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HERAULT - VIDEO - Loi Sapin 2 - Intervention du député DENAJA en séance publique à l'Assemblée lundi 6 juin

TRANSPARENCE & LUTTE CONTRE LA CORRUPTION (LOI SAPIN 2) : INTERVENTION DU DEPUTE SEBASTIEN…

TRANSPARENCE & LUTTE CONTRE LA CORRUPTION (LOI SAPIN 2) :

INTERVENTION DU DEPUTE SEBASTIEN DENAJA,
RAPPORTEUR DU PROJET DE LOI
EN SEANCE PUBLIQUE LUNDI 6 JUIN 2016

Sébastien Denaja, rapporteur du projet de loi Sapin 2 relatif à la Transparence, à la Lutte contre la Corruption et à la Modernisation de la vie économique, présentait ce projet devant l'Assemblée Nationale réunie en séance publique lundi 6 juin.

Ci-après le texte de son discours :

« Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le vice-président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, c’est un pas décisif que le Gouvernement propose aujourd’hui à notre Assemblée de franchir. Ce projet de loi, j’en ai la conviction, façonnera durablement notre droit. Il permettra des avancées décisives en matière de lutte contre la corruption et de transparence, des avancées sur lesquelles personne n’osera jamais revenir, une fois qu’elles auront été adoptées, ni dans un an ni dans vingt-trois ans, monsieur le ministre.

En 2013 déjà, notre majorité avait voté des changements cruciaux. Les deux lois d’octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ont en effet permis d’imposer une moralisation de l’exercice des fonctions électives et politiques. La loi de décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, quant à elle, a créé le procureur national financier et punit désormais sévèrement les atteintes à la probité.

Ce projet de loi poursuit cette œuvre et va même plus loin puisqu’il s’inscrit dans un mouvement d’ensemble, initié par le Président de la République et sa majorité. Ce mouvement, c’est celui de la lutte contre la finance dévoyée, contre l’argent sale qui corrompt. L’esprit de cette loi imprégnait, en janvier 2012, le discours du Bourget de François Hollande, qui désignait un adversaire : la finance.
Non pas celle qui participe au développement de l’économie réelle mais celle, toute puissante, vorace, dont le seul but est de créer de la richesse non pas pour les peuples mais afin de l’accaparer, tels ces fonds vautours à la rapacité mortifère, auxquels nous proposerons de nous attaquer. Oui, ce texte s’attaque à la finance dévoyée. Il propose même, grâce à de nouveaux outils, d’en dévoiler le visage et d’en donner l’adresse.

La corruption mine la société tout entière, qu’elle soit nationale ou transnationale, fragilise notre démocratie et met à mal le pacte républicain. Il est de notre devoir de législateurs de l’anéantir, comme Victor Hugo, à cette tribune, il y a 150 ans, proposait d’anéantir la misère. Les Français sont usés, fatigués, lassés, indignés d’entendre que certains, par des pratiques immorales et illégales, s’octroient sans vergogne privilèges et avantages.

Ce texte s’inscrit donc dans cette volonté de moralisation et de transparence, pour renouer la confiance et retisser les liens de la démocratie. La création d’une Agence française anticorruption, la mise en place d’un répertoire des représentants d’intérêts ou celle d’un socle commun des droits des lanceurs d’alerte constituent autant de progrès sur cette voie.
Parce qu’il souhaite, à l’inverse, encourager le développement de l’économie réelle, ce texte sert également de point d’ancrage à des dispositions de modernisation de la vie économique et financière. Leur diversité ne doit pas conduire à en sous-estimer la portée. Les articles renforçant les pouvoirs de l’AMF, par exemple, sont importants pour accroître l’efficacité de la supervision du secteur financier. D’autres dispositions, relatives notamment au foncier agricole, ont fait l’objet de débats importants en commission, preuve que leur caractère technique ne suffit pas à en occulter les conséquences concrètes.

Compte tenu de l’ampleur et de la diversité de son contenu, ce projet de loi a fait l’objet d’une procédure d’examen originale : la commission des lois a été saisie au fond, tandis que celle des affaires économiques et celle des finances ont été saisies pour avis, mais avec une délégation au fond pour les articles les concernant. Je salue au passage le travail mené par Romain Colas et Dominique Potier, avec lesquels j’ai travaillé en étroite collaboration.
Autre spécificité de procédure : il est rapidement apparu que, si nous voulions bâtir un véritable statut général du lanceur d’alerte, le défenseur des droits devait en assurer la protection. Une proposition de loi organique a été déposée en ce sens par Bruno Le Roux, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, et son examen a pu être joint – je m’en réjouis – à celui du présent projet de loi.
Sur le fond, je ne répéterai pas ce que MM. les ministres ont exposé mieux que je ne saurais le faire mais me bornerai à présenter les principales avancées résultant du texte adopté par la commission des lois.

D’abord, la commission des lois a donné un nom au service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption : Agence française anticorruption, ou AFA. Je tiens à saluer la présence, ce soir, d’une délégation du SCPC, le service central de prévention de la corruption.

J’ai aussi souhaité que soient renforcées les garanties d’indépendance de son directeur et de son personnel, en rendant inamovible le magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire nommé à la tête de cette agence, sauf démission expresse ou empêchement, et en soumettant le personnel de l’agence à l’interdiction de recevoir des instructions et à l’obligation de respect du secret professionnel, formellement déjà prévues pour le directeur.
À mon initiative, les missions de l’AFA ont été complétées par la réintroduction d’une procédure d’avis ou d’expertise sur demande des magistrats, comme elle était déjà prévue, monsieur le ministre, dans la loi dite « Sapin I ».
En outre, l’AFA élaborera une véritable stratégie nationale de lutte contre la corruption.
À la demande de nos collègues de l’opposition, nous avons étendu aux établissements publics industriels et commerciaux l’obligation de prévention et de détection des risques liés à la corruption.
Dans le souci de prévenir d’éventuels conflits d’intérêts, la commission a également imposé des obligations déontologiques aux experts, personnes ou autorités qualifiées auxquels peut recourir l’agence dans la mise en œuvre de la peine de mise en conformité.

