Faits divers

HERAULT - Les infos du Sénateur Henri CABANEL - Non à la spéculation foncière, Oui au biocontrôle

Alors que se déroule l’examen au Sénat de la Proposition de loi déposée par…

Alors que se déroule l’examen au Sénat de la Proposition de loi déposée par les députés Faure et Potier, je suis intervenu pour défendre ce texte qui s’inscrit dans l’actualité et colle à l’attente des consommateurs.

L’objectif est double à travers deux chapitres :

-réduire la spéculation du foncier agricole via une réponse juridique qui repositionne les Safer. J’ai réaffirmé la nécessité de donner plus de moyens à ces sociétés dont la mission principale est l’installation des jeunes. La solution ? Le fléchage d’une partie de la taxe spéciale d’équipement prélevée par les Établissements Publics fonciers via des convention d’objectifs et de territoire.

-baisser l’emploi des produits de traitement car les agriculteurs sont les premiers touchés par leurs effets nocifs. Les vendeurs de produits auront jusqu’en 2021 pour proposer des solutions alternatives. Ensuite, ils seront pénalisés.

Le paysan engagé que je suis reste persuadé que le monde agricole a compris qu’il est maitre de sa mutation.

Il doit s’emparer des enjeux environnementaux et sociétaux pour s’inscrire dans une agriculture durable. Mais il est primordial que la filière pense, invente, co construise sa stratégie pour s’inscrire dans la modernité : les goûts et attentes des consommateurs changent.

Nous devons nous adapter. Et pas l’inverse… 


INTERVENTION D'HENRI CABANEL


Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen de la Proposition de loi relative à la Lutte contre l’accaparement des terres agricoles et le développement du biocontôle.
Je salue la pertinence de ce texte compte-tenu de l’actualité car il s’intéresse à deux enjeux majeurs: la préservation du foncier et la baisse de l’emploi des produits phytosanitaires.

Deux enjeux d’agroécologie intégrés dans la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’alimentation et la forêt.
Vous avez su, Monsieur le Ministre, traduire cette feuille de route en actes. J’y reviendrai concrètement.

Le foncier tout d’abord.

Cette Proposition de loi vise un objectif très clair : mettre fin à l’opacité de certaines opérations spéculatives.
Le rachat, l’an dernier, de 1700 hectares dans l’Indre par une société chinoise a profondément choqué le monde paysan, car les prix proposés ont été plus de deux fois supérieurs à la moyenne, déstabilisant ainsi le marché.
Si la superficie acquise et le montage des transactions ont alerté les pouvoirs publics, le phénomène n’est pas nouveau : depuis des années, des investisseurs étrangers souvent des Hollandais, Danois, Allemands, achètent des terres agricoles à un prix plus cher que celui du marché.
Résultat : les prix montent.
Ce phénomène n’est pas non plus spécifique à la France.
Les experts ont avancé des chiffres sans appel qui montrent l’urgence à agir : les investissements chinois en Europe, tous secteurs confondus, ont atteint le record de 20,7 Milliards d’euros investis en 2015. L’agriculture ne représente encore qu’une petite part de cet investissement.
Les multinationales cherchent à placer leur argent sur le vieux continent et elles se tournent désormais avec gourmandise vers nos terres.
Les rachats de parcelles de céréales du Berry sont une première, les investisseurs chinois ayant préféré jusqu’à présent racheter des domaines viticoles.

Si nous pouvons nous réjouir des causes, nous en subissons les conséquences : notre secteur agroalimentaire, fleuron mondial, bénéficiant d'une image sanitaire excellente en Chine où la classe moyenne s’élève contre les scandales alimentaires, la tendance d’achat risque de s'amplifier.

Quelles solutions apporter alors?

Ce texte offre les réponses d’encadrement juridique pour maîtriser la spéculation et ses abus.
L’article 1er rend désormais obligatoire l’acquisition de foncier agricole par l’intermédiaire d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, en créant un article L. 143-15-1 au code rural. Objectif : une meilleure transparence des acquisitions foncières, pour éviter l’accaparement et la financiarisation des terres agricoles par des sociétés d’investissement.

L’article 2 donne droit de préemption aux SAFER dans les GFA/GFR : Elles vont pouvoir acquérir, à l’amiable, la totalité des parts de groupements fonciers agricoles ou ruraux, et non plus limiter leur prise de participation à 30 % maximum du capital de ces sociétés agricoles.

L’article 3 permet d’étendre ce droit de préemption des SAFER en cas de cessions partielles des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole (GFA ou SCI), lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société.

Il permet ainsi d’éviter les situations comme celle qui s’est déroulée dans l’Indre où les investisseurs étrangers ont acquis 99% des parts de la société.

Cette PPL repositionne ainsi de façon claire et affirmée le rôle des SAFER.
Dans la continuité de la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’alimentation et la forêt, le pacte d’avenir signé en mars 2015 a renforcé la gouvernance et les missions de ces sociétés.

Nous ne pouvons qu’être satisfaits collectivement de ces objectifs renouvelés car, je le rappelle, la mission originelle des SAFER créées en 1960 est l’installation des jeunes.
Conforter les missions c’est bien, mais avec quels moyens ?

Car dans les faits, les Safer ont exercé 1 260 préemptions en 2015, pour une surface de 6 000 hectares et une valeur de 54 Millions d’euros(0,6 % du nombre total des notifications de vente transmises par les notaires aux Safer).

