de la chair. Ce sont des arthropodes, ils ont des articulations à chaque patte et un squelette externe. Mathieu et moi ne construisons les insectes qu’en public en général ; cela nous pousse à avancer plus vite et permet d’instaurer une relation avec le public. Mais nous ne faisons pas d’ateliers participatifs avec le public, nous créons devant lui, avec toujours une part de hasard.

Parfois la création ne fonctionne pas. Il nous arrive de défaire entièrement un insecte. Ça a été le cas pour la puce faite avec des guitares. Nous l’avons créée au Familistère de Guise, dans le Nord, pendant le confinement. Elle a connu des étapes de construction et déconstruction, car ce qui semble fonctionner sur le papier ne réussit pas forcément dans la réalité.

tout reste a faire
tout reste a faire

© Collectif “Tout reste à faire”..

Quand l’insecte est terminé, nous décidons du mouvement que nous lui donnerons. Il s’agit d’une animation assez sommaire : l’insecte fait un petit mouvement ou bouge tout entier. Je le motorise, puis j’enregistre les sons de la mécanique et une vidéo pour David Chalmin, qui est musicien. Il compose un morceau en fonction du rythme, puis il l’interprète et l’enregistre. La partition est ensuite diffusée par un ampli dans le socle de la bête. Ce ne sont pas les insectes qui font de la musique.

La musique est une dimension importante de l’exposition. Elle produit un effet immersif quand on peut la diffuser assez fort. Nous comptons d’ailleurs faire un CD rassemblant ces partitions musicales.

Donc au final, l’esthétique de l’insecte, ses mouvements et les sons qu’il diffuse donnent l’impression de remettre en vie un insecte”.

D’où proviennent les instruments qui vous servent à créer ?

Vincent Gadras : “Nous faisons des appels aux dons et les gens nous apportent leur instrument usagé pour lui donner une seconde vie. Beaucoup d’écoles de musique nous confient leurs instruments en fin de vie. On nous propose des pianos quasiment chaque jour ; nous devons même parfois en refuser. J’insiste sur le fait que nous n’utilisons jamais d’instruments en bon état”.

Comment le public réagit-il ?

Vincent Gadras : “Les gens viennent voir les œuvres avec le sourire. Nous rassurons les quelques personnes qui craignent pour les instruments de musique ou qui s’étonnent qu’ils soient ainsi désacralisés. Nous notons souvent de la surprise de la part des visiteurs, liée à leur méconnaissance des insectes. Surtout au début, car maintenant les insectes sont tendance. Avant, ils n’intéressaient personne.

Quand ils ressortent de l’exposition, les visiteurs portent un regard différent, de curiosité, vis-à-vis des instruments de musique et des insectes. Nous leur expliquons ce qu’il y a à l’intérieur des instruments et comment sont faits les insectes. Leurs réactions diffèrent en fonction de la distance à laquelle ils regardent l’insecte. De loin ils voient un insecte, de près ils regardent les instruments qui le composent. Ils sont troublés.

Quand la musique s’ajoute, les gens sont conquis. Nous veillons autant que possible à ce que les expositions soient faiblement éclairées pour que les gens aient la sensation de gigantisme. Ça trouble encore plus leurs sens…

Combien d’insectes géants sont “nés” jusqu’à présent ?

Vincent Gadras : “Nous en avons réalisé treize jusqu’à présent, mais le treizième n’a pas encore de boîte de transport, donc il n’est pas montré à Castelnau. Le quatorzième – un grillon champêtre fait à partir de clarinettes – est en cours de construction ; nous l’avons débuté dans les Côtes d’Armor. Mais il n’est pas présenté. Deux insectes sont actuellement exposés à la Philharmonie de Paris dans le cadre de l’exposition Les Animaux musiciens. Pour le suivant, qui sera le quinzième, nous avons passé quinze jours au Sénégal pour y nouer des relations et chercher des instruments de musique, avec l’idée de nous attaquer à la Tora (ou Kora)”.

Même les caisses de transport des insectes sont réfléchies…

Vincent Gadras : ” Lors du transport des œuvres en semi-remorque, tous les insectes sont couchés sur le côté, chacun dans une caisse. Pour les caisses, on a voulu reproduire l’imaginaire des retours de voyage des chercheurs entomologistes. Peintes en gris, elles comportent des inscriptions notamment sur leurs lieux de création. La caisse est présentée à côté de l’insecte sur le lieu d’exposition”.

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