Par ailleurs, je suis heureux que la commission ait renforcé les dispositions réprimant les atteintes à la probité, en rendant obligatoire la peine complémentaire d’inéligibilité pour certains manquements à la probité, en créant des circonstances aggravantes, comme l’agissement en bande organisée ou l’interposition d’une structure offshore, pour l’ensemble des manquements au devoir de probité, et en permettant l’utilisation des techniques de surveillance, d’infiltration et d’écoute judiciaires pour les délits d’atteinte à la probité qui le nécessitent.
La commission des lois a également introduit, sur la proposition de notre collègue Sandrine Mazetier, une convention judiciaire d’intérêt public – chaque mot compte. Cette procédure doit permettre, sous le contrôle du juge et avec de fortes garanties de publicité, de conclure un accord avec les personnes morales mises en cause pour des délits d’atteinte à la probité. Cet accord prévoirait, en échange de l’abandon des poursuites, le versement d’une amende pénale et le suivi d’un programme de mise en conformité avec les obligations anticorruption.
Sur la suggestion de son rapporteur, la commission a également introduit sept nouveaux articles, qui donnent un statut aux lanceurs d’alerte, traduisant les préconisations de la récente étude du Conseil d’État sur le sujet.
Je le répète, elle a également adopté, après l’avoir modifiée, une proposition de loi organique relative à la compétence du défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte.
Le champ étant entièrement neuf, ces dispositions ne constituent qu’un socle de départ ; il nous appartiendra de les compléter et de les faire évoluer au cours de nos débats. Je serai d’ailleurs très ouvert aux suggestions des uns et des autres, dès lors que le principe d’un socle commun de droits, impliquant la disparition des articles épars des articles votés ces dernières années, ne sera pas remis en cause. Là où nous devons et pouvons nous retrouver, et j’y serai attentif, c’est sur la protection des lanceurs d’alerte car c’est une exigence démocratique.

S’agissant du répertoire des représentants d’intérêts, je me félicite qu’après le registre de transparence européen et les registres de l’Assemblée nationale et du Sénat, le pouvoir exécutif se dote à son tour, sur votre initiative, monsieur le ministre, d’un dispositif permettant de faire la lumière sur le lobbying, sous le contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP. La commission des lois, en sachant utilement dépasser les clivages politiques, a fait sienne cette démarche et l’a notablement approfondie : elle a élargi la définition du représentant d’intérêts et ouvert la voie à la création d’un répertoire unique, commun au Parlement et au pouvoir exécutif, conformément d’ailleurs à ce qu’avait souhaité, dès l’automne dernier, le Président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Des amendements présentés en ce sens par M. David Habib, vice-président de l’Assemblée nationale, président de la délégation du Bureau chargée des représentants d’intérêts et des groupes d’études, ont été adoptés par la commission.
Celle-ci a également – j’y tenais beaucoup – étendu le périmètre du futur répertoire aux activités de représentation d’intérêts exercées auprès des collectivités territoriales, comme y invitait du reste le Conseil d’État.
Elle a de plus enrichi les informations que devront fournir les représentants d’intérêts.
Elle a enfin renforcé les pouvoirs de contrôle et de sanction de la HATVP – et je vous proposerai, à cet égard, d’aller encore plus loin.

Je laisserai les rapporteurs pour avis détailler les mesures saillantes relatives à la modernisation de la vie économique.
S’agissant dureportingdes entreprises, il convient de commencer par souligner que des avancées notables ont déjà été réalisées par notre majorité : un reporting pays par pays public pour les établissements bancaires dans la loi de 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ; un reporting pays par pays, également public, pour les activités d’extraction minière en 2014; unreportingpays par pays au profit des administrations fiscales, dont nous avons, en commission, abaissé très significativement le seuil. Et oui, lors de ces débats, nous irons au-delà, avec un reporting public par pays, dont il nous incombera de définir ensemble le périmètre exact.

Nous avons aussi fait œuvre utile, je crois, en matière de rémunération des dirigeants, en introduisant une nouvelle procédure d’approbation préalable et contraignante des rémunérations des dirigeants des entreprises cotées par l’assemblée générale des actionnaires, c’est-à-dire par les propriétaires de l’entreprise.
La commission des lois et les deux commissions pour avis ont porté de 57 à 105 le nombre des articles du présent projet de loi. C’est dire s’il a déjà été enrichi par le débat parlementaire. Je gage que nous n’en resterons pas là – le Gouvernement pourra d’ailleurs aussi proposer quelques articles additionnels –, même si, j’en suis sûr, tout le monde ici aura à cœur d’assister au match inaugural de l’Euro, vendredi.

Plus sérieusement, monsieur le président, chers collègues, il me reste à vous inviter à adopter ce projet de loi ainsi que la proposition de loi organique qui lui est jointe. Ces deux textes permettront en effet de porter notre pays au tout premier rang, en Europe et dans le monde, en matière de lutte contre la corruption et de transparence publique. Comme l’a écrit un grand auteur méditerranéen, Tahar Ben Jelloun, particulièrement affectionné par le Sétois que je suis : « La corruption, c’est aussi le manque de dignité, c’est l’absence de scrupule, c’est l’exploitation des gens sans défense. » Eh bien, les solutions de défense, ce sont les mesures de ce projet de loi, que je vous proposerai de voter. »

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