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Le TGI de Montpellier se prépare à devenir Tribunal judiciaire

L’impact du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sur le ressort du tribunal de grande instance de Montpellier a été largement abordé lors de l’audience solennelle de rentrée de la juridiction. Son président, Eric Maréchal, s’est employé à rassurer les personnels de justice qui appréhendent le regroupement au 1er janvier 2020 du TGI et du tribunal d’instance de Montpellier. Parmi les autres thèmes traités par les deux chefs de la juridiction figurent notamment l’insuffisance persistante des effectifs, le bilan des activités et l’accessibilité au droit.

Toujours en discussion au Parlement, le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice suscite de nombreuses oppositions et une forte hostilité au sein même des institutions judiciaires et de la part des barreaux (voir HJE n°3238, 17 janvier 2019), qui se sont traduites par de nombreux jours de grève en 2018. « En plus des réticences aux évolutions parfois importantes prévues dans le volet civil et le volet pénal, la partie de la réforme qui touche à l’organisation interne des juridictions fait naître de fortes craintes », constate le président du TGI de Montpellier, Eric Maréchal. D’après ce que prévoient actuellement les textes, pour la région de Montpellier, il y aurait regroupement de l’actuel TGI – qui a déjà intégré le pôle social de l’Hérault en début d’année (lire l’HJE n° 3237 du 10 janvier 2019) – et du TI de Montpellier. Naîtrait ainsi le Tribunal judiciaire de Montpellier, implanté dans les 2 sites actuels de la place Pierre-Flotte et de la Cité Méditerranée.

Un objectif de simplification

Eric Maréchal souligne l’intérêt de l’opération en termes de simplification et de lisibilité : « Le Tribunal judiciaire, deviendrait, de ce côté du Peyrou, le pendant pour les juridictions judiciaires du Tribunal administratif, juridiction unique de première instance de l’ordre administratif. Du fait du regroupement, il serait le point d’entrée pour toutes les procédures civiles. Le justiciable ou son conseil n’aurait plus à s’interroger sur les subtilités de répartition des compétences entre juridictions, alors qu’en plus sont prévues une harmonisation et une simplification des modes de saisine. »

Le TI de Sète deviendrait, quant à lui, le tribunal de proximité de Sète, et conserverait les compétences qui sont actuellement les siennes.

Le projet prévoit également que le juge d’instance devienne au 1er janvier 2020 le Juge des contentieux de la protection (JCP), sa fonction statutaire étant préservée. Ce futur JCP conserverait l‘ensemble des attributions du juge d’instance comme le crédit à la consommation, le surendettement, les contentieux locatifs et de l’expulsion, la protection des majeurs et l’ensemble des fonctions civiles.


Au sommaire de cet article :

• Ne pas briser la justice de proximité
• Mettre en place une méthodologie commune
• L’augmentation des moyens de la justice
• Les effectifs restent insuffisants
• Activités en diminution au civil
• Taux de réponse pénale à 84%
• Renforcer l’accès au droit
• Un schéma directeur pluriannuel d’actions
• Les nouveaux magistrats.


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Ne pas briser la justice de proximité

La réforme entraînerait la fusion des greffes du TGI et du TI, voire aussi celui du conseil de prud’hommes (CPH). Les agents de ces juridictions et des professionnels redoutent d’être absorbés dans l’importante activité civile ou même pénale de l’actuel TGI. Eric Maréchal tient à rassurer les personnels de ces juridictions : « Ils gèrent, avec une compétence technique et un niveau d’engagement reconnus, des contentieux très spécialisés. Il n’est pas envisageable, en cassant les spécialisations existantes, de dégrader le niveau de réponse que nous devons aux justiciables. La justice spécifique du travail, tout autant que la justice du quotidien des TI, ont besoin de proximité. Nous ne la briserons pas ».

Mettre en place « une méthodologie commune »

Le président du TGI de Montpellier indique la voie qu’il compte suivre : « Comptables du bon fonctionnement des juridictions du ressort, nous anticiperons, une fois les textes votés, la réflexion interne pour peser et anticiper les impacts des textes en termes d’organisation des juridictions, tout en étant attentifs au maintien des lieux d’affectation des agents. Nous définirons très rapidement, dans le dialogue, une méthodologie commune au niveau de l’arrondissement, comme cela a été fait pour anticiper et réussir la profonde transformation du paysage judiciaire de la justice de la sécurité sociale ». 

L’augmentation des moyens de la justice

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit aussi d’accroître les crédits de paiement à la justice. Le procureur de la République, Christophe Barret, précise que le budget de la justice, déjà en progression de 4,5 % en 2019, devrait s’accroître de 23 % en cinq ans, soit une enveloppe supplémentaire de 1,6 milliard d’euros. Afin de faire entrer la justice dans une ère de modernisation, un ambitieux programme de transformation numérique prévoit 530 millions d’euros d’investissement. Ces moyens financiers accrus s’accompagnent de la promesse de création d’emplois nouveaux.

