Entreprises — France

La CMA France a rationalisé son organisation, selon son président

Élu président de la CMA France après le décès de son prédécesseur Bernard Stalter, contaminé par le Covid, Joël Fourny a hérité d’un contexte complexe, avec la réforme à marche forcée des chambres consulaires. Interview…

Dirigeant depuis plus de trente ans d’une entreprise de modelage mécanique à Issé (44) et président de la Chambre de métiers des Pays de la Loire depuis cinq ans, Joël Fourny occupe, depuis juin 2020, des fonctions au niveau national.

Le dernier rapport de la Cour des comptes dresse un bilan assez dur du rôle des chambres consulaires, CCI et CMA1. Quelle réponse faites-vous ?

Joël Fourny : « J’y vois une opportunité de démontrer le contraire. Dans cette crise sanitaire, si l’État n’avait pas eu les réseaux consulaires comme relais de proximité auprès des entreprises, ce ne sont pas les services de la Direccte qui auraient pu l’assurer. Tout le monde s’est mobilisé sur le terrain pour être aux côtés des entreprises, en lien avec les collectivités.

On nous a demandé de nous réformer et on avait une forte pression, via la loi Pacte, de restructurer notre réseau et de fournir plus de services aux entreprises artisanales. On a réussi à honorer les engagements qui nous étaient demandés, notamment avec la mise en place de la régionalisation au 1er janvier 2021, qui nous a permis de rationaliser un certain nombre de choses, avec un investissement fort sur la formation des jeunes en apprentissage. Aujourd’hui, c’est une réalité : toutes les chambres de métiers sont organisées sous la structuration d’une chambre régionale tout en s’appuyant sur les compétences en proximité. Mais vous ne faites pas un changement d’organisation comme ça en un an, il faut du temps ! »

Qu’est-ce que cela change ?

Joël Fourny : « Là où les chambres départementales avaient une autonomie de gestion, pouvant prendre toutes les décisions politiques qu’elles souhaitaient sans regarder l’offre de services que le voisin pouvait mettre en place, on est désormais dans la logique de mailler le territoire national en apportant un service identique. Une entreprise qui se trouve au centre de la France doit pouvoir disposer des mêmes services que dans un département plus dense. Et dans cette structuration, la tête de réseau qu’est CMA France va avoir la capacité d’impulser une dynamique et un certain nombre d’objectifs à l’ensemble du réseau. Cela va permettre d’avoir une offre de services avec des actions phares plus visibles et lisibles sur l’ensemble du territoire.

En Pays de la Loire, on est passé en chambre régionale en 2015 et on peut dire qu’aujourd’hui on est en fonctionnement optimal. On a fait un certain nombre d’économies d’échelle qui nous ont permis de réinvestir en direction des entreprises, de mieux appréhender les investissements au niveau des CFA par exemple, avec la réhabilitation et la reconstruction d’établissements. Je suis un convaincu de la régionalisation parce que j’en vois les bienfaits ! »

« Plutôt que de penser à supprimer les réseaux consulaires, donnons-leur la capacité de se réorganiser, de redéployer une offre de services conséquente qui prenne en compte la spécificité de chacune des filières. »

Pourquoi êtes-vous si attaché au maintien de la TFC (taxe pour frais de chambre) ?

Joël Fourny : « On est très attachés au maintien de ce financement parce que c’est une taxe versée par les entreprises pour le fonctionnement des établissements consulaires. À partir du moment où les entreprises paient une taxe qui leur apporte derrière un service de qualité… Le problème, c’est que jusqu’ici, on n’était pas capables de l’évaluer. Mais début 2020, le Contrat d’objectif et de performance a été signé avec l’État. On doit être en capacité, à partir d’un certain nombre d’objectifs, de remonter chaque année des indicateurs qui vont permettre d’évaluer ce qui a été réalisé ou non et la pertinence de l’offre apportée. Ça va se concrétiser aussi par la signature de contrats d’objectifs et de moyens entre CMA France, les CMA régionales et les préfets de région sur le fait d’avoir une déclinaison régionale pour conforter ces engagements nationaux. Mais il faut que l’État nous donne le temps nécessaire pour avoir le retour de ces éléments. Il y a dans les établissements consulaires un vrai savoir-faire qui n’est aujourd’hui pas identifié par les enquêteurs de la Cour des comptes. »

N’y a-t-il pas un problème de compétences des collaborateurs pour faire face aux missions qui leur sont aujourd’hui données ?

Joël Fourny : « Ils ont les compétences, parce que des formations internes leur permettent de se mettre à niveau. Depuis un certain nombre d’années, le réseau a engagé une part de la masse salariale en direction de la formation continue. Il y a une vraie volonté du réseau, mais ce n’est pas en nous supprimant de la taxe qu’on va réussir à aller encore plus loin là-dessus.

Vous savez, on a 11 000 collaborateurs sur le territoire national. Ça voudrait dire qu’ils ne serviraient à rien sur le terrain ? Je peux vous dire qu’en tant que président de CMA France, si c’était le cas, je ne laisserais pas la situation dans cet état. On n’est pas là pour se faire plaisir ! Nous, élus, sommes aussi des artisans ; nous avons envie de défendre un certain nombre de mesures en faveur des entreprises ! Car être le dirigeant d’une entreprise artisanale demande plusieurs casquettes, et il manque de compétences sur un certain nombre de domaines. On est là pour apporter une offre de services qui lui facilite la tâche. Mais pour ça il nous faut des moyens. L’État voudrait que l’on propose plus d’offres payantes, mais certaines entreprises ne pourront pas accéder aux services parce qu’il faudra les payer… Ce qu’il faudrait, c’est une répartition plus égalitaire du paiement de la taxe. Aujourd’hui, un grand nombre de microentreprises en sont exonérées, alors que ce sont souvent celles qui ont le plus de besoin. Le problème n’est pas de se dire « je paie tant donc je dois avoir tant en retour », mais d’être plus juste en termes de participation au pot commun. Et puis il faut savoir qu’aujourd’hui, on nous verse 203 M€ au niveau national pour une collecte qui est de 240 M€. Au passage l’État prélève une part…

Par ailleurs, doit-on avoir toutes les compétences au sein de nos chambres consulaires ? Pas forcément. Ce qu’il faut, c’est permettre d’accompagner les entreprises dans la démarche. Par exemple sur le numérique, c’est notre rôle de les sensibiliser et notamment sur les risques à ne pas y aller à terme. Ensuite, il faut les amener à faire un tour à 360 degrés de l’entreprise pour voir comment, d’un point de vue approche numérique, on peut améliorer les choses. Ce n’est pas forcément aux chambres de le faire, mais c’est plutôt de mettre les entreprises artisanales en relation avec les opérateurs capables de leur répondre.

Et on peut aussi mutualiser des services au niveau des chambres consulaires. On est capables de travailler en étroite collaboration dans l’intérêt des entreprises ! Il faut voir comment, en proximité, on peut être complémentaires et non concurrents. Et plutôt que de penser à supprimer les réseaux consulaires, donnons-leur la capacité de se réorganiser, de redéployer une offre de services conséquente qui prenne en compte la spécificité de chacune des filières. En visant une cohérence territoriale qui passe par la coordination. Avec, aussi, les collectivités locales, bien sûr. »

Nelly LAMBERT
pour RésoHebdoEco
www.reso-hebdo-eco.co

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