JCE, Andreea Acxinte : « créez de la valeur en optimisant vos ressources »
Le 12 octobre dernier, la Jeune Chambre Économique de Montpellier a réuni des membres de son réseau (chefs d’entreprise, élus, responsables associatifs) autour de réflexions et d’échanges sur la place du développement durable dans la stratégie des entreprises locales, et livré des pistes pour se diriger vers le green. Interview de la présidente de la JCE Montpellier, Andreea Acxinte, qui invite les entreprises et les institutions à créer de la valeur en optimisant leurs ressources…
Qu’est-ce que la JCE ?
Andreea Acxinte : « La Jeune Chambre Economique est une association composée de bénévoles. Au niveau local, nous sommes environ 30 membres. Nous portons des projets pilotes, qui, s’ils fonctionnent, seront répliqués ensuite par des structures qui en ont les moyens. L’idée est de développer des initiatives qui servent l’intérêt général, de faire grandir des gens qui veulent aider leur territoire. On le sait peu, mais la JCE est à l’origine de plusieurs initiatives : les passage piétons, le recyclage du verre, ou encore la journée internationale des droits de l’enfance. Nous identifions la problématique, nous testons un projet pilote, puis nous passons la main aux institutionnels ou au secteur privé. Aux niveau international et français, je dirais que la JCE est un incubateur de leaders citoyens. »
Le Covid-19 bouleverse la donne au sein des entreprises.
« C’est un vrai rollercoaster [des montagnes russes, ndlr]. Nous espérons tous que cette situation sanitaire et, par extension, économique, se calme d’ici une année. Car sans vaccin, il sera difficile de trouver une stabilité économique durable. »
Est-ce justement le moment de passer au développement durable, pour les entreprises et organismes qui ne s’y seraient pas encore mis ?
« Il est temps d’agir ! Le 12 octobre dernier, nous avons présenté des opportunités et les leviers de demain, à mettre en place dans un futur très proche, selon nous. C’était lors de la présentation des résultats locaux de l’enquête menée par la Jeune Chambre Économique Française et le Pôle Eco-Conception (missionné par l’Ademe), portant sur les conséquences de la crise sanitaire actuelle et la gestion des ressources au sein des entreprises et des organisations. En France, 2 635 chefs d’entreprise, cadres dirigeants, responsables associatifs et membres de collectivités territoriales y ont répondu, dont 139 dans le département de l’Hérault. »
De quelle façon les entreprises peuvent-elles se convertir au développement durable ?
« Parmi les solutions retenues en matière de développement durable, nous en avons identifié plusieurs. Tout d’abord améliorer la chaîne d’approvisionnement en favorisant le local, le circuit court, le made in France et en cherchant des fournisseurs plus proches. Ensuite réduire et recycler les déchets, mais pas que les emballages en plastique. Il est aussi possible de faire des économies d’énergie dépassant le simple fait d’éteindre les lumières quand on quitte une pièce. Si on est une PME, on peut installer des panneaux solaires par exemple.
On peut aussi limiter les transports et les déplacements des collaborateurs ; trouver un juste milieu entre les contacts humains et le télétravail. Le télétravail est très développé en Roumanie, pays d’où je viens ; il l’était très peu en France avant la pandémie. L’entreprise peut aussi mettre en place une démarche d’écologie industrielle et territoriale [EIT] par la mise en commun des ressources par exemple, comme dans les espaces de coworking. Et enfin, adhérer à des réseaux d’entreprises ayant les mêmes valeurs peut donner plus de poids aux problématiques et valeurs communes. Or on sait que 40 % des entreprises que nous avons sondées ne font pas partie d’un réseau. »
Quels leviers d’actions pour demain ont été identifiés ?
« Premier levier, il y a un vivier d’emplois et d’activités en matière de développement durable sur lesquels les entreprises peuvent se reposer. Les nouveaux métiers savent comment intégrer le développement durable dans les entreprises. Seules, les TPE et PME n’ont pas les compétences suffisantes pour le mettre en place. Les réseaux et nouveaux métiers peuvent les aider et leur apporter du savoir-faire en matière de durabilité.
