Drawing Room ou l'excellence du dessin à La Panacée
De l'avis unanime des journalistes présents à la visite de presse, la 8e édition du salon du dessin contemporain Drawing Room est une bonne mouture. 14 galeries mettant 14 artistes à l'honneur ; la collection graphique de Jean-Charles de Castelbajac et son installation in situ ; ainsi que de nombreux événements rythment cet opus.
Cette année, chaque galerie participante propose les œuvres d’un unique artiste, pour accroître la lisibilité de l’espace dédié à chacune. Dans cette édition, on remarque que plusieurs thématiques se détachent…
Le mystère
La Galerie Clémence Boisanté présente des dessins grands formats de l’Allemand Simon Pasieka. Réalisés pour certains à l’encre de chine sur papier, ils évoquent le plus souvent d’étranges rituels accomplis par des adolescents vivant en communauté, en pleine nature. Des dessins nimbés de mystère, dans lesquels on aime à se perdre. Dans d’autres œuvres rappelant l’atmosphère des expéditions spatiales, par ses cadrages notamment, Simon Pasieka joue sur l’étrangeté. Un travail fascinant.
La Galerie montpelliéraine AL/MA propose des variations d’Eric Manigaud à la mine de plomb et à la poudre de graphite. L’artiste y reprend des photographies anciennes portant sur le spiritisme, la science et la médecine. On apprécie l’univers énigmatique de ses dessins. Il règne dans les dessins sur le spiritisme des ambiances de flottement, de mystification. Quant aux cobayes de la médecine, ils semblent perdus dans leurs pensées, sortis de leurs corps.
Autre travail mystérieux, les tissages de fils et mailles métalliques de Gaëlle Chotard, visibles sur l’espace de la Galerie Papillon (Paris), jouent sur les ombres et les volumes.
L’architecture et le végétal
La Galerie Aperto expose des dessins au feutre d’Emmanuel Régent révélant la beauté des ruines et des naufrages. Au Liban, en Syrie… l’artiste a voyagé, croisé la douleur et décelé sa magnificence. Ses dessins sont autant d’électrocardiogrammes de la souffrance des peuples. Pourtant, aucun être humain n’apparaît dans ses œuvres. Leur absence même signifie la catastrophe.
Sur l’espace réservé à l’Under Construction Gallery s’élèvent des bâtiments d’Amélie Scotta. Réalisées au terme d’interminables heures de travail au scalpel en carte à gratter ou au graphite sur des rouleaux de papier, ses folies architecturales, par leur démesure, soulignent les errances de certains architectes, qui signent des architectures que l’on admire, mais dont on doute de l’utilité.
Autre adepte du noir et blanc, Chourouk Hriech est présentée par la Galerie Anne-Sarah Bénichou (Paris). Travaillant à l’encre de Chine et à la gouache, ses sources d’inspiration sont l’architecture, les végétaux, les oiseaux et les chimères. Sur l’espace dédié à la galerie, sa fresque en quadriptyque sur rouleaux de toile côtoie un vase abritant un dessin. L’œil se perd et voyage dans les multiples détails de ces villes imaginaires.
Lauréat de l’une des cinq bourses octroyées cette année par Mécènes du Sud Montpellier-Sète, Hadrien Gerenton, représenté par la Galerie ChantiersBoîteNoire à Montpellier, s’intéresse à l’aspect sculptural, dans ses dessins qui portent essentiellement sur le végétal. Il réalise également des sculptures, que l’on peut voir en regard de ses dessins (réalisés au fusain, à l’aquarelle et au cirage).
Réappropriation
Autre galerie montpelliéraine, Iconoscope donne à voir, à la Panacée et dans ses propres locaux jusqu’en décembre, des œuvres à quatre mains d’Hippolyte Hentgen, entité constituée des artistes Gaëlle Hippolyte et Lina Hentgen. Le duo se réapproprie des affiches de cinéma très connues et des images hyper diffusées pour leur redonner vie de diverses façons, par l’ajout de lignes géométriques, mise en relief, frottage, collage, etc…
Autre travail de réappropriation, pour la Galerie Vasistas, Sylvain Fraysse présente cinq gravures créées d’après les photographies prises par la police dans l’appartement de Los Angeles du chanteur de Nirvana Curt Cobain, juste après son suicide, en 1994. Un témoignage poignant sur une affaire vieille de vingt ans, mêlant avantageusement ce médium très ancien qu’est la gravure et art contemporain (pointe sèche sur Plexiglas). En gravant à même le mur de la Panacée un extrait de la lettre de suicide du chanteur, l’artiste grave cet épisode dans l’histoire.
La Galerie Laurence Bernard expose quant à elle les planètes impossibles et mystérieuses de Marion Tampon-Lajariette, dessinées sur des documents mathématiques et scientifiques.
Les inclassables
La Galerie parisienne Arnaud Lefèbvre propose des œuvres très intéressantes en perforation et broderie de Hessie. Art pauvre souvent considéré comme féminin, la broderie est du moins de l’ordre de l’intime. Dans ses œuvres, Hessie semble créer des sortes de langages codés évoquant le temps qui passe. Pour l’anecdote, Hessie partagea la vie de l’artiste Dado, dont il subsiste le travail aux Orpellières, à Sérignan.
Sur l’espace occupé par la Galerie Bernard Jordan, s’épanouissent les petits dessins-poèmes d’Alexandre Léger. L’artiste se dit inspiré dans son travail par Georges Perrec, William Blake et E. E. Cummings. D’autres œuvres d’Alexandre Léger sont également exposées en parallèle, au Musée Atger de Montpellier, du 15 septembre au 13 octobre.
Virginie MOREAU
vm.culture@gmail.com
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Lauréats et prix de Drawing Room 2017
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