Vie des professions

Compliance : la « soft law » monte en puissance dans les entreprises

A travers la « compliance », les codes de bonne conduite, la « soft law » se trouve en première ligne sur l’éthique et la responsabilité des entreprises. Organisés par le Conseil National des Barreaux (CNB), les Etats généraux du droit de l’entreprise lui ont consacré une table ronde.

L’éthique et la responsabilité des entreprises sont des exigences qui montent en puissance dans la société. La loi Sapin 2 et la loi créant un devoir de vigilance pour les sociétés-mères et les entreprises donneuses d’ordre sont des exemples tout récents. Avec les codes de bonne conduite, les recommandations, la « compliance », une « soft law » émerge dans l’arsenal juridique. C’est pourquoi la septième édition des Etats généraux du droit de l’entreprise, organisée le 23 mars 2017 à Paris par le Conseil national des barreaux (CNB), a consacré une table ronde au thème « Ethique, responsabilité, mondialisation : un nouvel ordre juridique pour les entreprises ? ».

Les entreprises et la RSE

« Les entreprises ont pris la mesure des exigences liées à la RSE [NDLR : responsabilité sociétale des entreprises] et aux nouvelles exigences éthiques. Les avocats sont là pour les y aider », a déclaré, dans ses propos introductifs, le président du CNB, Pascal Eydoux. Avec la montée de la « soft law », les entreprises doivent commencer par répertorier et analyser leurs risques internes et externes. Ce travail implique une méthodologie à respecter avec précision. La profession d’avocat a un rôle à jouer dans ce domaine. Comme l’a confirmé Emmanuel Daoud, avocat parisien expert auprès de la commission Droit et entreprise du CNB et animateur de la table ronde : « Nous sommes déjà sollicités par des entreprises de toute taille pour nous demander la mise en œuvre de la cartographie des risques ».

Un travail pluridisciplinaire

Pour les entreprises, il y a donc une organisation interne et externe à mettre en place. « C’est une culture à construire. Elle est l’affaire de tous », a souligné Christophe Roquilly, doyen du corps professoral et de la recherche, directeur du centre de recherche LegalEdhec, de l’Edhec Business School. Cela va de la direction du siège social aux directions opérationnelles qui sont en relation directe avec les clients. La cartographie des risques implique tous les services internes, et non un cloisonnement. « Il faut un travail pluridisciplinaire interne et également avec les services externes », a-t-il insisté.

Un effet en cascade

Il existe un effet en cascade. Pour sécuriser ses risques éthiques, une grande entreprise va vouloir demander à ses fournisseurs, à ses sous-traitants et à ses potentiels cocontractants de se plier aux mêmes exigences. La loi créant le devoir de vigilance pour les sociétés-mères et les entreprises donneuses d’ordre va dans ce sens. Y a-t-il pour autant une différence entre la « soft law » et la « hard law » (décrets, lois, etc.) ? « La seule différence est vraiment la sanction », a répondu Katrin Deckert, maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre – La Défense et chercheuse au Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique (Cedcace). Des juridictions françaises auraient même commencé à faire explicitement référence à la « soft law » dans leurs décisions de justice.

L’exemple de la RSE

Dans le cadre de la « soft law », le développement de la RSE est un parfait exemple. Pourquoi ? « La RSE s’est appropriée la ‘ soft law’ », a expliqué Marie-Caroline Caillet, docteure en droit, directrice conseil droit et RSE chez Be-linked/Greenflex, cabinet de conseil en stratégie et en management dédié à la relation entre ONG et entreprises. Selon cette juriste, les droits internationaux, régionaux et nationaux n’ont pas réussi à suivre les mouvements de la mondialisation. Pour pallier cela, la RSE a créé de la régulation à partir de différentes sources : les entreprises (chartes éthiques, codes de bonne conduite, etc.), les normes techniques issues d’acteurs privés (labels, guides pratiques, etc.)…

Un véhicule d’application du droit international

Autrement dit, les normes de « soft law » deviennent « un véhicule d’application du droit international », a précisé Marie-Caroline Caillet. Seul bémol, dans la « soft law », il n’existe pas vraiment de hiérarchie entre les normes, ce qui peut soulever un problème de lisibilité. Pour Jérôme Auriac, fondateur et directeur général de Be-linked/Greenflex, le devoir de vigilance implique un effort de prévention et de pédagogie de la part des entreprises. Celles-ci se doivent d’être à l’écoute de leur environnement. « Comme avocats, nous avons le devoir de faire dialoguer nos clients avec les ONG », a insisté Emmanuel Daoud. La « soft law » a, semble-t-il, de belles années devant elle…

Jean HARDAUD

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