Inaptitude du salarié : cadre législatif renouvelé et problèmes récurrents pour les entreprises

Le jeudi 9 novembre 2017, le Groupement des Employeurs du Tiers Secteur organisait un petit-déjeuner pour faire le point sur l’actualité juridique. Au menu l’inaptitude du salarié. Animée par Michel Pierchon, avocat à la cour d’appel de Montpellier, spécialiste en droit du travail et de la Sécurité sociale, la demi-matinée s’est nourrie de l’étude des textes récemment réécrits, entrecoupée de nombreux échanges. L'essentiel des débats par Michel Pierchon…

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016(1), dite Loi Travail ou Loi El Khomri puis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017(2) sont venues préciser le cadre juridique des actions respectives du médecin du travail et de l’employeur en matière d’inaptitude du salarié. Deux points clés retiennent l’attention…

L’avis d’inaptitude, d’abord

De la théorie à la pratique : abrogeant l’arrêté du 20 juin 2013, l’arrêté du 16 octobre 2017(3) fixe enfin -plus d’un an après la réforme législative, le modèle d’avis d’inaptitude à utiliser à compter du 1er novembre 2017. Il indique en vis-à-vis des rubriques, les articles du code du travail auxquels elles se réfèrent.

«Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur» (Code du travail, art. L. 4624-4).

Le médecin du travail peut dispenser l’employeur de l’obligation de reclassement. Encore faut-il qu’il coche(4) l’une ou l’autre des «mentions expresses» suivantes : «que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi». (C. trav. art. L.1226-2-1, L.1226-12 et L. 1226-20).

La recherche de reclassement, ensuite

Les articles L.1226-2 et L.1226-2-1 remaniés alignent les prescriptions relatives à l’inaptitude d’origine non professionnelle sur les prescriptions plus exigeantes des articles L.1226-9 et L.1226-12 régissant l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.

C’est ainsi qu’il incombe à l’employeur :

– de prendre avis des délégués du personnel jusqu’au 31 décembre 2017, du comité social et économique, à compter du 1er janvier 2018 ;
– d’effectuer la recherche de reclassement, au sein du groupe celui-ci étant défini par l’article L.2331-1. Toutefois pour le reclassement qui fait suite à un AT ou une maladie professionnelle lorsque l’entreprise dominante du groupe est à l’étranger, le groupe de reclassement est «constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français» proclame l’article L.1226-10. En contrepoint de la vision extensive du groupe, soulignons que pour la Cour de cassation «[…] l’adhésion d’une union syndicale locale à une union départementale et à des organes confédéraux» ou «l’adhésion d’une mutuelle de santé à une fédération nationale n’entraine pas en soi la constitution d’un groupe au sens des dispositions de l’article L.1233-4»(5) ;
– d’envisager, sur les préconisations du médecin du travail, une formation préparant le salarié à occuper un poste adapté.

Et à défaut de reclassement possible ?

«Lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement. Il ne peut rom-
pre le contrat de travail que s’il justifie :

– soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2,

– soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions,

– soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail de l’une ou l’autre des dispenses de reclassement.

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L.1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. L’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre» (C. trav. art L.1226-2-1)(6).

Les obligations s’imposant à l’employeur selon l’interprétation de la jurisprudence sont maintenant inscrites dans les textes.
L’inaptitude d’origine non professionnelle est à traiter presque comme celle d’origine professionnelle ; subsistent néanmoins des différences qui appellent à la vigilance.
Signalons enfin que le recours formé contre un avis d’inaptitude relève désormais du juge judiciaire, «le Conseil de Prud’hommes en la forme des référés»(7). La voie de la simplification n’est donc pas pour… aujourd’hui.

Ce sujet, ô combien sensible de l’inaptitude, reste parsemé de chausse-trappes pour le chef d’entreprise.

Michel PIERCHON

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