Droit

Le tourisme, la dette et la politique - Le "bon", la "brute" et le "truand" !

L’heure du bilan de la saison touristique vient de sonner et c’est en grande…

L’heure du bilan de la saison touristique vient de sonner et c’est en grande pompe que nos élus ont annoncé des résultats satisfaisants (article du quotidien régional du 23 octobre 2011 – présentation du bilan touristique en conférence de presse – et Hérault Tribune du 18 octobre 2011 – question posée à l’assemblée nationale par Gille D’ETTORE -).
 
Si les chiffres communiqués se révèlent plutôt bons, faut-il se gargariser pour autant ?
 
Alors que le ciel de la finance s’assombrit d’heure en heure laissant présager l’arrivée d’une tempête comme le monde n’en a encore jamais connue, le retour à un cycle de prospérité (les « trente glorieuses » sont bel et bien derrière nous), malgré l’accalmie négociée d’extrême justesse, semble de plus en plus hypothétique et ce ne sont pas les décisions prises par nos dirigeants suite au sommet de BRUXELLE de mercredi dernier, ni les déclarations de notre président sur les chaînes de télévision qui, comme par miracle, y changeront grand chose. Tout au plus, ont-ils réussi à se donner un peu d’air, le temps d’organiser les futures élections de 2012.  Bien qu’il ne soit pas encore acquis qu’aucune surprise de taille n’apparaisse entre temps, ce qui pourrait bouleverser la donne électorale au dernier moment (comme par exemple la perte du triple AAA de la France).
 
Selon un récent sondage effectué par l’IFOP pour le compte du JDD paru le 22 octobre dernier :
·      79% des français pensent qu’il s’agit de la crise la plus grave de ces dernières années ;
·      53% des personnes interrogées se disent révoltées par la situation ;
·      23% sont résignées ;
·      57% accepteront des mesures douloureuses et difficiles, etc.
 
Sur les solutions envisagées pour répondre à cette crise, les résultats de ce sondage n’en sont pas moins intéressants et démontrent à quel point la propagande médiatique joue pleinement son rôle en stigmatisant les populations aux détriments de l’information sur la réalité des faits générateurs de nos difficultés du moment.
 
Cette duperie institutionnalisée nous oblige à prendre les devants et à nous poser les bonnes questions, en particulier dans notre région plus exposée que tout autre (voir ci-dessous). Nous entendons souvent nos élus prétendre que « gouverner c’est prévoir », aussi ne serait-il pas plus sage qu’ils s’interrogent sur l’impact que la crise pourrait avoir sur notre économie locale ?
 
Avant de répondre à cette question essentielle, il faut pouvoir dresser un portrait de la situation présente pour comprendre pourquoi, dans l'ambiance actuelle, elle ne peut que se dégrader.

 
Lors de mon article sur les emprunts toxiques des collectivités (paru sur le site Hérault Tribune en date du 12 octobre 2011), je vous avais fait part de certaines techniques bancaires utilisées par « l’ingénierie financière », à savoir la titrisation, le « shadow banking », les SVP (ou autrement nommés : SPC, SIV ou « conduits »), les CDS, etc.
 
Toutes ces opérations réalisées hors contrôle des autorités de régulation jouent un rôle similaire aux « caisses noires » des sociétés qui utilisent ce procédé pour réduire leur impôt et augmenter ainsi leurs bénéfices tout en « maquillant » leurs pertes.
 
Or, le plus extraordinaire de l’histoire qui se déroule sous nos yeux, c’est que le plan de sauvetage de l’Europe et de la monnaie unique, n’a rien trouvé de mieux que de transformer le FESF, sur qui tout repose désormais, en « rehausseur de crédit » avec multiplicateur 4 (« effet de levier »). C’est-à-dire que techniquement, comme il reste environ 250 milliards d’euros dans les caisses de ce fond qui en disposait au départ 440 (le reste ayant déjà été dépensé pour venir en aide au Portugal et à l’Irlande), nos « brillants cerveaux » n’ont rien trouvé de mieux que de créer des SPV (de nouveaux « conduits ») qui auront pour mission de générer de la monnaie ex nihilo (à partir de rien). C’est de la pyramide de PONZI, une nouvelle martingale à la MADOFF. Rien de plus !
 
