Le point sur la protection du secret des affaires

La protection par le secret peut être très utile aux entreprises n’ayant pas songé à protéger par des titres de propriété industrielle certaines innovations ou d’autres qui n’y seraient pas éligibles.

Dans le cadre d’une procédure accélérée, une proposition de loi visant au renforcement du secret des affaires et à sa protection judiciaire avait été soumise à l’Assemblée nationale.

Ce texte modifie la législation nationale afin de transposer, en droit français, la directive européenne (UE 2016/943) du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de 120 députés et sénateurs de gauche qui contestaient certaines dispositions de l’article 1er de la loi relative à la protection du secret des affaires, qui introduit de nouvelles dispositions dans le Code de commerce. Dans une décision du 26 juillet 2018, les sages ont validé le texte dans toutes ses dispositions.

Définition du secret

Le secret fait l’objet d‘une définition qui est soumise à trois conditions cumulatives, relatives à la connaissance de l’information, à sa valeur et à sa protection.

Ainsi, se trouve protégée, au titre du secret des affaires, toute information « qui n’est pas connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité » et qui « revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ».

L’information ne sera protégée que si le secret « fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte-tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ».

En conséquence, il importe de continuer les démarches de protection, notamment au travers des accords de confidentialité avec tout intervenant de la chaîne contractuelle, des contrats de travail adéquats, une politique de gestion des accès et habilitation sérieuse, des moyens de sécurité physique et logique suffisants, etc.

Comportements interdits

L’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte d’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ou, plus généralement, de tout comportement déloyal et contraire aux usages commerciaux.

A cet égard, il importe de préciser, dans les accords de confidentialité, qui peut accéder à quelle information. Les contentieux en matière de violation des obligations de confidentialité sont très délicats à mener compte-tenu de la difficulté à apporter la preuve de la faute commise.

A ce titre, la loi prévoit que peut en être responsable non pas seulement la personne tenue par le secret, mais celle qui aurait mis le produit sur le marché. Ainsi, la production, l’offre ou la mise sur le marché, de même que l’importation, l’exportation ou le stockage, à ces fins, de tout produit résultant de manière significative d’une atteinte au secret des affaires sont également considérés comme une utilisation illicite lorsque la personne qui exerce ces activités savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret était utilisé de façon illicite.

Peut être traduite en justice la personne qui savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite.

L’action en justice

Toute atteinte au secret des affaires engage la responsabilité civile de son auteur. Ces actions sont prescrites par cinq ans à compter des faits qui en sont la cause.

Le juge peut être saisi de façon préventive pour faire cesser le trouble, y compris sous astreinte. Par exemple, il peut ordonner la destruction totale ou partielle de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires concerné. A l’instar du juge américain, il peut également rappeler les produits et les écarter définitivement des circuits commerciaux.

Si la procédure sur requête est envisagée par la loi pour toute mesure provisoire, il semble judicieux de privilégier, pour ces contentieux, le débat contradictoire.

Blandine POIDEVIN,
avocat, spécialiste des technologies de l’information et de la communication


La réparation d’une atteinte au secret des affaires

La réparation du préjudice se base sur les méthodes de calcul de l’action en contrefaçon en matière de propriété intellectuelle. Pour fixer les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice effectivement subi, la juridiction prend en considération distinctement :

– les conséquences économiques négatives de l’atteinte au secret des affaires, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance ;

– le préjudice moral causé à la partie lésée ;

– ainsi que les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte.

La juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui tient notamment compte des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le secret des affaires en question. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Le juge peut également ordonner la publication de la décision dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise.

Cependant, une telle mesure ne doit pas devenir la norme : il ne faut pas oublier qu’à l’origine, c’est un secret que l’on cherche à protéger.

Craignant des manœuvres dilatoires, des dommages et intérêts peuvent être prononcés à hauteur de 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence d’une telle demande, le montant de l’amende civile ne peut excéder 60 000 euros. Ainsi, on se rapproche à nouveau du droit américain et de son système de dommages punitifs.

Des dispositions spécifiques encadrent la demande en justice de communication d’informations qui pourraient être protégées par le secret des affaires.

Ce dispositif peut être efficace dans la défense de certaines informations, si l’action en justice intervient très rapidement et sous réserve de remplir les conditions de la protection, notamment celles liées aux mesures raisonnables de protection à démontrer. (BP)


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