Les impôts, cibles des réformes

La réforme de la fiscalité est un marronnier qui refleurit à chaque élection présidentielle et apporte son lot de propositions, presque toujours orientées vers la baisse des prélèvements. Mais que peut-on en espérer en matière de croissance ?

Réduction du nombre de tranches de l’impôt sur le revenu, suppression de l’ISF, réduction de l’impôt sur les sociétés, voilà autant de propositions qui ont semblé faire consensus durant la campagne électorale. Dans le cadre du budget 2017, 307 milliards d’euros de rentrées fiscales nettes sont attendus, ventilés ainsi : 73 milliards d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, 29 milliards pour l’impôt sur les sociétés (IS), 16 milliards pour la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), 5 milliards pour l’ISF et 149 milliards d’euros pour la TVA (soit 50 % du total).

 

Trop d’impôt tue l’impôt ?

D’aucuns se persuadent qu’il existerait un taux d’imposition maximum à ne pas dépasser sous peine de décourager les contributeurs, donc de voir le rendement de l’impôt baisser. Cette idée intuitive, très simple à comprendre et suffisamment consensuelle pour attirer les électeurs de toute obédience, est due à un ancien conseiller de Ronald Reagan, Arthur Laffer. Si elle ne concernait au début que les impôts des entreprises, elle est désormais reprise dans de nombreux programmes politiques pour justifier une baisse de la pression fiscale totale. Hélas, s’il est acquis qu’un taux de prélèvement de 100 % est certain de réduire le rendement futur de l’impôt, aucune étude n’a à ce jour clairement démontré l’existence d’une telle courbe de Laffer…

Le cercle vertueux de la baisse des impôts ?

Quoi qu’il en soit, nombreux sont ceux qui en déduisent qu’il suffit d’abaisser la pression fiscale sur les entreprises et les ménages pour relancer l’activité et, ce faisant, augmenter les ressources fiscales de l’Etat. Plus précisément, selon le théorème de Schmidt, qui fait de la baisse des dépenses publiques une condition sine qua non à la diminution des impôts, l’enchaînement vertueux serait le suivant : baisse des impôts sur les entreprises, donc augmentation de leurs marges et de leurs dépenses d’investissement, donc création de nouveaux emplois. Sauf que ce « théorème » n’a que très rarement fonctionné, comme le rappelle la baisse drastique de l’imposition aux Etats-Unis au début du mandat de Reagan, qui a débouché sur une très forte hausse du déficit public et l’obligation de remonter très vite les taux d’imposition.
En outre, en vertu du multiplicateur fiscal, une baisse d’impôt peut conduire à une augmentation plus que proportionnelle du PIB, puisque la hausse du revenu disponible se répand dans l’économie de bout en bout de la chaîne de valeur. Bien entendu, ce mécanisme est d’autant plus optimal que la propension à consommer est forte et celle à importer faible, bref, que l’argent généré par la baisse d’impôt est dépensé dans le pays.

A contrario, il convient d’être très prudent sur les effets d’une TVA sociale : une hausse de TVA censée compenser une baisse des impôts des entreprises peut avoir des effets négatifs plus importants qu’on ne l’aurait escompté sur la consommation, donc sur l’activité. Du reste, si les ménages anticipent une hausse future de leurs impôts pour rembourser le supplément de dette publique qui résulte d’un creusement du déficit public, alors ils préféreront l’épargne à la consommation…

A la recherche de l’équité fiscale

L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) dispose que « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Or, ce principe d’égalité fiscale ne signifie pas que seul un impôt proportionnel est légal. Un impôt progressif, c’est-à-dire dont le taux augmente quand l’assiette augmente, l’est tout autant, favorisant une répartition plus juste de la charge fiscale.
Or, une étude menée en 2012 par Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez a fait grand bruit puisqu’elle concluait ceci : la fiscalité en France est faiblement progressive jusqu’au niveau des classes moyennes et clairement régressive au niveau des classes les plus aisées. Selon les auteurs, la fiscalité française souffre essentiellement de trois maux : une extrême complexité, une absence de transparence et une régressivité de l’impôt sur le revenu. En effet, l’IRPP est certes progressif par construction, mais le nombre de tranches ainsi que les taux afférents ont fortement été abaissés depuis deux décennies, et les niches fiscales restent nombreuses. Les auteurs suggéraient, par conséquent, de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu selon un barème progressif et d’en faire un impôt unique sur le revenu, prélevé à la source.

Le consentement à l’impôt

Tout cela mine à l’évidence le consentement à l’impôt, qui est pourtant déjà bien entamé, comme en témoigne l’inflation de mouvements contestataires (« Bonnets rouges », mouvement des « Pigeons », etc.). Dans ce contexte tendu, l’instauration d’une retenue à la source et les inévitables complications liées à un changement de système de cette ampleur risquent fort de donner lieu à de nouvelles foires d’empoigne au moment où l’économie française aurait surtout besoin de stabilité sur ces questions. D’autant plus que la taxation des revenus de l’année 2017 (année blanche ?) pourrait conduire à des effets d’aubaine et offrir des possibilités d’optimisation fiscale. Le nouveau chef de l’Etat, sans y être défavorable, a laissé entendre, en fin de campagne, qu’il n’appliquerait pas la réforme au 1er janvier 2018.
Pour sa part, l’ISF – totem politique – devrait vraisemblablement être modifié pour devenir un « impôt sur la fortune immobilière », dans une volonté de ne pas taxer les valeurs mobilières, sources de création de richesse, selon Emmanuel Macron. Or, la frontière entre capital productif et capital foncier est poreuse, ne serait-ce qu’en raison de la possibilité de détenir de la pierre papier via les actions d’une foncière. Cette nouvelle mouture de l’ISF ne corrigera donc en rien les excès de la rente foncière, pourtant si défavorables aux ménages et aux entreprises…

Au moment où Donald Trump s’apprête lui aussi à baisser massivement les impôts malgré de fortes réticences du Congrès, qui se souvient encore que, dans les années 1970, les Etats-Unis ont connu la prospérité économique, malgré des taux marginaux d’imposition très élevés ? C’est avec pertinence que Henry Morgenthau, secrétaire au Trésor sous la présidence de Roosevelt, affirmait : « les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée. Trop de citoyens veulent la civilisation au rabais ».

Raphaël DIDIER

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