Livres

Le Montpelliérain Guy Delisle illustre le quotidien d'un otage

Le 21 janvier 2017, à la Fnac du Polygone Montpellier, l'auteur et dessinateur Montpelliérain Guy Delisle a dédicacé son roman graphique "S’enfuir - récit d'un otage", paru chez Dargaud fin 2016. La rédaction a saisi cette occasion pour évoquer cet ouvrage marquant.

senfuir 2

Lenteur interminable

Dans cet album, Guy Delisle raconte une histoire vraie : la longue captivité de Christophe André, enlevé une nuit de juillet 1997 alors qu’il travaillait pour une ONG dans le Caucase, et qui resta enfermé pendant cent onze jours, en espérant être enfin libéré. Un roman graphique poignant qui restitue en 428 pages la lenteur interminable des journées d’attente, les faux espoirs et les vraies craintes, et enfin le dénouement qui mena Christophe André à la liberté.

Son seul tort fut de travailler pour une ONG médicale en tant que responsable des finances et de l’administration, en Ingouchie, petite république de Russie, près de la Tchétchénie, dans le Caucase. Et d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Immédiatement conduit en Tchéchénie, il était une monnaie d’échange parfaite pour obtenir une grosse somme. Un million de dollars, telle a été la valeur à laquelle il a été estimé.

L’une après l’autre, les vignettes rendent compte de l’espoir – vite déçu – de Christophe André que l’enlèvement ne dure pas plus que 24 heures ; de ses velléités de fuite devenues impossibles lorsqu’il est finalement menotté à un radiateur ; de sa volonté de garder une conscience claire du passage du temps ; de sa peur malgré la volonté de garder son calme ; de l’isolement et de la solitude extrêmes ; de la faim apaisée seulement par du bouillon et du thé ; de son besoin de se raccrocher à des références, comme lorsqu’il surnomme son geôlier Thénardier, en référence aux Misérables de Victor Hugo ; de sa crainte d’être oublié ; de son angoisse de devenir fou, surpassée par l’évocation régulière des batailles napoléoniennes pour mieux rester ancré dans l’histoire et le réel.

Incertitude

“Etre otage, c’est pire qu’être en prison. Au moins, en prison, tu sais pourquoi tu es enfermé. Il y a une raison, qu’elle soit fausse ou vraie, mais au moins il y a une raison. Alors qu’otage, c’est juste de la malchance. Au mauvais endroit au mauvais moment. En prison, tu connais le jour où tu vas sortir, la date précise… De là tu peux compter combien il t’en reste à tirer. Alors qu’ici, je peux juste compter les jours qui sont passés sans savoir quand ça va s’arrêter”, explique Christophe André.

L’improbable évasion

Dans cet ouvrage, Guy Delisle rend compte de la ressemblance des jours les uns avec les autres, et de quelques faits considérés comme des événements, comme les rares douches ou vrais repas, ou de grands événements, comme le jour où l’otage fut photographié pour donner une preuve de vie, celui où son geôlier oublia de lui mettre ses menottes et de le rattacher au radiateur, et où il put marcher un peu et se tourner dans son lit, celui où on lui demanda d’enregistrer un message concernant la rançon sur un magnétophone, celui où il put parler au téléphone avec un collègue de son ONG, ou encore les diverses tentatives d’échange. Guy Delisle illustre les rêves éveillés de Christophe André pour mieux tenir le coup : il imagine notamment avec délice le plat qui lui sera servi après sa libération, ou encore son retour à Paris. Il pense à sa famille, à sa sœur qui doit prochainement se marier… Depuis sa cellule à la fenêtre obstruée par des planches, il ressent le passage des saisons : la chaleur difficile à supporter du mois d’août, la fraîcheur de l’automne.  Il croit parfois reconnaître des signes de sa prochaine libération, puis viennent les désillusions. Et enfin, le jour de son improbable évasion…

Guy Delisle livre avec S’Enfuir – récit d’un otage un bouleversant roman graphique, retraçant une “expérience” que l’on ne souhaiterait pas à son pire ennemi. Au fil des vignettes, le lecteur s’identifie à l’otage, vibrant avec lui d’espoir ou de déception, harassé de chaleur ou grelottant de froid. Une confrontation avec le courage et la force de caractère d’un homme placé dans des conditions extrêmes.

 

Virginie MOREAU

vm.culture@gmail.com 

Guy Delisle.  Né en 1966 à Québec (Canada), Guy Delisle se passionne dès son plus jeune âge pour la bande dessinée franco-belge : Astérix, Tintin et, surtout, Lucky Luke. Il décide donc de devenir auteur de bandes dessinées. Mais, au Québec, le marché de la bande dessinée est presque inexistant, et aucune école ne forme les dessinateurs aux subtilités de l’art séquentiel. Il fait donc un détour par le cinéma d’animation, dont il apprend les bases au Sheridan College, avant d’embarquer pour l’Europe en 1988. C’est le début d’une carrière d’animateur d’une dizaine d’années avec la jeune équipe de Folimage. En 1994, il réalise son propre court-métrage, Trois petits chats. Par la suite, il participe à la production de séries télé, comme Papyrus et Les Aventures d’une mouche, d’après la BD de Lewis Trondheim. Avec Shenzen et autres récits de voyage, il revient à son envie première, la bande dessinée. Il obtient, en 2012, le Fauve d’or (prix du meilleur album) à Angoulême, avec Chroniques de Jérusalem.

Christophe André, après six mois de repos, est reparti travailler avec la même ONG pendant plus de vingt ans, en Asie et en Afrique. Il vit aujourd’hui en Normandie, avec sa femme et leurs trois enfants.

S’enfuir par Guy Delisle / Ed Dargaud / 432 pages – 27,50 euros.

Lieu de la signature : Fnac Montpellier – Centre commercial Le Polygone – 1, rue des Pertuisanes – Montpellier

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.