A ce sujet, n’oublions pas ce que disait Maurice ALLAIS, le seul économiste français à avoir obtenu le prix Nobel d’économie : « Dans son essence, la création de monnaie ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n’hésite pas à le dire pour bien faire comprendre ce qui est réellement en cause, à la création de monnaie par les faux monnayeurs, si justement condamnée par la loi. Concrètement, elle aboutit aux mêmes résultats. La différence est que ceux qui en profitent sont différents ».
 
Concrètement, nous faisons du neuf avec du réchauffé dont il a déjà été prouvé que les recettes employées furent responsables de la crise de 2008 (note d’analyse du CAS n° 222 de mai 2011 sur les centres financiers offshore et le système bancaire « fantôme »). Nous sommes là très loin des promesses gouvernementales visant à règlementer ces pratiques puisque (discours du président de la République à DAVOS en janvier 2011), c’est décidé maintenant, nous ferons exactement l’inverse de ce qui était annoncé en reproduisant les mêmes erreurs que par le passé. C’est dire le niveau de complicité/compromission de nos très chers élus.
 
Pour compléter le tableau, de nombreux autres indicateurs révèlent une situation critique qu’il ne faudrait surtout pas dramatiser en raison des élections qui se profilent à l’horizon.
 
En premier lieu, sans rentrer dans les détails et les calculs complexes, nous ne pouvons continuer à ignorer que depuis 2008, la seule croissance que nous connaissons n’est que le reflet de l’inflation subie, notamment en raison de la spéculation que les « banksters » (encore eux) se livrent sur le marché des denrées alimentaires (souvenez-vous : « L’inflation a brusquement accéléré à l’automne 2007. La hausse de l’indice des prix à la consommation (IPC) passe alors d’un rythme annuel à peine supérieur à 1 % au cours du premier semestre 2007 à plus de 2 % en octobre ; en mars 2008, elle est de 3,2 % sur douze mois. Ces hausses se retrouvent tant dans la grande distribution que dans les autres formes de vente. » Extrait de l’enquête INSEE sur « les variations de prix des produits alimentaires » de Dominique GUÉDÉS). Le calcul de l’inflation est totalement inique et ne reflète plus, depuis bien longtemps déjà, la réalité de la consommation des ménages. Les méthodes de calcul employées ont tendance à minimiser cet indice ce qui se traduit par une inflation en réalité plus forte que sa valeur relative communiquée par les relevés de prix effectués régulièrement (les prix augmentant le plus portent sur des produits de première nécessité qui  constituent les principales dépenses des ménages à faible revenus, mais ce facteur n’est pas intégré dans le calcul de l’inflation ce qui pénalise en premier ressort les personnes les plus démunies, lire à ce sujet : http://www.atlantico.fr/decryptage/inflation-augmentation-mesure-statistiques-arnaque-mensonge-simone-wapler-209936.html).
 
Or, la croissance du PIB est égale à la valeur nominale du PIB moins l’indice d'inflation ; si l'inflation est sous-estimée, nous avons une « croissance » artificielle basée sur un impôt caché. C’est mathématique et totalement ignoré des politiques de tous bords.
 
En second lieu, « l’industrie financière » représente près de 35% de notre PIB. De tout ce qui précède nous savons maintenant que ce secteur d’activité n’est qu’une monstrueuse bulle spéculative qui risque de nous exploser à la figure à tout moment, particulièrement en raison des techniques dénoncées lors de l’article sur les emprunts toxiques des collectivités. C’est-à-dire que la croissance d’au moins 35% de notre PIB reposent uniquement sur une tricherie tellement énorme qu’elle en devient inintelligible (« l’industrie financière » annonce régulièrement des « gains » de l’ordre de 10 à 15%, parfois plus, que se répartissent les dirigeants de ces sociétés, les traders, les actionnaires et les investisseurs, soit 3 à 5% de croissance obtenue à grand coup de manivelle et de remontée au cric). La conclusion de ce scénario est donc prévisible et nous ne pouvons que craindre le pire.
 
Comme disait Mark Twain : « les faits sont têtus. Il est plus facile de s’arranger avec les statistiques ».
 
Ce tableau d’ensemble étant un peu mieux dégrossi (mais il ne saurait en aucun cas être exhaustif), attaquons-nous maintenant au fond du problème qui nous concerne au premier chef et qui représente tout de même « 7 % du produit intérieur brut, plus de 2 millions d’emplois et constitue un pilier de la compétitivité de l’économie française », dixit notre député/maire/président d’agglo.
 
