Huissiers de justice, questions à Patrice Gras : "Comment et pourquoi faire constater la mise en place des règles sanitaires en entreprise ?"

Les huissiers de justice, fortement impactés par la crise du Covid-19, se préparent à…

Les huissiers de justice, fortement impactés par la crise du Covid-19, se préparent à mener la reprise économique dans les meilleures conditions et à vérifier qu’il en ira de même dans les entreprises. Patrice Gras, président de l’Union nationale des huissiers de justice (UNHJ), aborde les enjeux de cette reprise. Interview…

Pourquoi avoir lancé le site reprise-eco.fr ?

“Ce site est plus une question de société parce qu’aujourd’hui, on doit essayer de se réinventer. Face à cette situation sans précédent, ce site (lire notre article) n’est pas tant destiné aux huissiers de justice qu’à l’ensemble des TPE, des PME, des entreprises du CAC 40 ou encore des collectivités publiques. La question est de savoir comment la reprise va pouvoir s’installer et quelles sont les meilleures conditions pour cela, dans l’état actuel de la connaissance de la médecine. Puisque, progressivement, les établissements vont rouvrir, il est probable qu’un procès-verbal de constat, avec l’huissier de justice ès qualité de tiers de confiance, nous soit demandé, notamment parce qu’entre les sociétés, entre leurs collaborateurs, entre les différents syndicats et entre l’État, auront été mis des protocoles de reprise pour relancer l’économie. Le constat d’huissier prouve alors que tel ou tel chef d’entreprise peut permettre aux salariés de reprendre le cours de leur vie professionnelle ou peut améliorer les conditions pour la reprise du travail.  Un procès-verbal de constat, fait à la demande des parties, permet d’indiquer, par exemple, qu’un magasin a bien mis en place une file d’entrée et de sortie, que tel ou tel support a été décontaminé, que les collaborateurs sont tous couverts et équipés de masques, de lunettes, de gants afin que la contamination ne se propage pas, tout en permettant à l’économie de reprendre. C’est aussi un moyen d’établir la confiance nécessaire à l’instauration d’un climat propice à la reprise des activités du pays.”

Avec des secteurs très différents, je suppose que vous êtes face à des demandes différentes…

“Absolument, et je conseille à tous d’aller sur le site du ministère du Travail, qui a mis en place une trentaine de protocoles disponibles en fonction des activités, après avoir mené une réflexion sur une méthodologie de reprise. Il revient ensuite à chacun de les adapter à ses locaux, à ses structures et entreprises, pour permettre une meilleure reprise. La démarche que nous avons eue a été de penser à la reprise économique pour le tissu économique, et pas forcément pour l’huissier. Par contre c’est la qualité de tiers de confiance que nous mettons à disposition dans ce cadre.”

Comment s’organisera le travail au sein des bureaux ?

“Si plusieurs personnes doivent travailler dans un même bureau, il convient de réaménager les postes de travail, de placer moins de personnes dans un même endroit, de mettre des protections, éventuellement en Plexiglas, et d’avoir régulièrement une entreprise de ménage ou pour procéder à des nettoyages de surface, notamment si elles doivent servir à recevoir du public. Chacun doit réfléchir à son environnement et doit adapter, sur un modèle précis, une vérification. Voilà les conseils que l’on peut être amené à donner et à vérifier l’installation.”

Qui peut demander votre intervention pour un constat ?

“Cela peut être chaque entrepreneur, puisque qu’on ne peut pas procéder à un constat sans l’autorisation a minima de celui qui est responsable des locaux dans lesquels on vient, mais cela peut être une demande de deux parties, à la fois de la direction et des collaborateurs ou des syndicats, si l’entreprise est plus importante. Il y a quelque chose à construire ensemble pour reprendre l’activité et qu’ils soient patrons d’entreprise, dirigeants ou collaborateurs, je crois qu’ils ont tous cette envie.”

