Éric Guilhabert, bâtonnier du barreau de Béziers : « Je suis inquiet »
C’est dans le cadre de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Béziers (lire l’article) du jeudi 25 janvier 2018, que le bâtonnier du Barreau de Béziers a évoqué ses inquiétudes suite à un rapport sur le projet d’évolution du réseau judiciaire rédigés dans le cadre des chantiers de la Justice lancés par la garde des Sceaux. Verbatim…
Me Eric Guilhabert : « Je ne vais pas faire un discours, parce que je ne sais pas le faire. Alors je vais plaider. D’abord pour cette juridiction qui nous accueille, à laquelle nous tenons. Nous avons vu ces dernières années disparaître le tribunal de Pézenas, celui de Clermont-l’Hérault, et j’espère que le nôtre va tenir le coup encore longtemps. Je veux plaider aussi pour les magistrats, les huissiers, tout le monde (professionnel). L’heure est plutôt difficile. Nous avons, il y a quelques jours, pris connaissance d’un rapport sur le problème de la territorialité établi par deux avocats (…) maqués avec le pouvoir. Je voudrais juste vous lire un petit extrait d’une motion sur les chantiers de la Justice établie par diverses juridictions et les magistrats eux-mêmes, qui s’indignent des conditions des consultations lancées dans le cadre des chantiers de la Justice. Qui dénoncent le fait que la réforme de la carte judiciaire de la Justice, rebaptisée réseau judiciaire (…), vise en réalité la création…
…des tribunaux de première instance et la transformation de nombreuses juridictions en chambres détachées vidées de leur contentieux, au détriment des conditions des professionnels et de leur affectation géographique, de la proximité de la Justice avec le justiciable et du principe de l’inamovibilité du magistrat. Nous avons tous un combat commun à mener. Je crois que nous ne pourrions accepter que l’ouest de l’Hérault, c’est-à-dire Béziers et son bassin, soit finalement vidé de sa substance par des décisions plutôt technocratiques prises par des gens qui n’ont quasiment consulté personne. J’ai demandé à mon prédécesseur [NDLR : Mme le Bâtonnier Annie Auret] s’il avait été consulté, concerté (…). Non ! Je suis en poste depuis moins de trente jours, je peux comprendre que l’on ne m’ait pas consulté. Je dois dire que le problème n’est pas la Justice du XXIe siècle.
Le problème n’est pas le chantier de tel ou tel aspect d’une procédure. Le problème est de savoir quelle France nous voulons. On nous a imposé il y a quelques années une réforme avec des regroupements de régions, des fusions dont personne n’avait entendu parler. La crainte que j’ai, c’est que finalement, on crée de très grosses métropoles régionales avec, autour, une périphérie vidée de sa substance. Et que l’on morcelle le pays que nos ancêtres ont créé. Je suis inquiet. Je vous demande à tous d’être véritablement unis, magistrats, avocats, greffiers, parce qu’il en va de notre avenir et de celui de nos enfants… »
Intervention lors de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Béziers, le 25 janvier 2018.
Propos retranscrits par Daniel CROCI