Le confinement peut-il libérer les locataires commerciaux de leur obligation de payer les loyers ?
Le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision surprenante le 20 janvier 2021. En effet, il a été jugé que la mesure administrative dite de confinement, ayant pour effet la fermeture totale au public des magasins, aurait pour effet de libérer les locataires de leur obligation de paiement des loyers. Renversement de la jurisprudence ou décision isolée ?
Le tribunal s’est fondé sur les dispositions de l’article 1722 du Code civil qui disposent que : « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement. »
Il a jugé que le locataire était dans l’impossibilité d’exploiter les lieux loués. Cette situation est assimilée à la perte de la chose louée, et en conséquence exonère le preneur du paiement du loyer pour la période considérée, selon le tribunal judiciaire de Paris.
Cette position est certainement contestable, et sans doute la décision sera frappée d’appel.
En effet, il s’agirait d’une atteinte au droit fondamental de propriété et d’un dévoiement de la responsabilité contractuelle. Comment le bailleur – qui est de bonne foi et n’a commis aucune violation de ses obligations contractuelles – peut-il être sanctionné par la perte des loyers commerciaux ?
L’Etat est seul responsable de sa décision de fermeture, et c’est d’ailleurs sur la base de cette responsabilité qu’il a alloué des aides substantielles aux commerçants !
Mais, sur la base de cette décision, pourquoi les preneurs n’engageraient-ils pas un contentieux pour obtenir à leur profit une annulation de leur dette locative ?
Voilà la question posée !
Me Jean-François REYNAUD,
avocat à la Cour,
docteur en droit