Pour ne pas trop remuer le couteau dans la plaie, je m’abstiendrai de faire état de tous les indices négatifs nous concernant, mais nous pouvons affirmer sans crainte d’être démentis que notre région et notre département affichent les plus fort taux de chômage en France métropolitaine (respectivement de : 12,7%, 13,4% et 9,10% au second trimestre 2011). A l’intérieur d’un périmètre géographique circonscrit aux villes de notre communauté d’agglo, nos communes comptent parmi celles dont cet indice est le plus élevé puisqu’il approche voir même dépasse les 25% pour certaines d’entre elles, plus particulièrement celles qui composent le canton d’AGDE. Parallèlement à ce manque d’activité, les revenus moyens par ménage sont plutôt faible et la part des entreprises qui dépendent du commerce, des transports et services divers frôle les 70% (source INSEE).
 
Tout ceci pour rappeler combien nous sommes dépendants du tourisme (le « bon »). Ce que tous les habitants des environs apprennent avant même leur entrée au collège. Or, ce secteur professionnel relativement récent (à l’échelle de la révolution industrielle), qui pèse pour près de 90% dans notre économie locale, n’est que la conséquence du développement des premiers congés payés qui furent votés par la loi du 20 juin 1936.
 
Cependant, la crise qui se profile à l’horizon menace, plus que tout autre chose, notre équilibre économique de part la grande dépendance de notre principale activité vis-à-vis des autres sources de croissances et de richesses. En raison du principe selon lequel : « mieux vaut prévenir que guérir », ce constat irréfutable devrait nous conduire à davantage nous intéresser aux causes de cette crise car nous serions en première ligne en cas de chute du système. Mais plutôt que de se pencher sur des problématiques aussi complexes, nous assistons à de curieuses « représentations théâtrales » de la part de nos élus et ce, quelle que soit la couleur du parti qu’ils représentent. Est-ce à dire que la politique (le « truand ») n’a pas son mot à dire dans l’échiquier de la haute finance ? Ou bien que nos représentants sont soit trop complices/compromis par le système ou soit trop incompétents/ignorants des réalités de ce monde ?
 
A lire les déclarations des uns et des autres, il y a, à vrai dire, certainement un peu de tout ça à la fois, mais ce qu’il ressort surtout des discours qu’il nous est donné d’entendre, c’est que nos édiles vouent une confiance aveugle dans un système qui est en train de nous entraîner tous dans des abîmes sans fond. Comme le disait COLUCHE : « Au pays des aveugles les borgnes sont rois, mais au pays des cyclopes, les borgnes sont aveugles ».