Second levier, il est nécessaire de sensibiliser les chefs d’entreprise à l’impact positif généré pour leur structure s’ils intègrent le développement durable. Car le développement durable ne bénéficie pas qu’à la planète. Par exemple, ils peuvent avoir accès aux financements du plan de relance du gouvernement, puisque les démarches en faveur de l’environnement seront avantagées. Ensuite, leur démarche peut générer de la satisfaction clients. Ensuite, ils peuvent gagner de nouveaux marchés. Et ils fidéliseront leurs employés, réunis sous des valeurs humanistes et de respect de l’environnement. Ils peuvent aussi attirer les investisseurs.
Le troisième levier est l’action de recyclage des matières non communes. Par exemple, la start-up héraultaise ECOSEC (Montpellier) recycle les urines humaines pour les transformer en engrais. En Gironde, TOOPI ORGANICS fait de même. C’est une solution écologique, ancrée dans l’économie circulaire, moins chère et aussi efficace que les intrants minéraux pour l’agriculture. Si on réfléchit vraiment, on peut presque tout recycler. Nous devons tous être plus ouverts et imaginatifs. Il existe énormément de possibilités durables. Savez-vous que l’on peut même recycler des services ? Ainsi, l’entreprise KONENGA* – structure sortie de La Patte Blanche (The Island) – procède au recyclage de campagnes de communication : une même campagne de com’ peut être proposée à plusieurs structures. Par exemple sur le thème du coronavirus [ou encore sur les écogestes, le gaspillage alimentaire, les territoires Zéro Phyto, NDLR]. Les communications sont 10 fois moins chères qu’habituellement grâce au « recyclage » de supports existants, et grâce au partage et à la mutualisation de la création. Konenga propose des kits de communication RSE clés en main. Cette entreprise a d’ailleurs reçu un prix développement durable par la Région Occitanie.
Le quatrième point est l’analyse et l’amélioration du cycle de vie du service, comme on le fait déjà pour les objets.
Le cinquième levier est la valorisation des démarches innovantes au sein de l’entreprise. Ainsi, Sofi Groupe a développé un modèle d’économie circulaire. L’entreprise récupère et recycle les téléphones portables (et maintenant les tablettes) en France pour éviter l’empreinte carbone d’un recyclage effectué en Chine, par exemple. A l’origine, cette entreprise qui effectuait de la maintenance pour France Telecom devait fermer ses portes. Des cadres ont racheté l’entreprise et ont basé leur modèle économique sur le réemploi : tout est recyclé et réemployé sous la marque SMAAART**. Les 3 A signifient une faible consommation d’énergie et une notation excellente. »
Quel est le but de cette enquête menée pour la JCE et l’Ademe ?
« Cette enquête est destinée à servir de matière première pour inspirer à toutes et tous des actions concrètes. A commencer par la Jeune Chambre Economique. Neuf personnes sur dix gardent leur ancien téléphone portable dans un tiroir puis le font recycler trop tard, quand ses éléments sont devenus obsolètes. Avec Sofi Groupe, nous allons mener une campagne incitant les gens à donner leur ancien téléphone portable. Car il faut énormément de matières premières pour créer un téléphone portable, c’est très polluant. Dans les prochains mois, nous aurons des réunions de concertation avec des institutionnels, des membres et des partenaires de la Jeune Chambre Economique pour aborder divers sujets relatifs à cette étude. »
Propos recueillis par Virginie MOREAU
vmoreau.hje@gmail.com
* Royal Canin, Orange, le BIC de Montpellier, la collectivité territoriale de Guyane, notamment, font confiance à KONENGA.
** Les smartphones SMAAART sont reconditionnés dans l’usine en France selon un protocole très strict. Tous les téléphones sont fonctionnels, testés, désimlockés, vierges de toute donnée. L’autonomie des batteries est certifiée avec le niveau d’exigence constructeur. Les téléphones reconditionnés sont livrés dans un coffret avec écouteurs et chargeurs neufs. SMAAART permet d’acheter un smartphone de 30 % à 50 % moins cher qu’un téléphone neuf. Cet achat responsable contribue à préserver la planète en diminuant de 80 % l’impact environnemental par rapport à l’acquisition d’un smartphone neuf.