Ces préemptions représentent 12 % du nombre, 7 % de la surface et 5 % de la valeur de l'ensemble des acquisitions

C’est pourquoi, il est nécessaire de renforcer également leurs moyens.
Comme je l’ai proposé récemment lors d’une question orale, je pense que les SAFER ne pourront répondre aux ambitions fixées dans ce

Pacte d’avenir sans une réforme de leur financement.
J’ai donc proposé qu’une partie de la TSE (Taxe spéciale d’équipement) prélevée par les Établissements Publics Fonciers soit ensuite fléchée au niveau régional pour chaque SAFER via une convention d’objectifs qui s’appuie sur une stratégie de territoire.

A la clef, tous les enjeux de la préservation du foncier :
l’installation, la confortation des exploitations, la transmission des terres aux jeunes agriculteurs, la préservation des paysages et la lutte contre l’artificialisation des terres.

Je pense également que les PAEN sont les outils indispensables à cette préservation du foncier agricole.
La Loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a conféré aux Départements une nouvelle compétence : la protection et l'aménagement des espaces agricoles et naturels périurbains. La mobilisation de cette compétence passe par la mise en œuvre de cet instrument du Code de l'urbanisme : les « périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains », dits PAEN.

12 ans plus tard, combien de PAEN ont-ils été activités par les Départements?

Les législateurs sont souvent accusés d’inventer de nouvelles lois, qui se superposent à d’autres.
Pour le foncier, la loi de 2005 est la meilleure réponse adaptée : les Départements possèdent à travers ces PAEN des outils efficients. Faut-il encore avoir l’audace de les actionner…

Les agriculteurs doivent s’emparer de cette opportunité, en sollicitant cette collectivité pour qu’elle sacralise à jamais ces périmètres. Pourquoi ne pas confier l’instruction et l’animation de ces actions aux SAFER pour aider les Départements dans cette démarche ?

Seule la volonté politique des élus départementaux peut apporter une réponse concrète aux problèmes d’artificialisation.
Et le courage en politique c’est aussi d’expliquer aux agriculteurs, aux maires, aux représentants des interpro la nécessité de dédier à l’agriculture ces terres fertiles, parfois irriguées, pour que nous sauvegardions notre potentiel agricole.
Notre indépendance alimentaire en dépend tout autant que la force de frappe de notre économie agroalimentaire.

Deuxième sujet majeur abordé dans cette proposition de loi, le biocontrôle.

Ce texte vise à apporter des dispositifs complémentaires aux mesures existantes en matière de biocontrôle et donne une valeur législative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

La volonté d’une baisse d’emploi des produits phytosanitaires est aujourd’hui partagée.
Les agriculteurs sont les premiers touchés par les risques.
Dans un livret que j’ai réalisé sur l’agriculture durable, j’ai laissé l’expression libre à des dessinateurs de presse pour illustrer les enjeux de notre monde agricole.

Le dessin et la légende créés par l’un d’eux se passe de
commentaire : « tu emploies de la chimie, tu finis en chimio ».
Oui je le répète, nous agriculteurs, ceux que l’opinion publique montre du doigt comme des acteurs inconscients de la pollution de la planète, nous sommes les premières victimes de l’industrie des produits de traitement.

Unanimement, la filière, les gouvernants, ont compris l’attente sociétale et nos ministères ont accompagné cette mutation

obligatoire avec des objectifs très clairs. Les résultats ont suivi.

Monsieur le Ministre, vous l’annonciez récemment lors d’une conférence de presse : les ventes de pesticides aux agriculteurs ont reculé de 2,7 % en France entre 2014 et 2015, première baisse depuis le lancement d'un plan gouvernemental en 2008 visant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires.

Vous avez confirmé que cette « inversion de la courbe » est « un point que l'on veut poursuivre et conforter ».
L'objectif du plan Ecophyto est de parvenir à réduire de 20% le recours aux pesticides d'ici à 2021. Une politique de courage.

Dans ce cadre, Monsieur le ministre, vous avez insisté sur la nécessaire mise en place des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) dont nous allons débattre aujourd’hui. Une mesure forte que je salue.
Les CEPP sont un dispositif qui incite financièrement les vendeurs de produits phytosanitaires agricoles à encourager des modes de production alternatifs.
Ils peuvent ainsi vendre du conseil, des équipements ou mettre en place des actions permettant une réduction de l'utilisation des produits chimiques, ce qui leur rapporte des certificats.

Je félicite les auteurs du texte qui ont pensé à prévoir un large délai puisque les sanctions ne seront applicables qu’à partir de l’année 2021 ce qui laisse un temps d’adaptation suffisant aux distributeurs.

Il est primordial d’accompagner les mutations d’un espace d’adaptation car la recherche et l'innovation doivent également inventer des solutions alternatives.

L’agriculteur que je suis a toujours plaidé pour l’interdiction de produits dès lors que ceux-ci étaient remplacés par d’autres.
Mais interdire sans solution de substitution revient à sacrifier un pan entier de filière car cala a un impact direct sur la compétitivité de notre agriculture.
A fortiori, quand ces produits ne sont pas interdits chez nos voisins européens et qu’ils sont commercialisés en France.

Cette PPl réaffirme les enjeux environnementaux et sociétaux. Il est primordial que la filière s’approprie ces enjeux dans l’intérêt collectif d’une agriculture durable.
Vendre son exploitation avec une forte plus-value n’est qu’une vision individuelle à court terme.

Être paysans dans l’âme ce n’est pas faire de la spéculation sur sa terre mais c’est un devoir de transmission aux générations futures. Encore faut-il vivre décemment de son activité. C’est un autre débat que nous continuerons d’aborder dans cet hémicycle.

Monsieur le Ministre, je salue et je vous remercie de votre inlassable volonté d’inscrire notre agriculture dans une stratégie d’audace, d’innovation et de modernisme. Pour une agriculture durable. 

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