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Indemnités pour licenciement abusif : le plafonnement validé

Dans un avis du 17 juillet, la Cour de cassation a validé le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif prévu par les ordonnances « Macron ». Elle a estimé que ce dispositif était conforme aux textes internationaux ratifiés par la France.

Sa décision était très attendue. La Haute juridiction était saisie pour avis, après le refus de plusieurs conseils de prud’hommes d’appliquer le barème d’indemnisation ! Quel était l’enjeu du débat ?

Rappelons que ce barème ou plafonnement, prévu par une ordonnance « Macron » du 22 septembre 2017 réformant le Code du travail, ne concerne que les dommages-intérêts pour rupture abusive, et non l’indemnité de licenciement elle-même. Il s’applique également en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail ou de résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur.

Le texte prévoit en outre un plancher minimal spécifique applicable aux entreprises de moins de 11 salariés. On notera que ce plancher dérogatoire ne vaut que pour un salarié ayant au plus 10 ans d’ancienneté. Au-delà, il convient logiquement de suivre le barème « général ».

Exemples : pour un salarié ayant 6 ans d’ancienneté et ayant travaillé dans une entreprise de 30 salariés, le plancher est de trois mois de salaires bruts et le plafond de 7 mois. Pour un salarié ayant 6 ans d’ancienneté et ayant travaillé dans une entreprise de 5 salariés, le plancher est de 1,5 mois de salaires bruts et le plafond de 7 mois.

Un débat compliqué

Mais, la difficulté est que plusieurs conseils de prud’hommes ont estimé ce plafonnement, pourtant déjà pratiqué dans nombre de pays de l’Union européenne, contraire à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et à l’article 24 de la Charte sociale européenne (CPH de Troyes 13 décembre 2018, CPH Amiens 19 décembre 2018, CPH Lyon 21 décembre 2018, 7 janvier 2019, CPH Grenoble 18 janvier 2019…)

Suivant l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT : si les juges « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible, dans les circonstances, d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Pour mains auteurs, déclarer le système français contraire à cette norme était téméraire, puisque la plupart des Etats ayant adhéré à cette convention ont adopté un système plus sévère encore que le dispositif français. Déclarer celui-ci contraire à l’article 10 de la convention de l’OIT aurait donc amené à remettre en cause l’article lui-même…

Quant à l’article 24 de la Charte sociale européenne, il dispose qu’ « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement », les Etats parties doivent s’engager « à reconnaître le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service » et le droit, pour ceux licenciés sans motif valable « à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

Selon ce texte, le salarié qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable doit également disposer « d’un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».

Et certains professionnels détracteurs du barème de s’appuyer sur un précédent concernant la Finlande qui limitait à 24 mois les indemnités susceptibles d’être allouées en cas de licenciement injustifié. Dans une décision du 8 septembre 2016, le Comité européen des droits sociaux a considéré cette législation comme non conforme à l’article 24 susvisé….On pensait donc à la France qui plafonne les indemnités à 20 mois…

Toutefois les apparences étaient trompeuses pour deux raisons : en Finlande, ce plafonnement était applicable dans toutes les hypothèses, même en cas de nullité de la rupture (ce qui n’est pas le cas en France). En outre, dans son système, les indemnités allouées par le juge étaient soumises à impôt et déduites des sommes que le salarié avait touchées depuis son licenciement

De plus, le Conseil d’État, le 7 décem- bre 2017 (ord ref. n° 415243) et le Conseil constitutionnel, le 21 mars 2018, (n° 2018-761 DC pts 86 et s) ont validé le barème…

Une décision logique

Dans son avis, la Cour de cassation a estimé le barème « compatible » avec l’article 10 de la Convention nº 158 de l’OIT, qui demande « le versement d’une indemnité adéquate », en cas de licenciement abusif. Pour la Haute juridiction, le terme « adéquat » doit être compris comme réservant aux Etats parties (signataires) une « marge d’appréciation ».

La Cour a, par ailleurs, précisé que « la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct, en droit interne, dans un litige entre particuliers » et que le barème n’entre pas dans le champ d’application de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Cette décision devrait signer la fin des incertitudes sur ce barème. Tant mieux, car s’il est un domaine où les parties ont besoin de certitudes, c’est bien en droit du travail…

François TAQUET,
avocat, spécialiste en droit du travail et protection sociale

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