La Panacée, immense cuisine pour les chefs et les artistes avec Cookbook.19

Voilà qui donne envie de sortir sa batterie de cuisine ! Nicolas Bourriaud a mis les bouchées doubles pour imaginer la nouvelle exposition de la Panacée, mêlant art et cuisine, en s’associant au critique gastronomique Andrea Petrini, sacré « god of food » par le magazine "Vogue". Ils ont donné carte blanche à 25 chefs cuisiniers et à 20 artistes trentenaires et quadragénaires français et internationaux. Et le public, guidé par les explications des médiatrices, se délecte…

« Le milieu culinaire a connu des évolutions depuis l’exposition sur le même thème que nous avions organisée en 2013 à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris », confient les deux curateurs – ça tombe bien, nous ne l’avions pas vue. Les expérimentations ne portent plus sur les mêmes champs d’application. Exit la cuisine moléculaire d’El Bulli, l’heure est à la réflexion sur l’environ­nement, au bio, au véganisme et au locavorisme, au sans-gluten. Le plaisir des sens n’est pas pour autant oublié.

L’exposition démontre avec bonheur que certains artistes et chefs cuisiniers font irruption dans leurs disciplines respectives. Et qu’ils ont plaisir à le faire. A tel point qu’il est bien difficile de savoir qui, d’un chef ou d’un artiste, a créé telle ou telle œuvre. Car leurs créations se côtoient au sein des espaces d’exposition. Seule la couleur des cartels – le blanc pour les artistes, le crème pour les chefs – et les indications données permettent d’en avoir le cœur net. Et après tout, qu’importe ? Le public découvre d’abord globalement puis une à une les propositions des uns et des autres. Les artistes comme les chefs cuisiniers travaillent directement la matière comestible ou le concept de nourriture, des questionnements liés à nos façons de nous nourrir, la fermentation… Peinture, photographie, sculpture et performance font partie de leurs registres d’expression.

Parcours

Dès l’entrée, le ton est donné avec Ceremony of the Void, performance filmée par Zoe Williams d’un banquet érotique. Des femmes à demi-nues jouent avec des pâtisseries, s’en badigeonnant mutuellement le corps…

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© Virginie Moreau.

Dans la salle suivante (photo ci-dessus), le chef brésilien Alberto Landgraf a disposé au sol 5 modules destinés à être foulés pieds nus et à procurer les mêmes sensations successives que celles d’un de ses plats au palais. Tandis que le photographe Nicolas Daubanes montre par l’image, avec Cosa mangiare, les procédés par lesquels les détenus créent de nouvelles recettes dans leurs cellules à partir de nourriture récupérée et du matériel dont ils disposent. Ainsi, un radiateur sert de grille-pain, et des FigoluTM deviennent des makrouts. Fasciné dès son enfance par la préparation de cire au caramel pour l’épilation de sa mère et par ce rituel féminin, le chef turc Maksut Aşkar a créé un mur de photos et vidéo consacré à cette technique, qui est sa madeleine de Proust. Et le chef Iñaki Aizpitarte a fait tailler un « papillon de charcuterie » dans le marbre.

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© Virginie Moreau.

A peine entré dans la salle suivante (photo ci-dessus), le public est invité à humer les sérigraphies du chef Esben Holmboe Bang créées avec des peintures réalisées à partir de fruits et légumes, avec odeurs encapsulées. L’artiste Nicolas Boulard, fils de viticulteur, a créé deux Cuves mélancoliques (Tony Smith et Giacometti), références à la gravure Melancolia de Dürer. Et René Redzipi, chef du Noma, expose les empreintes de chaque membre de sa “brigade” dans des boîtes de Petri pour signifier le caractère collectif du travail en cuisine.

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© Virginie Moreau.

Tandis que pour Pasta Utopia (photo ci-dessus), Mathieu Mercier a proposé à des artistes de créer des variations autour des pâtes.

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© Virginie Moreau.

Dans la dernière salle (photo ci-dessus), la cheffe japonaise Chiho Kanzaki a opté pour la teinture de pelotes par des déchets alimentaires (épluchures de légumes) et même la création pure et simple de pelotes à partir d’aliments. Son installation Upcycling Temari (2019) est constituée d’un meuble des années 50 sur lequel sont posées les pelotes. Une vidéo explicative est incluse dans le meuble. Et la cheffe Colombe Saint Pierre et son équipe ont habillé un mannequin d’une robe en feuilles de thé, créé des bottes en pelures d’oignons…

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© Virginie Moreau.

Lors du vernissage, l’artiste Davide Balule proposait pour sa part des glaces aux goûts de poussière, de peinture, de bois brûlé… De nombreuses autres performances ont été réalisées.

Pour la petite histoire, il était même prévu que Fanny Maugey, formée à la fois à la pâtisserie-chocolaterie et aux Beaux-Arts, réalise un parquet en chocolat, mais le chauffage au sol a rendu ce projet impossible. A la place, un jour d’avril, elle installera dans les espaces d’exposition des œuvres en chocolat, que le public sera libre de consommer.

Il serait long de tout mentionner. Alors évoquons une des grandes expériences de l’exposition. Le jeune chef Jordan Kahn, du restaurant californien Vespertine, connu pour travailler sur les 5 sens, a mobilisé une salle entière pour recréer les sensations perçues lorsque l’on s’allonge ou que l’on chemine dans une « Red Wood Forest ». Morceaux de bois fortement parfumé et tapis de yoga au sol, vidéo au plafond, environnement sonore enveloppant… la sensation d’être en pleine nature est réelle, et la décontraction intense.

Virginie MOREAU
vm.culture@gmail.com


Informations pratiques

La Panacée
14, rue de l’École de Pharmacie
34000 Montpellier
Tel. : 04 34 88 79 79.
L’exposition est visible jusqu’au 12 mai 2019, du mercredi au samedi, de 12h à 20h, et le dimanche de 10h à 18h.
Entrée libre et gratuite.

La Panacée est accessible aux personnes handicapées.

> Tous les vendredis, à l’heure du déjeuner, un médiateur propose une visite rapide de 30 minutes sur l’exposition en cours ou sur une sélection d’œuvres. Elle est gratuite, sans réservation. Rendez-vous à l’accueil de la Panacée.

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