CONTRIBUTION DE SEBASTIEN FREY AU CONSEIL NATIONAL DU TOURISME
CONTRIBUTION DE SEBASTIEN FREY AU CONSEIL NATIONAL DU TOURISME Contribution aux travaux de la…
CONTRIBUTION DE SEBASTIEN FREY AU CONSEIL NATIONAL DU TOURISME
Contribution aux travaux de la section EMPLOI DANS LE TOURISME EN FRANCE du Conseil National du Tourisme
Ce texte constitue une contribution de la Fédération des Entreprises Publiques Locales aux travaux de la section EMPLOI DANS LE TOURISME EN FRANCE du Conseil National du Tourisme. Il a pour objets, d’une part, d’apporter un éclairage sur le positionnement de l’économie touristique française, et d’autre part, d’émettre des propositions de développement touristique à la mise en œuvre desquelles les entreprises publiques locales prendraient une part active.
I. Le positionnement de l’économie touristique française
Le poids économique du tourisme en France
Le poids économique du tourisme en France n’a pas sensiblement varié depuis 2005. Il a oscillé entre 7,1% et 7,3% du PIB pour s’établir en 2010 à 7,12% du PIB.
Au cours de cette même période, il a pu être observé une augmentation des effectifs salariés dans les activités caractéristiques du tourisme. Au 31 décembre 2005, on dénombrait en France 776.412 emplois répartis principalement entre les secteurs de l’hébergement et de la restauration. Au 31 décembre 2010, il était fait état de 857.720 emplois. On constate par conséquent une augmentation de 10,4% des effectifs salariés. Il convient néanmoins de préciser que les effectifs mesurés hors saison estivale ne peuvent pas refléter précisément la réalité de l’emploi dans ce secteur. Par ailleurs, il faut préciser que l’évolution mentionnée des effectifs salariés n’est pas homogène, le secteur de l’hébergement étant stable alors que le secteur de la restauration peut se prévaloir d’une hausse.
Une analyse de la répartition régionale des effectifs salariés dans les activités caractéristiques du tourisme fait apparaître que trois régions en concentrent à elles seules 52%. En effet, au 31 décembre 2010, les régions Ile de France, Rhône-Alpes et PACA, comptabilisent respectivement 243.252, 106.986 et 95.062 emplois touristiques. Une seconde lecture des mêmes statistiques permet de mesurer la part de l’emploi touristique dans l’emploi total de la région. De ce point de vue, il apparaît que celle-ci est de 9,1% en Corse, de 7,8% en PACA et de 6,7% en Languedoc Roussillon.
L’observation des produits perçus en 2010 au titre de la taxe de séjour confirme la tendance dégagée aux termes de la première analyse de la répartition régionale des effectifs salariés dans les activités caractéristiques du tourisme pour cette même année. Le produit de la taxe de séjour perçue en Ile de France s’élève à hauteur de 52,3 ME. Le produit de la taxe de séjour perçue en Rhône-Alpes s’élève à hauteur de 28,7 ME. Le produit de la taxe de séjour perçue en PACA s’élève à hauteur de 28,3 ME.
- Le poids économique du tourisme français dans le monde
L’examen des statistiques correspondant à cette même période (2005-2010) confirme le positionnement de la France au premier rang des pays visités. Avec 77,6 millions de touristes accueillis, la France devance encore les Etats-Unis et la Chine devenue plus attractive que l’Espagne. Néanmoins, il faut indiquer qu’au cours des trois dernières décennies, la France a perdu 2,3% des parts des arrivées mondiales. Elle conserve 8,3% des parts des arrivées mondiales (contre 10,6% en 1980), alors que les Etats-Unis conservent 6,4% des parts des arrivées mondiales (contre 7,9% en 1980) et que la Chine s’attribue 5,9% des parts des arrivées mondiales (contre 1,2% en 1980). Il peut être noté pour information que toutes les destinations touristiques européennes concèdent des parts de marché aux destinations émergentes situées en Asie et au Moyen-Orient.
Cette tendance est également observable pour ce qui concerne la répartition des recettes mondiales. Ainsi en 2010, la France ne perçoit plus que 5% des recettes mondiales (contre 8% en 1980), alors que les Etats-Unis perçoivent 11,2% des recettes mondiales (contre 9,8% en 1980) et que la Chine s’octroie 4,9% des recettes mondiales (contre 0,6% en 1980). Il faut souligner que contrairement à d’autres destinations touristiques, dont certaines sont européennes, la France voit sa part des recettes mondiales se situer sensiblement en deçà de sa part des arrivées mondiales. Cette conclusion met en exergue la difficulté rencontrée par les activités caractéristiques du tourisme français à optimiser économiquement leurs potentialités. A titre de comparaison, le rapport entre les parts des recettes mondiales et les parts des arrivées mondiales est de 0,60 pour la France, alors qu’il est de 1,75 pour les Etats-Unis et de 0,83 pour la Chine. Au cours de ces trente dernières années ce ratio s’est dégradé pour la France alors qu’il s’est amélioré pour les Etats-Unis et pour la Chine.
