"Crash test" à la Panacée, une réflexion sur l’impact de l’activité humaine vis-à-vis de l’environnement

Le centre d’art contemporain La Panacée présente "Crash test – la révolution moléculaire", première "exposition manifeste" organisée par Nicolas Bourriaud. Une réussite ! 25 artistes internationaux nés dans les années 80 y déclinent, sur la surface entière du centre d’art, leur vision de la matière, un regard moléculaire sur les choses et sur la vie prenant en compte l’impact de l’activité humaine sur l’environnement (l’ère anthropocène*) et l’inter­pénétration du minéral, de l’animal, du végétal, de la machine et de l’humain.

Pièce immersive en microbilles de plastique HDPE enfouissant notre civilisation, fossilisations en plastiglomérat, robots fonctionnant avec des batteries utilisant des énergies alternatives… Le futur sera sans doute une ère de la réutilisation du déchet, si l’on en croit les jeunes artistes réunis dans le cadre de cette exposition.

Ils ne font pas partie d’un mouvement autoproclamé mais d’une tendance de l’art contemporain des années 2010. « Ces jeunes artistes portent un regard moléculaire sur les choses ; ils décrivent le monde actuel – ses sociétés, ses cultures… – à partir des matières – brutes ou synthétiques – qui le composent », explique Nicolas Bourriaud**, directeur de la Panacée et du futur MoCo.

Le propos de cette exposition se situe au croisement de l’art et de la science. Bien qu’aucun des artistes présentés ne se revendique scientifique à proprement parler, tous s’intéressent de près ou de loin aux « particules qui composent l’univers physique, aux composés chimiques, aux alliages synthétiques », pratiquant « la réduction ou la pulvérisation de la matière, décomposant le monde physique par des réactions et transformations chimiques, expérimen­tations, pulvérisations » et autres solutions…

Le résultat est passionnant. Il suffit, pour en prendre la mesure, d’écouter les médiatrices évoquer l’une après l’autre les œuvres exposées, qui, d’une façon ou d’une autre, testent la résistance de la matière, d’où le titre de l’exposition, Crash test.

Pollution et création de nouvelles matières

La pollution et les mélanges de matières occasionnés par le continent de plastique sont de nombreuses fois évoqués. Comme dans Burial, d’Alice Channer, où le visiteur est invité à cheminer sur des granulés noirs en HDPE qui remplissent les chaussures et dont il est difficile de se débarrasser… Un rappel des marées noires peut-être, tout comme les flaques noires rappelant le bitume ou le pétrole, signées Marlie Mul, emprisonnant des mégots et des végétaux.

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Une installation immersive d’Alice Channer.

D’autres œuvres, de Dora Budor, cette fois, évoquent la création d’une nouvelle matière, le plastiglomérat, résultant de la fusion de déchets en plastique des océans avec des roches volcaniques.

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Une des vanités de Bianca Bondi.

La transformation de la matière est aussi une préoccupation de Bianca Bondi, qui emprisonne, dans des vitrines en Plexiglas®, des compositions mêlant plantes, objets et sel, évoquant les vanités. Oxydation, rouille, gaz sont à l’œuvre dans ces petits univers fascinants, proches de la magie. Autre travail sur la transformation, les sculptures rouges issues de la série Seeing Red, par Philip Sack. L’artiste laisse leurs formes se créer à partir de mousse expansée en polyuréthane dans laquelle il introduit des matériaux rouges (safran, hémo­globine…). La matière est ici incontrôlable par l’homme.

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Les termitières colorées d’Agnieszka Kurant.

On apprécie aussi l’expérience de termitières colorées menée par Agnieszka Kurant avec des termites, avec l’aval d’un entomologiste, et celle d’Aude Pariset avec des vers de cire sur des assemblages de sacs poubelles et de courses.

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Au mur, un monochrome noir peint à partir de poudre d’os humains par Enzo Mianes. Au sol, un amas de cendres d’un avion de ligne atomisé, par Roger Hiorns. A droite, deux des abris en matériel militaire d’Alisa Baremboym, protégeant des représentations d’organes régulant les énergies.

Deux œuvres impressionnent : un monochrome noir peint à partir de poudre d’os humains par Enzo Mianes, et une sculpture en cire d’Ivana Basic représentant un être humain torturé par la souffrance, réflexion sur le cycle de la poussière (ne dit-on pas : “tu es né de la poussière, tu retourneras à la poussière” ?)…

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Un corps en cire, prostré, d’Ivana Basic. Cette œuvre poignante, très remarquée, évoque notamment le cycle de la poussière.

Autour de l’exposition

Plusieurs événements gratuits (sur inscription) sont organisés à la Panacée, en lien ou non avec l’exposition Crash Test
– dimanche 11 mars (15h-16h) : visite point de vue par Catherine Bied, maître de conférences, correspondante régionale
« Chimie et société » ;
– jeudi 15 mars (19h) : conférence « Dropping Knowledge » par Alexandra Fau, critique d’art et curator, en partenariat avec Mécènes du Sud Montpellier-Sète ;
– vendredi 23 mars (19h) : conférence « The molecularized self » par Stefanie Hessler, curator ;
– dimanche 25 mars (15h-16h) : visite point de vue par Claire Longuet et Dominique Lafon-Pham, enseignantes-chercheuses
au Centre des Matériaux des Mines d’Alès ;
– jeudi 5 avril (19h) : conférence « La vie des plantes » par Emanuele Coccia, philosophe ;
– jeudi 3 mai (19h) : conférence « Alchimie et art contemporain » par Pascal Pique, critique, curator et fondateur du Musée de l’Invisible…

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Une installation visuelle, sonore et olfactive de Jared Madere, mêlant image numérique, guirlandes leds, terre et fleurs, musique, diffusion d’huiles essentielles d’eucalyptus et de lavande, délivrant un message hippie et contemporain.

Les artistes qui participent à Crash test

Alisa Baremboym, Ivana Basic, Bianca Bondi, Juliette Bonneviot, Jeanne Briand, Dora Budor, Johannes Büttner, Alice Channer, Caroline Corbasson, David Douard, Daiga Grantina, Roger Hiorns, Agnieszka Kurant, Sam Lewitt, Estrid Lutz + Emile Mold, Jared Madere, Enzo Mianes, Virginia Lee Montgomery, Marlie Mul, Aude Pariset, Thiago Rocha Pitta, Pamela Rosenkranz, Thomas Teurlai, Artie Vierkant, Phillip Zach.

 

** Nicolas Bourriaud est par ailleurs l’auteur de l’ouvrage L’Exforme paru en 2017 (PUF).

* Qu’est-ce que l’Anthropocène ?

L’Anthropocène serait la période durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu’elle est devenue une « force géologique » majeure capable de marquer la planète. Ce terme a été popularisé à la fin du XXe siècle par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul-Josef Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995, pour désigner une nouvelle époque géologique, qui aurait débuté selon lui à la fin du XVIIIe siècle avec la révolution industrielle, et succéderait ainsi à l’Holocène (Source : Wikipedia). Toutefois, la thèse que nous serions entrés dans l’Anthopocène n’a pas encore été validée par une commission scientifique ad hoc, comme l’a rappelé la récente émission La tête au carré diffusée sur France Inter.

 

Informations pratiques

La Panacée, centre d’art contemporain
14, rue de l’Ecole de Pharmacie
34000 Montpellier
info@lapanacee.org
www.lapanacee.org
Tel. 04 34 88 79 79.

L’exposition Crash Test est visible jusqu’au 6 mai 2018.

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