Le journal intime d'Elisa Fantozzi à la Galerie Clémence Boisanté (Montpellier)

La galeriste Clémence Boisanté estime que l’univers d’Elisa Fantozzi est « situé à mi-chemin entre réel et irréel ». Selon elle, il est « candide plus qu’enfantin ». Elle l’envisage comme une « critique objectivée de la réalité ». Elle en donne à voir un bel aperçu, comme une mini-rétrospective, au sous-sol de sa galerie, à l’occasion de son exposition printanière It might as well be spring, qui met les œuvres de l’artiste sétoise en regard des tableaux flirtant eux aussi entre réel et irréel de la Narbonnaise Eva Guionnet. Alors qu’au rez-de-chaussée, les monochromes vibrants du Nîmois Stéphane Bordarier imposent leur belle présence.

Elisa Fantozzi a toujours créé des installations. D’abord enfant, avec ses poupées et des objets qu’elle détournait, et qu’elle présentait de façon solennelle à sa famille et aux amis de ses parents. Elle ne pensait pas en faire son métier, mais la création lui est revenue comme un boomerang, lors d’une maladie qui l’a contrainte à rester chez elle durant de longs mois. « Créer a alors été une nécessité dans cette période de retour sur moi. J’ai alors peint des vierges. Depuis, créer est la condition sine qua non pour que je me sente bien dans ce monde ».

« Au cours du processus créatif, mes pensées circulent, les choses me traversent mais ne me polluent pas. Il y a un échange qui se passe entre moi et le monde, entre l’intime et l’extérieur », analyse Elisa Fantozzi.

Séries

L’artiste procède par pièces uniques ou petites éditions figurant au cœur de séries plus ou moins grandes. Il y a d’abord eu les vierges peintes, qui ont remporté un énorme succès à l’époque. Elles ont cédé le pas aux statues religieuses ou païennes peintes – chiens en plâtre, Marilyn en résine, couple en plâtre (exposé à la galerie)… Autant de représentations sculpturales statufiées de personnes ou personnages qui lui ont posé question.

petit couple

« J’ai ensuite souhaité apprendre la technique du moulage, et j’ai alors créé des autoportraits en résine à taille réelle, les Lili, que j’ai notamment exposés au Domaine d’Ô ». « J’y voyais de la légèreté, loin de la statuaire religieuse que j’avais abordée précédemment. Elles étaient au repos, gaies, en apesanteur, flottantes, ou faisaient le cochon pendu », se souvient l’artiste. Dans ces Lili, la notion de poids n’existait plus. Elisa Fantozzi en restaure une actuellement, qui sera exposée au château d’Aubais, dans le Gard, à partir du 26 mai, dans le cadre de l’exposition de groupe Sans gaz ni trompettes.

Puis, une commande du Frac Languedoc-Roussillon a suivi, à l’occasion de l’exposition collective La Dégelée Rabelais. Le coquillage géant (2,50 m x 2 m) qu’Elisa Fantozzi avait appelé Renaissance, évoquait la notion d’accouchement par l’oreille présente dans les écrits de Rabelais, mais aussi le gigantisme, la mer et la sexualité…

Il y a ensuite eu les œufs. Il s’agissait d’une démarche globale mêlant objets et performances. Pour Eggoal ou la machine à faire des œufs, des œufs étaient réalisés à l’imprimante 3D, accompagnés de performances durant lesquelles Elisa Fantozzi marchait sur ces œufs, notamment. « A l’époque, je revenais d’un séjour à Brooklyn, où j’avais vu des camions déverser des tonnes de poulets invendus près des usines. J’ai voulu évoquer la notion de cycle de vie, l’œuf et la poule, l’agroalimentaire, l’élevage des poules en batterie, les mythes nés de la forme ovoïde, la nourriture, mais aussi la forme sculpturale souvent reprise par les artistes », analyse-t-elle.

