Le Palais idéal du facteur Cheval, monument préféré des Français ?
La petite commune d’Hauterives, dans le nord de la Drôme, abrite en son sein le Palais idéal du facteur Cheval. Art naïf ou art brut caractérisent cette œuvre qui interpelle tant la sphère artistique et culturelle que le grand public depuis sa construction, achevée en 1912, jusqu’à ce jour. En lice aux côtés de 13 autres monuments, peut-être connaîtra-t-il son apogée cette année en étant désigné « monument préféré des Français »*. Réponse dans les prochaines semaines.
Lorsque le facteur Joseph-Ferdinand Cheval (1836-1924) débuta la construction de son Palais idéal à l’âge de 43 ans, il ne se doutait certainement pas qu’il l’achèverait trente-trois ans plus tard. Né de parents cultivateurs dans une bourgade voisine de Hauterives, dans la Drôme, il commence par exercer le métier de boulanger avant de s’orienter vers la fonction publique en devenant facteur en 1867.
D’une pierre d’achoppement tu feras un Palais
En avril 1879, lors de l’une de ses tournées quotidiennes de près de 40 kilomètres à pied, Joseph-Ferdinand Cheval manque tomber en trébuchant sur une pierre qu’il trouve atypique. Sensible aux volutes de ce bloc de calcaire façonné par l’eau, Joseph-Ferdinand l’emporte chez lui en se disant : « si la nature veut faire la sculpture, je ferai la maçonnerie et l’architecture ». Cette date marquera à la fois la naissance de sa fille Alice et la première réalisation du facteur Cheval, La Fontaine de Vie, terminée en 1881.
En réalité, cela fait déjà dix ans que le facteur nourrit ce rêve, bercé par son imagination, pendant ses longues heures de marche, inspiré par les images qu’il découvre dans les pages de la publication belge Magasin Pittoresque dont il est un lecteur assidu. Temples hindous, pyramides égyptiennes, architecture maghrébine, chalets de montagne, mais aussi bestiaire, mythologie, récits bibliques, sont autant de sources qui alimentent l’imaginaire de cet homme marqué par le destin.
Veuf par deux fois, il perdra également son fils aîné avant que celui-ci n’atteigne l’âge de 1 an, puis sa fille Alice, la benjamine de la fratrie, à l’âge de 15 ans. Seul son fils Cyril, né de son premier mariage, survécut en conservant une proximité avec son père.
Mélange de genres, mélange de gens
Le coup de projecteur dont a bénéficié le Palais idéal à l’occasion de la sortie du film L’incroyable histoire du facteur Cheval de Nils Tavernier (plus de 750 000 entrées), sur grand écran, en janvier 2019, lui a donné une dimension et une notoriété accrues auprès d’un vaste public.
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Mais dès sa conception à la fin du XIXe siècle, nombre d’artistes et d’écrivains se sont succédé pour venir découvrir l’extravagance de cette construction inédite. Max Ernst, Pablo Picasso, les surréalistes Paul Eluard et André Breton – qui a d’ailleurs qualifié le monument de « sculpture médianimique » –, Nikki de Saint Phalle, Errò, Pablo Nerruda, Marguerite Duras, Jean Dutourd… furent autant de visiteurs prestigieux à reconnaître le talent du facteur bâtisseur autodidacte.
Les personnalités artistiques contemporaines perpétuent cet intérêt pour le Palais qui, en saison estivale, accueille des artistes en résidence. Année d’exception pour cause de crise Covid, le Palais restera silencieux jusqu’à la levée des mesures sanitaires.
Le Palais des curiosités
L’ensemble mesure 26 mètres de long sur 12 mètres de large et douze mètres de haut. Il comporte 4 faces (nord, sud, est, ouest), une galerie intérieure et une terrasse flanquée de deux tours-belvédères. A la Fontaine de Vie répond la Source de Sagesse sous l’œil avisé d’un Socrate revisité par Joseph-Ferdinand. La Source indique l’escalier menant à la terrasse. Trois géants de galets d’une dizaine de mètres de haut viennent garder un Temple hindou « made in Hauterives ».
Comme des bijoux fantaisie, les coquilles d’huîtres et autres fruits de mer collectées auprès d’un poissonnier local ou « importées » des littoraux français incarnent le perfectionnisme de ce facteur aussi obstiné qu’excentrique. L’édifice regorge de détails, sculptures, scènes et habitats entièrement façonnés à base de chaux, de ciment et de molasse (pierre locale).
Ayant initialement prévu de se faire inhumer dans son Palais, le facteur Cheval dut se résoudre, contraint par les autorités, à rejoindre le caveau familial au cimetière du village. Il débute alors, en 1914 à l’âge de 78 ans, la construction de sa dernière demeure qu’il baptise Tombeau du silence et du repos, visible dès l’entrée du cimetière. Ce chantier s’achève en 1922, soit deux ans avant que le facteur ne décède. « 10 000 journées, 93 000 heures, 33 ans d’épreuves, que plus opiniâtre que moi se mette à l’œuvre », conclura le facteur, arrivé au crépuscule de sa vie.
Corinne LEGROS pour RésoHebdoEco
* Le Monument préféré des Français, émission sur France 3 animée par Stéphane Bern. Le résultat des votes sera dévoilé courant août 2020, à l’occasion d’une émission spéciale.
Informations pratiques
Palais idéal du facteur Cheval – 8, rue du Palais – 26390 Hauterives – 04 75 68 81 19.
> Accueil tous les jours, dimanches et jours fériés inclus.
> Tarifs : 5 € pour les enfants, 6 € pour le tarif réduit et le tarif de groupe, et 8 € pour les adultes.
> Réservation en ligne recommandée via le site web uniquement : www.facteurcheval.com
> Port du masque obligatoire. Animaux interdits.