François Baroin : « Nous ne faisons pas l’aumône en réclamant ce que l’État doit aux communes »

Le président de l’Association des Maires de France dresse un bilan mitigé de son…

Le président de l’Association des Maires de France dresse un bilan mitigé de son récent congrès national et des annonces faites par François Hollande en direction des maires, malgré quelques timides avancées.

Lors du récent congrès de l’Association des Maires de France, le président Hollande a fait des concessions sur le dossier de la baisse des dotations de l’État. Sont-elles suffisantes ?

« La baisse des dotations de l’État, telle qu’elle était initialement prévue, était une décision insupportable avec des conséquences lourdes pour les communes. C’était insupportable car au niveau local, 30 % des communes ont été obligées d’augmenter les impôts locaux. Il y a eu aussi un impact négatif sur les services publics et le tissu associatif. Enfin, cette décision de l’État a pour conséquence un effondrement de l’investissement public. Il y a eu, de la part des maires de France, une mobilisation historique depuis le début sur cette question, sans que nous ayons été entendus jusque-là, ce qui s’est déjà traduit, un an et demi après, par une baisse de 25 % de l’investissement local. Maintenant, lors du dernier congrès de l’AMF, le président de la République nous a entendus, et il a pris des décisions qui vont dans la bonne direction. Il a annoncé plusieurs mesures, notamment celle de réduire de moitié la baisse des dotations prévue en 2017, alors que certains demandaient la totalité. On peut y voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, mais tout ce qui va dans ce sens va dans la bonne direction. »

Les communes veulent-elles s’associer à l’effort national de réduction des déficits publics ?

« Il n’est pas question de ne pas apporter une contribution à l’assainissement des finances publiques. Mais les communes entendent le faire à juste proportion de ce qu’elles représentent dans la dette, soit 4,5 %. Mais aussi en tenant compte de ce que ces mêmes communes représentent dans l’investissement public en France, soit 70 % de la totalité. Réduire les dotations de telle manière était une erreur : il y a eu une prise de conscience, et cette erreur est réparée pour partie. D’autre part, il y aura aussi un fonds d’investissement local un peu plus abondé que ce qui était prévu au départ. On verra comment s’organiseront les budgets en 2017. »

Tout cela sera-t-il de nature à relancer les projets des communes en matière d’investissements ?

« Un peu, probablement. Mais il ne faut pas se leurrer : en 2017, nous serons à mon avis autour d’une baisse des investissements située entre 30 à 35, ce qui est énorme, puisque ce sont des milliers d’emplois du BTP qui seront menacés. Maintenant, les mesures annoncées pourront plus raisonnablement permettre aux communes de préserver leur marge d’autofinancement. Mais encore faut-il qu’on mette fin à une gestion créant un effet de ciseaux terrible entre des compétences supplémentaires et des moyens en moins pour les communes. Et j’ajoute, pour les lecteurs de Réso Hebdo Eco, que nous ne faisons pas l’aumône : cet argent, l’État le doit aux communes. Or, ce même État décide unilatéralement de faire de cet argent qu’il doit aux communes une variable d’ajustement pour boucler ses fins de mois, et c’est inadmissible ! »

Pourtant, on entend parfois dire que les finances des communes sont plutôt saines, et qu’elles pourraient supporter davantage d’investissements ?

« Les maires sont des gens responsables par définition, et nous avons une règle d’or, celle de ne pas être en déficit. Ce n’est pas parce que l’on est en léger excédent en autofinancement que l’on a une trésorerie abondante. Les maires doivent rester très attentifs aux dépenses et aux recettes de fonctionnement. »

Pour en revenir à la réforme territoriale, quelle est aujourd’hui la place de la commune entre ces grandes régions et des inter-communalités plus puissantes ?

« La commune est la seule collectivité locale à avoir conservé sa clause de compétence générale. En ce sens, elle garde son caractère unique ; elle peut traiter de tout, accompagner tous les projets… à condition bien sûr qu’elle en ait les moyens. Rien ni personne ne peut remplacer le rôle de la commune dans la gestion de proximité. Les problèmes des communes aujourd’hui ne viennent pas de la réforme territoriale en tant que telle. »

Comment la mise en place des intercommunalités se déroule-t-elle ?

« Ça a été très dur à la sortie de l’été parce que le gouvernement est allé au-delà du souhait du législateur en demandant aux préfets d’être ambitieux. Les premières copies des préfets étaient très ambitieuses mais sans préparation, ce qui a eu pour effet de créer un certain nombre de tensions politiques. Mais au final, dans les CDCI – les commissions départementales de coopération intercommunale – c’est globalement l’avis des élus qui a été, pour une large part, retenu. Maintenant, la méthode est plus que discutable du fait que le législateur a fixé, dans la loi, un calendrier créateur de tensions, puisqu’il est maintenu au 1er janvier 2017, même s’il y a une proposition au Sénat visant à décaler le processus au 1er janvier 2018, de manière marginale pour des situations spécifiques, telles que les communes nouvelles, par exemple ».

Quelle sera la marge d’action des intercommunalités en termes d’action économique ?

« Le territoire doit être en mouvement, et c’eût été une erreur historique de ne pas prendre le train en marche. Même si le développement économique a été transféré en termes de compétences à la région, les intercommunalités conservent une responsabilité en termes de développement du territoire et sont le cadre naturel de discussion. »

Vous venez de prendre officiellement position en faveur de Nicolas Sarkozy en vue des primaires pour la présidentielle de 2017. Quelles sont vos motivations ?

« La question de savoir qui l’on va soutenir renvoie à la question sur l’état de la France. En 2017, je ne vois pas la situation s’arranger, et l’état du pays sera à la fois atone sur le plan économique et problématique sur le plan de l’autorité de l’État. Enfin, il y aura une préoccupation en profondeur, toutes générations confondues, sur les conditions du vivre ensemble. Pour redresser tout cela en un mandat, il faut quelqu’un qui ait eu une solide expérience, une autorité naturelle, un leadership avec une vision d’avenir, et je ne vois que Nicolas Sarkozy – avec lequel j’ai eu plaisir à travailler – qui réponde à tous ces critères. Je m’engage avec plaisir à ses côtés, s’il désire être candidat évidemment. »

Vous aviez un projet de livre pour ce printemps ?

« Oui, mais ce projet a été reporté à cause d’une actualité chargée. Mais en fait il y aura deux livres, dont le premier paraîtra en automne et portera à la fois sur les aspects institutionnels de la Ve République et sur des réflexions sur le plan économique. »


Une grande expérience des ministères

François Baroin est le président de l’Association des Maires de France depuis 2014. Sénateur de l’Aube et maire de Troyes, il est également président du Grand Troyes. Âgé de 51 ans, il a déjà derrière lui une solide expérience des responsabilités ministérielles. Il a été ministre à plusieurs reprises, après avoir été le porte-parole de Jacques Chirac lors de l’élection présidentielle de 1995. Ce qui lui a valu d’être le porte-parole du premier gouvernement d’Alain Juppé, puis ministre de l’Outre-Mer et enfin de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire dans le gouvernement Villepin. En 2010, il est nommé ministre du Budget et de nouveau porte-parole. L’année suivante, il devient le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie de Nicolas Sarkozy, au moment où les finances mondiales traversent de sérieuses difficultés. Une expérience qu’il a transcrite dans un livre paru en 2012, « Journal de crise » (Editions Lattès).


Entretien réalisé par Laurent LOCURCIO
(Petites Affiches Matot Braine)
pour RésoHebdoEco
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