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Interview - Yaël Braun-Pivet « Faire de la politique différemment, c’est possible et c’est impératif »

La majorité LaREM est arrivée à l’Assemblée nationale avec la volonté de mettre en œuvre une nouvelle façon de faire de la politique. La députée Yaël Braun-Pivet revient sur les deux années passées à la présidence de la commission des lois.


Vous achevez deux années très intenses à la présidence de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Quels en ont été les temps forts ?

Yaël Braun-Pivet : C’est la mobilisation jamais égalée des députés à l’Assemblée nationale qui m’a le plus marquée. Nous nous sommes totalement investis dans le travail. Cela se voit à à la fois à travers la quantité de textes examinés, les nombreuses missions d’information, le nombre d’heures passées dans l’hémicycle et en commissions, les sessions extraordinaires programmées jusqu’au début du mois d’août. Je suis fière de cet engagement de tous, au service des projets de transformation de notre pays.

En commission des lois, nous avons beaucoup écouté, nous nous sommes beaucoup concertés pour trouver à chaque fois une ligne de crête pour les textes majeurs. Je pense, par exemple, au premier texte sur la sécurité que nous avons examiné qui nous a permis de sortir de l’état d’urgence. Nous devions concilier la prévention du terrorisme et les libertés publiques des Français, notamment les libertés de culte, de circulation et la préservation de la vie privée.

J’y travaille encore puisque je suis chargée, avec le rapporteur de ce texte, Raphaël Gauvain, et Eric Ciotti, d’en assurer le contrôle d’application puisqu’il comporte une clause de revoyure en 2020, devant le Parlement.

Vous avez aussi participé très activement au Grand débat. Vous avez même reçu le Premier ministre lors d’une réunion organisée dans votre circonscription… Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette crise politique que nous avons vécue avec les Gilets jaunes et sur les avancées du Gouvernement et de l’Assemblée nationale sur le pouvoir d’achat des Français ?

Y. B.-P. : La crise des Gilets jaunes est née partiellement d’un sentiment d’éloignement, d’abandon, d’un certain nombre de Françaises et de Français qui vivent mal ce qu’on appelle la « fracture territoriale ». Ils sont éloignés des centres villes, des écoles, des universités, des hôpitaux, des services publics en général, sans transports en commun. Ce sont également des gens qui n’arrivent pas à vivre décemment de leur travail. Ils exercent un emploi et se trouvent pourtant dans la précarité.

Ce mouvement des Gilets jaunes a été un moment extrêmement important pour notre pays. Ce qu’il a engendré comme actions au niveau du Gouvernement est encore plus important, avec notamment l’organisation de ce grand débat, puis les solutions qui en sont sorties.

La vocation de cette grande concertation nationale était d’écouter les Françaises et les Français, en dépassant le stade des revendications et des slogans pour aborder une discussion plus complète, plus nourrie et constructive. Le Gouvernement a demandé aux citoyens de ce pays ce qui, selon eux, ne va pas dans notre pays ; quel est leur ressenti ? Leur vécu ? L’échange a d’ailleurs été aussi bien vertical que transversal.

Certes, les Françaises et les Français ont parlé au président de la République et aux membres du Gouvernement, mais ils ont aussi parlé entre eux. De grands débats ont ainsi été organisés sur l’ensemble du territoire avec des Français qui parlaient à d’autres Français.

On a beaucoup médiatisé les débats avec le président de la République et avec le Premier ministre, notamment. Ce dernier est venu à Sartrouville, dans ma circonscription, pour écouter les doléances. Il était face à des Françaises et des Français qui ignoraient sa participation à notre réunion. Il est venu pour échanger avec eux, mais les a surtout laissés débattre entre eux. Ce moment d’écoute et de dialogue a été très fort.

On peut dire que ce Grand débat a atteint son but ?

Y. B.-P. : Sur tous ces plans, le Grand débat a été un immense succès. Quand les Françaises et les Français s’expriment, avec des revendications et des paroles très fortes, notre mission est de les écouter et d’agir en conséquence. Le Gouvernement a pris rapidement des mesures importantes pour améliorer le pouvoir d’achat. La prime d’activité est, en ce sens, un formidable outil pour aider les gens qui travaillent à augmenter leurs revenus.

La suppression progressive de la taxe d’habitation sur la résidence principale est un autre exemple. Des réponses sur les services publics ont également été apportées par le président de la République qui est favorable à la création de maisons de services publics pour aider les citoyens, au-delà de la logique de guichet. Ce qui s’est passé ces mois derniers doit irriguer et changer profondément notre façon de faire de la politique. Les événements ont fait évoluer notre façon de décider, avec davantage de participation citoyenne, nationale ou locale.

Quelles sont les actions à venir susceptibles d’illustrer cette nouvelle façon de faire de la politique ?

Y. B.-P. : Le président de la République a annoncé une action forte sur l’écologie. Nous voyons bien que les textes que nous examinons actuellement sont orientés vers des objectifs de préservation de l’environnement et de la biodiversité. La loi sur la mobilité, la loi sur l’énergie, la loi sur l’économie circulaire…

Très concrètement, les Françaises et les Français, à travers le grand débat nous ont également fait part de l’impératif de préservation de la planète, essentiel pour eux. Ils ont aussi pris conscience de la complexité des choix qui s’offrent à nous. Ils savent que rien n’est simple. Très clairement le Gouvernement et la majorité ont entendu ces messages et vont agir dans les semaines qui viennent sur le plan législatif sur toutes ces questions. Cette action change notre calendrier législatif, change nos perspectives, mais aussi notre façon de faire et notre façon d’être.

Quels sont les sujets qui se profilent et vont concerner la commission des lois ?

Y. B.-P. : Le chantier de la sécurité avec le ministre de l’Intérieur qui a annoncé, pour les prochains mois ou l’année prochaine, une loi de programmation. Nous allons par ailleurs commencer l’évaluation de la loi Renseignement qui va faire l’objet d’un réexamen en 2020. De beaux sujets s’annoncent également, concernant les collectivités territoriales, avec notamment un texte sur l’engagement et le statut de l’élu, porté par Sébastien Lecornu qui sera bien évidemment examiné par le Sénat et qui nous arrivera après.

Ce texte est dans la continuité des lois Confiance. Il nous faut définir quel élu nous voulons être et lever les freins pour encourager les citoyens à s’engager sans crainte dans les fonctions électives. Nous regarderons également s’il est nécessaire de franchir de nouveaux caps de décentralisation, notamment en redéfinissant les compétences des différents échelons.

La loi bioéthique va aussi être examinée prochainement à l’Assemblée, ainsi que la réforme constitutionnelle, à laquelle je tiens toujours beaucoup. Je suis convaincue que sur ce texte, nous pouvons trouver un accord avec nos collègues sénateurs. Avec la crise des Gilets jaunes et le Grand débat, les prises de conscience doivent se traduire dans ce texte. A l’aune des événements de ces derniers mois, nous proposons d’en débattre pour une réforme constitutionnelle aboutie dans l’intérêt des Français.

Nous souhaitons avancer dans les négociations avec les sénateurs et de parvenir à un accord avant de réexaminer ce texte à l’Assemblée.

Propos recueillis par Boris Stoykov,
pour RésoHebdoEco.
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