roller

Presqu’en parallèle sont arrivés les ballons au sein de sa création. « J’ai créé mon premier ballon – rose –pour le mettre entre les mains de la sculpture représentant la petite fille qui a vu l’apparition de Notre Dame de la Salette », se souvient l’artiste. Ce ballon lui cache ou lui caresse le visage et semble accompagner sa prière. Comme les œufs, les ballons sont des bulles, des cellules, des particules. Ce sont des mondes en eux-mêmes. Ils évoquent la légèreté. « Bizarrement, ces ballons étaient dans l’air du temps. Au même moment, Disney sortait un film sur une maison qui s’envolait, Dior diffusait une publicité avec des ballons. Cela répondait sans doute à un besoin général de légèreté et de couleur » se souvient Elisa Fantozzi,…

Les ballons ont été prolongés par des arcs-en-ciel. « C’est la lumière qui révèle les objets. L’arc-en-ciel me permet d’évoquer le lien entre l’immatériel et le réel, entre la pensée et le tangible », indique-t-elle.

Dans un tout autre registre, à l’occasion d’une exposition dédiée aux personnes malvoyantes, Elisa Fantozzi a présenté un cerveau en pâte à modeler intitulé Matière grise à modeler. Depuis, cette thématique est devenue récurrente dans son travail, et elle a créé diverses variantes, notamment un cerveau en résine à roulettes, surmonté d’un palmier, appelé Cultive ton cocotier ; un cerveau-pouf en mousse avec des danseurs – Plasticity – qui a donné lieu à diverses performances… Elle travaille actuellement sur une œuvre représentant une main tenant un cerveau.

La main, justement, est devenue centrale chez Elisa Fantozzi au fil des années. La main est créatrice. A la Galerie Clémence-Boisanté, des mains semblent former un écrin protecteur ou monstrateur pour des ailes d’oiseau magnifiquement déployées.

mains

Et n’oublions pas ses lunettes, qui font l’objet de séries de façon continuelle depuis des années. Dans Hop, Hop, Hope, visible à la galerie, des fanions festifs et guirlandes accrochés à des lunettes parlent des jours heureux. Des verres ont déjà été peints aux couleurs de l’arc-en-ciel (Des Goûts et des couleurs). Mais on se souvient aussi avoir vu des lunettes couvertes de larmes (Fonte des neiges éternelles).

Après le toboggan parsemé de sable de la période des Lili et le sablier créé il y a quelque temps, on observe actuellement un retour de l’artiste à l’utilisation ou à l’évocation du sable dans ses œuvres.

conques

Depuis deux ans, Elisa Fantozzi pratique le collage sur héliogravures. On peut en voir de beaux exemples à la galerie Boisanté. L’artiste a récupéré une centaine de planches anciennes alors distribuées par l’Education nationale afin d’éduquer les élèves, montrant 100 chefs-d’œuvre de l’art français en termes d’architecture (cathédrales, châteaux, bas-reliefs…), de peinture et de sculpture… « Par le collage ton sur ton, j’ai intégré du vivant en équilibre dans des espaces architecturaux désincarnés. On ne découvre la supercherie que sur le tard, en regardant l’image de près. » Flirtant entre réalité et irréel, le regardeur est ainsi propulsé dans un univers à part, plein d’humour.

versailles

L’enfance, la vie, la mort… et le réel

« Mes créations ont un lien avec l’enfance dans le sens où je garde, dans la création, un côté instinctif propre à l’enfance. Mes créations sont imprégnées du cycle de la vie. Les objets raccrochent à la vie. Leur mémoire traverse le temps. Ils sont des témoins. Ils témoignent du vivant, du mort, de l’animé et de l’inanimé. Mes œuvres ont toutes un rapport au réel. Elles disent que chacun a sa propre réalité. Nous sommes tous uni-vers, mais en parallèle. » 

Une œuvre générationnelle

« Tout mon travail est très générationnel. Je puise dans mon histoire. C’est très narratif. J’y parle de moi. La couleur d’un pull, le tissu fleuri d’une robe d’un de mes personnages… ce sont des bribes de mon journal intime… », affirme Elisa Fantozzi.

vierge

Informations pratiques

Galerie Clémence-Boisanté
10, boulevard Ledru-Rollin
34000 Montpellier

Tel. : 04 99 61 75 67.

> Exposition visible jusqu’au 2 juin le mardi après-midi de 14h30 à 19h et du mercredi au samedi de 11h à 12h30 et de 14h30 à 19h.

 

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