 
Comme il ne peut y avoir de changement sans prise de conscience et que nous ne pouvons pas compter sur des élus qui pointent aux abonnés absents pour éclairer notre avenir, il convient d’écouter attentivement ce qu’ont à dire les meilleurs spécialistes du moment qui nous offrent des analyses que les médias « mainstreams » évitent de nous présenter. C’est donc encore un économiste sociologue, Frédéric LORDON, auteur de très nombreux ouvrages de références sur le sujet, qui nous en informe le mieux : « … Lorsque l’on est confronté à des phénomènes sociaux bizarres, il faut se rendre aux hypothèses psychiatriques en tout dernier ressort. Quand on a épuisé toutes les autres, mais malgré tout il faut bien dire que toute cette affaire à tous les aspects d’une histoire de fous, et très honnêtement, je ne sais pas comment l’expliquer autrement. Donc j’essaie de résister et de ne pas me rendre à cette hypothèse mais tout m’y porte. Parce que voilà, on a… je vous rappelle la séquence en quelques mots, la finance somptueuse et arrogante s’est mangée un gadin qui fera date à l’histoire de l’échelle du capitalisme. Mais la finance n’a jamais le bon goût de choir seule. C’est-à-dire qu’elle entraîne tout le monde avec elle. Il s’en est suivi une récession carabinée avec une explosion du chômage. On a sauvé les banques grâce à l’action des banques centrales et puis aussi en passant aux frais du contribuable et les banques se sont carapatées en s’estimant quitte après avoir remboursé leur prêt auprès de l’Etat français. Sauf qu’elles nous ont laissé derrière : la contraction du crédit, la récession, l’explosion du chômage, l’envolée des déficits et des dettes, et les plans d’austérité. C’est-à-dire double dose pour le chômage. Et nous en sommes là avec des plans d’austérité qui sont généralisés dans toute la zone européenne et qui n’ont rigoureusement aucune chance d’aboutir aux objectifs qu’ils se sont donnés. Alors, le cas typique… c’est la Grèce évidemment. La pauvre Grèce, martyr de la politique économique européenne, est en train de sombrer sous nos yeux et plus on vient à son secours puis on lui administre de quoi la tuer définitivement. C’est ça qui est extraordinaire. Donc si vous voulez, il y a de la part de la politique économique, une persévérance dans l’erreur qu’une ancienne maxime latine, dans son temps, avait qualifié de diabolique : on fait un premier plan de secours, on serre la vis comme c’est pas possible et évidemment il se passe l’exact contraire de ce que l’on attendait. C’est-à-dire que la récession est tellement violente que les recettes se contractent plus vite qu’on ne coupe les dépenses et donc les déficits continuent d’augmenter et les dettes d’exploser. Moyennant quoi la Grèce ne peut toujours pas plus payer que par le passé. On revient à son chevet avec un deuxième plan de secours qui rend le plan d’austérité encore plus dur que par le passé. Bon ! J’veux dire… on peut prolonger la série autant qu’on veut, il se passera ce qui est déjà annoncé, c’est-à-dire que la Grèce fera défaut. Alors, à partir de là, si la Grèce fait défaut on entrera en terres inconnues… là, on va passer le 38ème parallèle… » (Extrait de l’émission radio de Daniel MERMET, « Là-bas si j’y suis » du vendredi 16 septembre 2011). Noter bien au passage que les décisions prises cette semaine constituent le troisième plan d’aide à la Grèce, sans commune mesure avec les précédents, celui du 21 juillet dernier, voté par l’assemblée nationale, ayant été jugé nettement insuffisant. Tout comme d’ailleurs celui qui vient d’être annoncé si l’on en croit Jean-Claude JUNCKER, le premier « sinistre » du Luxembourg depuis… 1995 et banquier de formation (naturellement !).
 
Ainsi, affirmer que « l’argent est le nerf de la guerre » (d’où la nécessité d’avoir un travail) est une « lapalissade » dans notre société actuelle, et pourtant… comment alors expliquer que l’économie politique soit le sujet le moins débattu lors de TOUTES les campagnes électorales (municipales, cantonales, législatives, présidentielles, etc.) ???
 
C’est à ni rien comprendre !
 

Et comprenne aussi qui pourra, mais comment nos élus locaux ou leurs prétendants, qui parlent pourtant au nom d’un territoire qui sera immanquablement le premier affecté en cas de récession, peuvent-ils à ce point ignorer (ou peut-être « feignent-ils » ignorer, mais cette hypothèse tombe à l’eau lorsque nous prenons connaissance des débats auxquels ils se livrent) la problématique de la dette (la « brute ») française ???
 
Nous devrions avoir des élus, ou leurs prétendants, qui au lieu de se gausser les uns les autres (de ce côté-là, c’est un partout, balle au centre, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre car ce n’est pas en se balançant continuellement des « piques » au visage pour se survaloriser au dépend d’autrui que les choses avanceront), prennent courageusement les choses en mains en monopolisant les médias pour défendre becs et ongles les intérêts de notre territoire. Encore faudrait-il pour cela qu’ils possèdent à minima, d’une, les compétences requises, et de deux, le courage, parce que « face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement »  (Francis Blanche).
 
Ceci dit, il faut bien reconnaître que nous sommes conduit par une bande d’aveugles emberlificotés dans un processus qu’ils ne maîtrisent plus et qui a tout d’une machination à proprement parler, pour reprendre la terminologie de Frédéric LORDON,… de diabolique.
 
Nous traiterons de la « brute » de l’histoire (la dette souveraine) dans la seconde partie de cet exposé. Origine de la dette qui, si nous en comprenions les causes et les conséquences, devrait être activement combattue chez nous plus qu’ailleurs en raison des risques qu’elle fait peser sur chacun des habitants de notre région.
 
A suivre !
 

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.