Les associations en mode employeur (½)

Soumise à un droit social peu adapté au regard de son statut particulier, l’association doit s’approprier des règles souvent éloignées de sa propre réalité, ce qui transforme la fonction d’employeur en une équation particulièrement complexe. Revue de quelques pistes pour la résoudre.

Depuis plusieurs années, dans un contexte de baisse des financements publics, le milieu associatif se structure et se professionnalise. Ce mouvement de fond concerne tous les aspects de la vie d’une association : la gestion de l’activité, le développement, la comptabilité, la paie, la gestion financière ou encore le droit social et les ressources humaines (RH). Le milieu associatif, en tant qu’employeur, ne bénéficie pas, ou très peu, d’aménagements de la législation sociale au regard de son statut particulier. Au contraire, soumise à un droit social peu adapté, l’association doit s’approprier des règles bien souvent éloignées de sa propre réalité, ce qui transforme la fonction d’employeur en une équation particulièrement complexe. Pour la résoudre, toute association doit suivre au quotidien trois grands principes : respecter les contraintes juridiques dans un contexte associatif, gérer le personnel en respectant les valeurs et le projet associatifs, et trouver l’optimisation juridique et sociale.

Respecter les contraintes juridiques

La gestion juridique des salariés n’est jamais simple. La multiplicité et la complexité des lois sociales font que, bien souvent, l’association en mode employeur se heurte à de nombreuses difficultés. Malheureusement, celles-ci se traduisent presque inévitablement en risques juridiques, bien souvent partagés par de nombreuses associations. Parmi les plus récurrents, on peut citer :
• une gestion des contrats à durée déterminée (CDD) impliquant des risques de requalification en contrats à durée indéterminée,
• un aménagement du temps de travail engendrant des risques de rappels de salaire et de délit pénal de travail dissimulé,
• une gestion de la représentation du personnel engendrant des risques de délit pénal d’entrave.

Ces exemples, qui ne sont pas exhaustifs, reflètent la difficulté pratique pour l’association à se mettre en conformité avec les lois sociales.

La France compte 1,3 million d’associations. 165 000 emploient 16 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés, selon les chiffres du ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.

Gérer le personnel en intégrant les valeurs et le projet associatifs

Le respect des particularités de la structure associative. La notion d’employeur dans le milieu associatif est une donnée à géométrie variable. Des structures complexes vont compter un effectif important (plus de 300 salariés) et pourront se comporter comme n’importe quelle entreprise employeuse, avec des relais structurés de la gouvernance (type DAF ou DRH). Alors que d’autres structures associatives compteront moins de 50 salariés et seront gérées directement par le président et/ou le directeur salarié. C’est pourquoi il est important d’identifier l’origine des pouvoirs au sein de la structure et la répartition éventuelle de ceux-ci par les outils adaptés (type matrice des tâches, délégation de signature ou de pouvoirs).

C’est dans cette approche que la démarche d’analyse des ressources humaines est importante : elle doit permettre à la structure de s’organiser dans le cadre de son projet associatif, en optimisant les forces qui la composent. Tout d’abord, il convient de bien identifier la répartition des tâches et des pouvoirs entre les membres de l’association et les salariés représentant l’employeur. En effet, la participation des bénévoles doit se limiter à des actions qui ne mettent pas en péril l’organisation juridique de la structure. De même, la répartition du rôle entre les dirigeants de droit (gouvernance) et les dirigeants salariés (dirigeance) au sein des associations peut différer selon divers éléments : le niveau d’implication, le mode d’organisation de l’association, sa taille, la place des instances institutionnelles, la culture organisationnelle, les textes réglementaires applicables…

Il est donc très important d’identifier et de contrôler cette répartition pour éviter toute difficulté dans le fonctionnement de l’association. Un exemple très concret : une association sans but lucratif doit s’assurer que sa gestion est désintéressée. Mais si, en réalité, l’organisation est telle que c’est le directeur salarié qui prend toutes les décisions et qu’il se contente de faire un rapport au conseil d’administration et à l’assemblée, cette gestion désintéressée ne sera plus caractérisée. De ce fait, cette situation pourra remettre en cause la défiscalisation des activités de la structure… En cas de doute sur l’organisation, un diagnostic de l’organisation s’avère indispensable.

La mise en œuvre du projet de ressources humaines. Ce diagnostic sera également l’outil qui permettra de se projeter dans une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui n’est pas l’apanage des grands groupes. Toute structure employeuse doit être en mesure de se projeter à moyen ou long terme, et cette « projection » doit – depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi – être présentée, une fois par an, au comité d’entreprise quand il existe ; c’est l’information-consultation obligatoire sur les orientations stratégiques. Cette orientation peut entraîner des questionnements sur l’organisation interne de la structure : quels seront les emplois de demain ? Comment faire correspondre les compétences d’aujourd’hui aux besoins de demain ? Et, par conséquent, générer des actions en matière de gestion des carrières, de formation, de recrutement et de fidélisation. Le tout étant encadré, pour partie, par la nouvelle obligation de mener des entretiens professionnels tous les deux ans, par exemple. Cette approche doit avoir pour but final d’offrir des perspectives d’avenir aux salariés, tout en répondant aux objectifs du projet associatif défini par la gouvernance et mis en œuvre par la dirigeance, sans oublier d’intégrer les bénévoles dans le projet. Il est donc très important d’avoir une vision très claire de l’organisation interne de la structure afin de l’adapter au mieux à ces objectifs.

Jean-François BLARET,
avocat en droit des sociétés ;
Anne MARLIERE et Arnaud SAINT-RAYMOND,
avocats en droit social

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