HÉRAULT - Le jeu de paume raconté par Michel Sabatéry
Si, aujourd'hui, le sport le plus populaire est le football, il n'en a pas…
Si, aujourd'hui, le sport le plus populaire est le football, il n'en a pas toujours été ainsi. … Dans l'antiquité, au moyen-âge, durant la renaissance, le sport national était le jeu de paume (longue-paume d'abord, courte-paume ensuite). Petite explication :
Au temps des hommes préhistoriques : Les premiers hommes utilisent probablement des pierres ; pour tenir à distance les animaux, ou pour se défendre contre un groupe ennemi. Un moyen de défense que leurs descendants utilisent largement, par la suite. Durant la croisade des Albigeois, Simon de Montfort, chef des Croisés, est mort pour avoir reçu une pierre sur la tête. Les héros du film La guerre des boutons, les manifestants de mai 68, les jeunes Palestiniens, utilisent des pierres en guise d'armes.
Le premier échange : Les pierres ne sont pas les seuls projectiles possibles. Il est probable que les enfants de la préhistoire, pour s'amuser, se lancent, de temps en temps, des boules de neige ou quelque fruit. A se lancer des noix ou des prunes, ils finissent par en saisir une au vol et par la renvoyer. Ce faisant, ils inventent, sans le savoir, un nouveau jeu, ancêtre de tous les jeux de paume.
La balle : Se placer face à face, dans le but de se renvoyer un projectile, n'a d'intérêt que si l'échange est durable. Le projectile doit donc être suffisamment résistant pour permettre des échanges prolongés. Il doit être arrondi pour avoir une trajectoire prévisible, suffisamment léger pour ne pas blesser la main, élastique pour pouvoir être repris au bond, etc. Un tel projectile est introuvable dans la nature, exception faite de la vessie de quelques animaux. On fabrique donc des balles.
L'origine des terrains : Au début, les premiers hommes échangent sur un espace non délimité, comme on le fait aujourd'hui sur la plage. Vient bientôt le désir de connaître le meilleur joueur ou la meilleure équipe ; donc l'obligation de compter les points. Cela n'est possible qu'en jouant sur un espace bien délimité ; un terrain long (jeux de longue-paume), ou court (jeux de courte-paume).
Des jeux de longue-paume par dizaines : Il est probable qu'au début, les joueurs pratiquent sur des terrains longs. C'est toujours une performance que de renvoyer une balle plus loin que les autres, pour montrer sa force. Le Jeu de Ballon au Brassard et le Jeu de Balle au Tambourin, pratiqués dans le Languedoc, sont des jeux de longue-paume. Il y a, encore aujourd'hui, en France, et dans les pays limitrophes, des dizaines de jeux de longue-paume : Balle à la Main, Ballon au Poing, Balle-Pelote, Longue-Paume, Petite Balle au Tamis, Rebot, etc.
Pourquoi des jeux de courte-paume ? Seigneurs et religieux souhaitent jouer à la paume sans se mélanger au peuple. Ils utilisent, pour cela, les cours intérieures et les grandes salles de châteaux ou d'abbayes, donnant ainsi naissance aux jeux de courte-paume. Peu après, les bourgeois cherchent à les imiter. Du 12ème au 14ème siècle, le jeu se généralise et se joue dans les villes. On construit alors des salles de sport (tripots) spécialement conçues pour jouer au Jeu de courte-paume.
Du mur au fronton : Le jeu de paume, longtemps pratiqué face à face, se joue côte à côte, à certaines occasions (présence d'un mur, manque de place pour jouer face à face, etc). Une variante du jeu particulièrement appréciée dans le Pays-Basque, où sont construits, par la suite, de nombreux frontons.
Des règles pour limiter la pratique : Les jeux de longue et de courte-paume passionnent tant qu'on est obligé d'en limiter la pratique. En 1397, le prévost de Paris interdit de jouer à la longue-paume les autres jours que le dimanche « sous peine de prison et d'amende arbitraire dont les dénonciateurs auront le quart », parce que plusieurs gens de métier et autres du petit peuple quittent leur ouvrage et leur famille pendant les jours ouvrables. Autres temps autres moeurs : A Bessan, en 1790, pendant la Révolution, deux Bessanais jouent à la paume sur le jeu de ballon (aujourd'hui promenade), à l'heure de la messe du dimanche, et sont punis de deux heures de prison.