Christophe Barret indique que les effectifs ont déjà bénéficié de l’arrivée de personnel supplémentaire au cours des dernières années : « Nous avons été renforcés d’un assistant spécialisé pour la lutte contre la radicalisation, d’un chef de cabinet, de 2 greffiers assistants du magistrat, d’un traducteur. Nous avons recruté un juriste-assistant en juin, et nous sommes autorisés à en recruter un second. Nous avons pu pourvoir les postes des 5 assistants de justice… ».

Mais les effectifs restent insuffisants

L’augmentation des dotations du ministère de la Justice ne suffit cependant pas à combler les retards accumulés au fil des années. « Nous partons de si loin que les rattrapages parviennent difficilement à concrétiser des progrès effectifs », avance le procureur de la République. Il évoque les statistiques du Conseil de l’Europe selon lesquelles les autorités publiques consacrent 66 € par citoyen et par an en France à la justice, contre 122 € par citoyen et par an en Allemagne. Selon les statistiques établies pour le grand débat lancé par le Président de la République, sur 1.000 € de dépenses publiques, 4 € seulement sont affectés à la justice.

Se référant au rapport sur l’attractivité des fonctions de magistrat du ministère public selon lequel les deux tiers de ces magistrats ont quitté le parquet pour le siège après quinze ans d’exercice, Christophe Barret met en avant les solutions préconisées par l’inspection générale pour remédier à cette situation, notamment la révision des critères de localisation des emplois. « Pour Montpellier, le nombre fixé actuellement est de 15 magistrats du parquet, explique-t-il. Si l’on appliquait les ratios constatés dans les juridictions comparables, nous devrions être au moins 22. Et si on retient les critères du groupe de travail à qui la Chancellerie a demandé d’évaluer la charge de travail des parquets, nous devrions être plus de 30. »

Du côté des magistrats du siège, ils ne sont actuellement que 50 pour un effectif théorique de 52. Quant aux fonctionnaires, l’effectif réel se limite à 133 personnes, alors qu’il se monte à 148 en localisation des emplois.

Activités en diminution au civil

L’insuffisance des effectifs, combinée aux grèves qui ont émaillé l’année 2018, conduit à une baisse des activités. En matière d’affaires civiles, alors que le nombre des entrées s’établit à 12.376 (contre 12.720 en 2017), celui des sorties se limite à 12.275 (13.154 en 2017). La part de l’activité des juges aux affaires familiales dans les affaires nouvelles reste stable à 30 %. 2.450 décisions ont été rendues par les 5 magistrats spécialisés pour trancher les litiges entre les parents séparés quant à l’attribution de la résidence des enfants ou à la fixation de la contribution à leur entretien. « La situation des sections civiles ainsi que celles de l’instruction et du TI de Sète seront des points de vigilance pour l’année à venir », prévient Eric Maréchal.

Taux de réponse pénale d’environ 84 %

Pour le pénal, en 2018, plus de 71.000 plaintes et procès-verbaux ont été reçus, parmi lesquels les enquêtes ont permis d’identifier un ou plusieurs suspects dans près de 17.300 affaires. Au total, plus de 18.300 réponses judiciaires ont été apportées. Parmi elles, 7.400 affaires ont fait l’objet d’une procédure correctionnelle, selon différents modes de poursuites. Pour près de 7.200 affaires, une procédure alternative aux poursuites a été réalisée. Le taux de réponse pénale s’est établi à 84,2 % (contre 88,3 % en 2017), et il dépasse 86 % pour les mineurs. En 2018, 13.507 personnes ont été jugées, en matière pénale, par le tribunal correctionnel de Montpellier ou en 5e classe par le tribunal de police.

Le procureur de la République souligne : « Au prix d’efforts sans relâche, nous parvenons à contenir et maîtriser les stocks, et donc les délais de jugement. Le stock des affaires en attente d’être jugées est maintenu sur une tendance à la baisse, avec 540 affaires de moins en quatre ans. Le nombre de personnes attendant d’exécuter une peine d’emprisonnement a diminué de 30 % en cinq ans ». 

Renforcer l’accès au droit

L’efficacité d’une juridiction se mesure aussi à l’action qu’elle mène et aux moyens qu’elle se donne pour faciliter l’accessibilité des citoyens à la justice. Concernant les populations les plus fragiles, « le Bureau d’aide juridictionnelle, qui concerne l’ensemble des juridictions montpelliéraines, y compris la cour d’appel et le tribunal administratif, a encore amélioré son fonctionnement en 2018 », souligne Eric Maréchal. Saisi du même nombre de demandes que l’année précédente, il a apporté plus de 20.300 réponses en 2018, contre 19.800 en 2017. Le délai moyen de traitement est tombé de trente-six jours en 2017 à trente jours en 2018, l’objectif national étant fixé à quarante jours. « La convention commune avec le Barreau nous permet de fluidifier les modalités de traitement des dossiers et assure les bons résultats que nous affichons, non sans fierté », se réjouit Eric Maréchal.

