E-commerce : ce que la loi pour une République numérique va changer pour les professionnels
La loi pour une République numérique a été adoptée en commission mixte paritaire le…
La loi pour une République numérique a été adoptée en commission mixte paritaire le 21 juillet dernier. Le texte doit revenir au Sénat lors de la session extraordinaire de septembre. Outre des nouveautés liées à la protection des particuliers et de leurs données personnelles, ce nouvel instrument législatif met de nouvelles obligations à la charge des professionnels du e-commerce.
Les principales dispositions concernant les professionnels du e-commerce sont dirigées vers les plates-formes, définies comme « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur le classement ou le référencement de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ou sur la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ». Sont ainsi principalement visés les moteurs de recherche, marketplaces (places de marché), réseaux sociaux, comparateurs de prix, etc.
Améliorer l’information du consommateur
Les opérateurs de telles plates-formes auront l’obligation de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation proposé et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder. L’objectif poursuivi est d’assurer la transparence des liens éventuels existant entre les opérateurs de plates-formes et les différents annonceurs, vendeurs ou fournisseurs de services, afin qu’une information loyale soit communiquée au consommateur.
C’est pour cette même raison que l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur et le bénéficiaire du service offert devra également être mentionnée, dès lors que ceux-ci sont susceptibles d’influencer le classement ou le référencement des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne.
En parallèle, afin de tenir compte du développement massif, via ces plates-formes, du commerce CtoC (entre consommateurs), celles-ci auront également l’obligation de rappeler aux parties en présence leurs droits et obligations en matières civile et fiscale, ainsi que de préciser la qualité de l’annonceur. Il est en effet important, pour les consommateurs, de savoir avec quels vendeurs ils contractent, dès lors que certains droits ne leur sont offerts que dans le cadre de ventes en BtoC (entreprises et consommateurs) : il en est ainsi, par exemple, du droit de rétractation. Les vendeurs ou prestataires de services référencés sur les marketplaces devront également bénéficier d’un espace mis à leur disposition par l’opérateur, afin de communiquer aux consommateurs l’ensemble des informations pré- contractuelles obligatoires résultant, notamment, de la loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation (caractéristiques des biens et services, identité du professionnel, droit de rétractation, garanties légales de conformité et des vices cachés, etc).
Obligations renforcées pour les plus grosses plates-formes
Les plus grosses plates-formes font, par ailleurs, l’objet d’obligations renforcées : au-delà d’un certain seuil de nombre de connexions qui sera défini par décret, ces opérateurs seront, en outre, tenus d’élaborer et de diffuser aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté précédemment mentionnées. La conformité des pratiques mises en œuvre par rapport aux déclarations ainsi faites pourra faire l’objet d’enquêtes menées par la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes), dont les résultats seront régulièrement diffusés. Le non-respect par les plates-formes de leurs engagements pourra être rendu public.
Authenticité des avis en ligne
Dans le même objectif de transparence, l’effort législatif s’est également tourné vers la moralisation et la rationalisation des avis en ligne provenant de consommateurs. Ainsi, toute personne physique ou morale dont l’activité, principale ou accessoire, consiste à collecter, modérer ou diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs, sera tenue de délivrer aux utilisateurs une information, là aussi loyale, claire et transparente, sur les modalités de publication et de traitement de ces avis. Les éditeurs de sites comme TripAdvisor ou Booking auront l’obligation de préciser si ces avis font ou non l’objet d’un contrôle et, si tel est le cas, d’indiquer les caractéristiques principales du contrôle mis en œuvre. La date de l’avis (et de ses éventuelles mises à jour) devra, en outre, être affichée. En parallèle, un consommateur dont l’avis ne serait pas publié devra recevoir de l’éditeur du site concerné une explication sur les raisons justifiant le rejet. En tout état de cause, une fonctionnalité gratuite, permettant au responsable des produits ou des services faisant l’objet d’un avis en ligne de signaler à l’éditeur du site un doute sur l’authenticité d’un avis mis en ligne, complétera le dispositif des nouvelles obligations à la charge des éditeurs de tels sites.
La volonté de restaurer, par la voie de la contrainte, la confiance que les consommateurs peuvent avoir dans les avis de leurs pairs, s’explique en grande partie par l’échec des tentatives précédentes reposant sur des dispositifs incitatifs – comme la norme volontaire Afnor FNZ 74-501 – qui, en pratique, n’ont été que très peu activés par les éditeurs concernés.
Viviane GELLES,
avocat au barreau de Lille