Et les femmes ! Quelques femmes pratiquent très tôt le jeu de paume. En 1427, sous le roi Charles VII, vient à Paris « une femme nommée Margot, laquelle jouait le mieulx à la paulme que oncques homme eust veu, et avec ce jouait devant et derrière main très puisamment, très malicieusement, très abillement, comme pouvait faire homme… ».
Interdit aux ecclésiastiques : Durant le concile de Sens de 1485, le jeu est encore une fois interdit : « il est défendu aux prêtres et à tous ceux qui sont dans les ordres, de jouer à la Paume, sans vergogne, en chemise et en deshabillé peu décent ».
La balle est règlementée : Les balles peuvent être dangereuses. Plusieurs rois interviennent pour imposer une réglementation. En 1480, pour limiter les accidents, le roi Louis XI ordonne : « Seront tenus tous les maîtres du dit métier, de faire de bons esteufs bien garnis et étoffés de bon cuir et bonne bourre, sans y mettre sable, craie battue, rognure de métaux, chaux, sciure, cendre, mousse, poudre ou terre, sous peine d'amende et de saisie de tous mauvais esteufs qui seront brûlés afin qu'aucun n'en soit inconvénienté ».
Jeu de ballon au brassard : Entre 1595 et 1599, au cours de son voyage, Thomas Platters remarque que rien ne manque à Pézenas de tout ce qui peut servir au divertissement. Il précise que les jeux de paume et les jeux de ballon y sont très communs. Qu'on trouve là, quantité de riches citoyens, hommes de belle prestance, qui consacrent entièrement leur temps à des amusements de ce genre… A Agde le Jeu de Ballon est dans les fossés de la ville, entre la porte Bonel et la tour carrée de saint André. Il se compose d'une immense surface plane, du rempart et d'un amphithéâtre. Il a été construit avant 1660, puisqu'on en parle cette année là, à l'occasion d'une procession. … Ce jeu prend le nom de jeu de ballon au tambourin, dans la première moitié des années 1860, quand le brassard en bois est rempacé par un tambourin.
Terrains supprimés : Sous Napoléon III, la mode est aux promenades comme il y en a à Paris. Dans le Languedoc, de nombreux terrains de jeu de ballon sont transformés en promenades bordées de platanes et équipées de bancs. Dur, dur, mais le cauchemar ne s'arrête pas là. A partir des années 1980, d'autres terrains, de jeu de balle au tambourin, cette fois, deviennent des parkings payants.
Les clubs les plus anciens : En l'état actuel de mes recherches, j'ai recencé 120 clubs dans l'Hérault. Les plus anciens sont : Florensac (1871), Pomerols (1876), Loupian (1876), Marseillan (1876), Montagnac (1876), Pézenas (1876), Valros (1878), Servian (1878), Paulhan (1878), Pouzols (1880), Montpellier (1880), Gignac (1880), Baillargues (1881), Pignan (1882), Cournonsec (1882), Lavérune (1882), Saint-André-de-Sangonis (1882), Vendémian (1882), etc.
NB : Ceci est un extrait du livre, de 900 à 1000 pages, que j'ai écrit sur le sujet ; un livre qui n'a jamais été publié, faute de suffisamment de commandes. … Si vous êtes intéressé par le sujet, vous trouverez des extraits concernant notre sport traditionnel, sur une série de livres que j'ai intitulé POUR RIRE ET POUR PLEURER. Le numéro 1 est à la vente ; le numéro 2 est prévu pour l'automne ; le numéro 3 pour le printemps 2019. … Vous pouvez, aussi, lire ma brochure sur l'histoire des jeux de paume, et du tambourin ; brochure spécialement écrite pour les enfants et les touristes (traduction en anglais et en occitan).