Il n’en demeure pas moins que le secteur du tourisme constitue – avec celui de l’agroalimentaire – l’un des rares secteurs économiques français à présenter une balance des paiements positive. Notons enfin que sous l’effet conjugué de la crise et de l’émergence de nouvelles destinations touristiques concurrentes, ce solde excédentaire tend à se dégrader.
- Le niveau de satisfaction observé des clientèles touristiques
Comme précisé précédemment, le poids économique du tourisme en France n’a pas varié sensiblement depuis 2005. L’évolution de la consommation touristique intérieure – estimée à 7,12% du PIB – a pris en compte deux tendances peu affirmées : d’une part, une très légère augmentation du poids de la consommation touristique par la clientèle française, et d’autre part, une très légère diminution du poids de la consommation touristique par la clientèle étrangère.
Dans le cadre d’un champ concurrentiel élargi, il est par conséquent devenu absolument essentiel de décoder les attentes de la clientèle étrangère. A la lecture des enquêtes réalisées, il ressort que le niveau de satisfaction de la clientèle étrangère peut fortement varier. Il faut en effet mentionner des clientèles étrangères et non une clientèle étrangère.
La clientèle européenne et nord américaine, dite traditionnelle, se déclare globalement satisfaite alors que la clientèle des pays émergents (BRIC) se montre pour sa part plus critique. En effet, la découverte de la destination France par cette nouvelle clientèle est le plus souvent intégrée à un circuit européen. De ce fait, on observe que la brièveté du séjour nuit fortement au niveau de satisfaction. Pour autant, le principal enjeu de l’économie touristique consiste aujourd’hui à capter cette clientèle émergente issue de classes moyennes en très forte expansion. Il faudra à cet effet, compléter et diversifier l’offre touristique française en vue de proposer des séjours de plus longue durée.
II. Les entreprises publiques locales au service de la valorisation des savoir-faire et de l’aménagement du territoire
- Exploiter les sites touristiques stratégiques
La filière du Tourisme, bien que trop peu considérée sur le plan institutionnel et encore mal organisée sur le plan professionnel, a contribué en France, au cours des dernières décennies, au maintien et à la création d’emplois : maintien d’emplois dans des secteurs d’activités dites traditionnelles (viticulture, agriculture …) qui ont saisi l’opportunité d’une diversification ; création d’emplois dans des secteurs d’activités caractéristiques du tourisme et des loisirs (restauration, bien-être …).
Les entreprises publiques locales qui sont doublement caractérisées par leur nature commerciale et par leur vocation à intégrer et mettre en œuvre les orientations des collectivités locales et territoriales, se sont peu à peu investies à la demande des pouvoirs publics dans le secteur du tourisme et des loisirs. A ce jour, plus de 260 d’entre elles ont en charge l’exploitation de sites touristiques stratégiques dont des centres de congrès (à Lille, à Strasbourg…), des ports de plaisance (au Cap d’Agde…), des centres thermaux (à Contrexeville…), des sites et des équipements culturels (la Tour Eiffel, le Palais des Papes, Vulcania…). Au total, les entreprises publiques locales intervenant dans le domaine du tourisme en France génèrent aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de 970 millions d’euros et pourvoient 9.400 emplois directs.
Au vu de l’intérêt révélé de mieux promouvoir les potentiels générateurs de flux touristiques, le réseau des entreprises publiques locales a pris la responsabilité de se mobiliser afin de proposer aux collectivités locales et territoriales de mettre en œuvre dans le cadre règlementaire de droit privé qui s’imposent à elles les missions d’intérêt public définies par les assemblées délibérantes compétentes en matière de développement touristique.
Proposition : Pour aller plus avant et considérant les disparités d’organisation de l’offre touristique entre les régions françaises, il conviendra de mieux apprécier la valeur ajoutée pouvant être apportée par les entreprises publiques locales qui garantissent à leurs actionnaires publics (majoritaires) et privés (minoritaires) la prise en compte des stratégies territoriales publiques et la souplesse d’intervention plus grande du secteur privé. En effet, en capacité de développer plusieurs missions et activités diversement rémunératrices, les entreprises publiques locales peuvent exploiter des sites touristiques stratégiques pour le compte d’un actionnaire public, lequel doit aujourd’hui faire face au resserrement des contraintes budgétaires. Les entreprises publiques locales ont quant à elles la possibilité de compenser un effort financier consenti en raison de choix politiques volontaristes par une démarche propre de commercialisation relevant de ses compétences et de ses savoir-faire. L’apport des entreprises publiques locales dans le domaine du développement touristique dépendra d’une part de la volonté des délégants publics de leur confier l’exploitation de sites touristiques stratégiques et dépendra d’autre part de la volonté des partenaires financiers institutionnels européens et nationaux de renforcer leur soutien en leur direction.
