Licenciement économique : état des lieux après les lois Macron et El Khomri

Depuis 2013 et la loi sur le marché de l’emploi, le législateur semble commencer…

Depuis 2013 et la loi sur le marché de l’emploi, le législateur semble commencer à percevoir la difficulté, pour les entreprises faisant face à des problèmes économiques, de pouvoir engager sereinement et sans risques une restructuration. Après la rationalisation des délais de procédure en 2013, les lois Macron de 2015 et El Khomri de cet été 2016 apportent de nouveaux éléments de sécurisation, plus ou moins significatifs, essentiellement sur le motif économique, le reclassement et l’application des critères d’ordre.

Vers une définition plus objective des difficultés économiques

La loi Travail du 8 août 2016 ajoute à l’article L. 1233-3 du code du Travail un certain nombre d’indicateurs, et apporte ainsi des précisions sur la définition du motif économique du licenciement. Il est toutefois difficile de prétendre, comme on a pu l’entendre ou le lire, qu’il s’agit d’une refonte totale de la définition du motif économique du licenciement. Dans un premier temps en effet, la loi intègre simplement au code du Travail des critères entérinés par la jurisprudence depuis des années, comme la sauvegarde de la compétitivité et la cessation d’activité de l’entreprise. Dans un second temps, l’ajout d’éléments d’appréciation de l’ampleur des difficultés est plus intéressant. Là encore, il ne s’agit pas à proprement parler d’une modification, car la jurisprudence a, depuis des années, consacré certains facteurs comme justifiant des difficultés économiques (baisse d’activité de l’entreprise1, baisse de rentabilité2, baisse de chiffre d’affaires entraînant une détérioration des résultats3…).

L’intérêt de la loi Travail est de rendre enfin beaucoup plus objectifs les critères d’appréciation, donc de réduire le pouvoir d’appréciation du juge et, de fait, l’aléa qui y est lié.

Constituent donc désormais un motif justifiant un licenciement économique des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique (comme une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation), soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Le législateur apporte par ailleurs des éléments concrets d’appréciation puisqu’il est prévu que le caractère « significatif » de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires sera caractérisé selon la taille de l’entreprise : d’un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés à quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

Si ces éléments doivent être considérés comme positifs pour les entreprises, on ne peut que regretter qu’après de nombreux atermoiements, le gouvernement soit finalement revenu à l’inter- national pour le périmètre géographique d’appréciation des difficultés économiques, ce qui n’est hélas pas de nature à relancer l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers. C’est pourtant ce que prônait le gouvernement, à l’origine du projet.

Une redéfinition partielle du périmètre d’application des critères d’ordre

La loi Macron a modifié l’article L.1233-5 du code du Travail relatif à l’application géographique des critères d’ordre. La réforme a un réel sens pour les entreprises disposant de plusieurs établissements ou sites sur le territoire français. Jusqu’alors, à défaut d’accord collectif d’entreprise ou de branche prévoyant une réduction géographique du périmètre d’application, les critères d’ordre devaient s’appliquer à l’ensemble des établissements, ce qui ne manquait pas de générer des situations inextricables conduisant régulièrement à désigner, pour être licenciés, des salariés rattachés à des établissements dans lesquels aucune suppression de poste n’était prévue.

Le nouveau dispositif prévoit, uniquement en cas de mise en place d’un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), de pouvoir déroger à ce principe en fixant un périmètre d’application négocié dans l’accord majoritaire ou en cas de document unilatéral se référant aux zones d’emploi visées par l’Insee. Il reste regrettable qu’une telle disposition ne s’applique qu’aux licenciements intervenant dans le cadre d’un PSE, ce qui est loin d’être la situation la plus fréquente. Pour les autres procédures, moins de 9 salariés sur une période de 30 jours, il reste toujours la possibilité de conclure un accord d’entreprise sur le sujet.

Reclassement à l’étranger : une procédure en apparence simplifiée

L’employeur doit informer le salarié dont le licenciement est envisagé qu’il a la possibilité de demander à recevoir des offres de reclassement à l’étranger, et qu’il dispose de sept jours ouvrables pour faire valoir son souhait. En cas de réponse positive du salarié, les offres lui sont transmises par écrit.

La simplification affichée par la loi concernant ces nouvelles dispositions laisse toutefois perplexe. L’employeur est en effet, de toute évidence, toujours tenu d’initier la démarche en matière de reclassement à l’étranger, a minima par l’information qu’il doit au salarié. Or, à défaut de précisions suffisantes, notamment sur l’étendue du périmètre du groupe, il est probable que la jurisprudence réduise rapidement l’effet de simplification voulu par le législateur.

Cédric RUMEAUX,
avocat associé, département droit social

1 – Cass. Soc. 7 novembre 1990, n° 89-45671 ; 29 mai 1991, n° 88-41911 ; 2 juillet 1992, n° 91-40294 ; 11 juillet 1994, n° 93-40506.

2 – Cass. Soc. 3 mai 2001, n° 99-41558. 3 – Cass. Soc. 6 avril 2004, n° 01-46898.

3 – Cass. Soc. 6 avril 2004, n° 01-46898.

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