L’utilité de faire un constat est-elle de se décharger d’une certaine responsabilité en justifiant de la qualité des équipements mis en place ?

“Le rôle du chef d’entreprise est d’assumer ses droits et obligations. Il a l’obligation de protéger ses collaborateurs, ses partenaires, qui viendraient éventuellement à livrer, ou ses clients si la structure reçoit du public. Si rien n’est mis en place, si la reprise du travail se fait de façon « sauvage » et qu’un collaborateur, partenaire ou client venait à être contaminé, l’entreprise et ses dirigeants pourraient être inquiétés et leur responsabilité pénale pourrait être engagée. L’objectif est de trouver des éléments qui rassurent et qui, juridiquement, protègent. Par exemple, si les collaborateurs prennent les transports en commun, il est de la responsabilité de l’employeur de leur fournir les masques nécessaires à leur transport. Sur ce sujet, il y a une réelle réflexion à avoir. La question est de savoir si les entreprises prendront le risque de redémarrer leur activité sans aucune protection et si, dans ce cas, les collaborateurs accepteront de travailler ou feront usage de leur droit de retrait. Le procès-verbal que l’on serait amené à établir ne serait que le reflet, soit des décisions de l’employeur, soit des accords bipartites ou tripartites des membres de l’entreprise. C’est un moyen de constater qu’il y a eu une réflexion et une application d’un certain nombre de principes que l’État nous a demandé de faire respecter pour bon nombre d’entreprises.”

En tant qu’huissiers, vous n’assurez pas le conseil aux entrepreneurs ?

“Non, ce n’est ni notre fonction ni notre rôle. Nous sommes dans un constat matériel, nous constatons que des documents existent, dont naissent des obligations et dont l’application est faite. Nous constatons que le dispositif et l’environnement permettent un début de reprise avec un maximum de protection, dans l’état actuel de nos connaissances.”

Quel serait le coût d’un tel acte pour un entrepreneur ?

“Tout dépend du temps passé sur place, de la taille de l’entreprise et des points de contrôle. Les honoraires sont libres, il n’y a pas de coût déterminé. C’est un accord que doit prendre l’entrepreneur avec l’huissier de justice de l’une des 1 700 études françaises. Selon la taille de l’entreprise, le coût moyen d’un constat ira de 250 à 350 euros. L’important est de prendre contact et de demander un devis. Il faut que les reprises se fassent dans de bonnes conditions. Tous les États sont touchés, toutes les professions sont concernées. Cette proposition se fait pour essayer de faciliter une reprise et que les droits et obligations de chacun soient bien respectés et constatés. C’est tout le mal qu’on nous souhaite.”

Comment les huissiers de justice traversent-ils cette période difficile ?

“Ils la traversent d’une façon un peu particulière, dans la mesure où quasiment toutes nos procédures se sont arrêtées, ce qui est normal compte tenu de ce que le pays est en train de vivre. Aujourd’hui, les études d’huissiers ont une activité qui ne dépasse pas les 10 à 20 %. Énormément de nos collaborateurs sont en chômage partiel, quelques-uns sont en télétravail et, à de rares exceptions, d’autres travaillent encore dans les études. Sachant qu’en règle générale, les huissiers de justice sont dans les études et sur le terrain pour signifier le peu d’actes qui existent et qu’on leur demande de réaliser.”

Aujourd’hui, j’imagine que votre priorité est la santé des collaborateurs ?

“Oui c’est la santé des collaborateurs, celle de mes confrères et consœurs et également celle des personnes pour lesquelles on nous demande de livrer une signification, puisque l’on a certains actes d’huissier à gérer, dont des actes pénaux demandés par les parquets. On reste donc présent en respectant les mesures de confinement, la distanciation et le peu d’actes remis l’est dans les normes, dans de bonnes conditions.”

Propos recueillis par Boris Stoykov (Affiches Parisiennes) pour RésoHebdoEco et l’HJE/www.reso-hebdo-eco.com

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.