- Proposer une offre touristique globale
Comme indiqué précédemment, si la France doit enregistrer au cours des prochaines années une augmentation du nombre d’arrivées, elle devra aussi accuser un recul en termes de parts de marché. Cette perspective inscrite dans la tendance déjà engagée oblige l’économie touristique française à repenser dés aujourd’hui son positionnement en matière d’offres au vu des « mégatendances » d’un marché devenu mondial.
Comment s’adapter à la demande touristique nouvelle ? Le phénomène de mondialisation et le développement des technologies permettant un accès rapide à l’information ont d’ores et déjà mis la quasi-totalité des destinations touristiques à portée de chacun d’entre nous. Ce mouvement a qui plus est été précipité par les modèles économiques low cost en plein essor. En raison de ces évolutions, il apparaît que la qualité des infrastructures et des prestations ne suffit plus à séduire de nouvelles clientèles. Ces dernières exigent désormais – outre un rapport qualité/prix satisfaisant – un niveau de personnalisation de l’offre très important.
L’un des principaux défis que l’économie touristique française a donc à relever consiste à se réorganiser afin d’être en mesure de répondre à des demandes d’offres individualisées. Cette adaptation nécessaire à un mode nouveau de consommation touristique appelle un rapprochement de l’ensemble des acteurs du tourisme. Il conviendra par conséquent de créer les synergies entre les différents opérateurs en vue de proposer une offre touristique globale – donc éclectique – à un consommateur devenu averti et exigeant.
Proposition : Les entreprises publiques locales devront contribuer de manière importante à cet effort de mise en réseau des ressources touristiques existantes. Positionnées dans le champ des entreprises privées, elles pourront susciter à la demande des pouvoirs publics le rapprochement de tous les prestataires susceptibles de participer à la constitution d’une offre touristique globale. Deux niveaux d’intervention pourront être privilégiés. Le premier concerne les offices de tourisme, communaux ou intercommunaux, dont l’administration peut être assurée par des entreprises publiques locales à même, d’une part, d’organiser la promotion coordonnée des savoir faire qu’ils soient publics ou privés et, d’autre part, d’exploiter des équipements ou des sites touristiques stratégiques. Le second concerne les ports de plaisance, maritimes et fluviaux, à partir desquels il peut être mis en réseau l’ensemble des acteurs du développement touristique de tout un territoire. Le projet Odysséa en cours d’instruction par l’administration européenne constitue à ce titre une opportunité qu’il faudra saisir.
- Aménager le territoire en qualité de destination
La mise en forme d’une offre touristique globale apparaît aujourd’hui tel un enjeu qui déterminera l’avenir de l’économie touristique française. En dépendra, en effet, la capacité de cette dernière à s’adapter à l’évolution du marché et des modes de consommation touristique qu’il intègre, à répondre à la demande inédite de prestations customisées, à capter les clientèles émergentes.
Cette démarche déjà engagée dans de nombreux secteurs économiques peut – et doit – trouver ses fondements dans un territoire qu’il conviendra d’aménager en qualité de destination. Cette dernière préconisation permettra ainsi de valoriser les ressources et les savoir-faire existants en vue de créer comme envisagé précédemment une offre touristique globale. Celle-ci devra être identifiée à un territoire pour en faire une destination.
En cela, l’outil Contrat de Destination, dont la création a été annoncée par Madame PINEL, Ministre du Tourisme, qui vise à renforcer les synergies entre tourisme et évènementiel, entre tourisme et commerce, entre tourisme et culture, posera le cadre nécessaire à la bonne coordination des initiatives visant tout à la fois la diversification et la globalisation de l’offre touristique.
Proposition : En mesure de contribuer d’une part à la dynamisation de l’exploitation de sites touristiques stratégiques et de participer d’autre part à la constitution d’une offre touristique globale, les entreprises publiques locales sont aussi en capacité d’aménager le territoire ! Il conviendra par conséquent de mobiliser les entreprises publiques locales d’aménagement, lesquelles sont au nombre de 292, génèrent un chiffre d’affaires annuel de 3.090 millions d’euros et pourvoient 4.800 emplois directs. Dans le cadre de contrats de destination, elles pourraient être missionnées afin de conduire des opérations d’aménagement d’ensemble répondant à des besoins spécifiques en matière d’infrastructures touristiques : modernisation de l’immobilier de loisirs, requalification des ports de plaisance maritimes et fluviaux … Elles pourraient également être sollicitées afin de permettre la réalisation d’opérations moins lourdes – et moins lucratives – répondant à la nécessité de qualifier la filière : construction de résidences pour travailleurs saisonniers, aménagement de parcs de stationnement, création de réseaux de transports publics …
Sébastien FREY
Président de la Commission du Tourisme de la Fédération des Entreprises Publiques Locales
Premier Adjoint au Marie d’AGDE