Schéma directeur pluriannuel d’actions pour le CDAD

Le président du TGI avance ensuite : « L’autre champ de l’accessibilité au droit tient à la qualité du réseau départemental de l’accès au droit, dont la coordination appartient au Conseil départemental d’accès au droit (CDAD), que je préside, et dont les avocats des barreaux de Béziers et de Montpellier sont partie prenante ». Le CDAD a adopté son schéma directeur pluriannuel d’actions 2019-2022. L’objectif est d’améliorer la qualité et la performance du service rendu, notamment aux personnes en situation de précarité ou d’exclusion. Il agira afin que la dématérialisation de l’accès aux services publics n’engendre pas de rupture d’égalité entre les usagers ou ne favorise l’émergence de discriminations, telle la discrimination territoriale.  

Au titre des réalisations de 2018, l’objectif du meilleur maillage possible a été poursuivi. En plus des 21 Points d’accès au droit (Pad) du département, dont celui du TGI de Béziers mis en œuvre en octobre, ainsi que des 4 Maisons de la justice et du droit (MJD) existant dans le département (dont trois dans le ressort du TGI de Montpellier), une cinquième MJD a ouvert ses portes le 10 décembre dernier à Lattes. Dans l’ensemble du réseau, plus de 6.800 personnes ont bénéficié d’une information juridique ou d’une consultation juridique avec un professionnel du droit et 12.000 personnes ont été physiquement reçues dans les MJD du ressort.

« Aujourd’hui, la réflexion sur la création d’une MJD à Sète s’impose, et au titre des événements importants, le CDAD organisera la deuxième rencontre justice/travailleurs sociaux le 15 février prochain », annonce Eric Maréchal. On le voit, l’ouverture de la justice sur la société se fait de plus en plus large.

 

Installation de 2 magistrats au TGI de Montpellier. Aude Moralès, précédemment vice-présidente placée auprès du premier président de la cour d’appel de Montpellier, est nommée vice-présidente du TGI de Montpellier. Elle sera à la tête de la 3e section civile, en charge notamment du traitement des dossiers en matière de responsabilité quasi-délictuelle et de successions. Patrice Fillol, précédemment président du Tribunal du contentieux et de l’incapacité (TCI) de Montpellier, poursuivra sa mission au sein du pôle social en tant que magistrat honoraire au sein du TGI de Montpellier.

 

Toujours des travaux pour le TGI de Montpellier. Outre les travaux concernant les Maisons de la justice et du droit (MJD), la permanence du parquet a été rénovée, tandis que la réalisation du Service d’accueil unique du justiciable (Sauj) vient de s’achever. Prochainement, le chantier du parvis va être engagé, après celui du sas de sécurité, et des réaménagements sont prévus en vue d’accueillir le pôle social. Un nouveau circuit sécurisé pour la circulation des détenus va être mis en place. Autre chantier en vue, le remplacement de tout le câblage informatique du palais de justice. Le lancement des travaux doit intervenir d’ici fin juin, pour une durée de onze mois.

 

« La violence physique est toujours illégitime. » Lors de son intervention, le procureur de la République Christophe Barret s’est exprimé sur les tensions sociales « aussi fortes qu’inattendues » que connaît la France. Rendant hommage aux policiers et aux gendarmes qui « les contiennent courageusement, avec professionnalisme, malgré la fatigue et les provocations », il avance : « Nous constatons des attaques comme notre pays n’en avait pas connues depuis longtemps contre des élus, des journalistes, des fonctionnaires. Il s’agit d’injures, d’actes de pression, d’intimidation, de menaces qui utilisent l’invective comme moyen de communication. Ces attaquants sont alors des délinquants et ne peuvent qu’être traités comme tels dans un Etat de droit. Il ne peut y avoir de légitimité à s’exprimer par la violence physique, qui est toujours illégitime ». Le procureur de la République s’inquiète de l’émergence d’un discours nouveau qui inverserait la logique, prétendant que « l’action de la collectivité et de ses représentants ne serait pas légitime ». Selon lui, des barrières morales semblent être tombées quand on constate que pour certains, il est « normal » de s’adonner à la violence. Christophe Barret affirme : « Il faut répondre à cette crise de la légitimité par la solidité de nos principes : la seule légitimité, dans une société démocratique, est celle qui résulte de l’Etat de droit. C’est la mission de la justice d’appliquer ces principes ».

 

 

 

 

 

 

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