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Loi Egalim : une réforme en demi-teinte du Code de commerce ?

Les cinq ordonnances dites « Egalim », annoncées par le gouvernement, ont été publiées. Parmi elles, celle modifiant un pan important du Code de commerce soulève déjà de nombreuses interrogations. Eclairage.

Après avoir été adoptée par le Parlement début octobre 2018, la loi pour « l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable », dite « Egalim », a été promulguée le 1er novembre 2018. Depuis lors, sa mise en œuvre est rapide, puisqu’après l’encadrement des promotions entré en vigueur le 1er janvier 2019 et le relèvement du seuil de revente à perte le 1er février, cinq ordonnances ont été publiées le 25 avril dernier, parmi lesquelles celle, très attendue, des professionnels relative à la modification du Titre IV Livre IV du Code de commerce. Cette ordonnance vise à modifier les règles en matière de facturation, relatives aux délais de paiement, conventions récapitulatives dans les relations fournisseurs/distributeurs ou grossistes et pratiques restrictives de concurrence, comme la rupture brutale de relations commerciales établies ou le déséquilibre significatif.

Sans surprise, le texte ne modifie qu’à la marge les dispositions en vigueur. Si certains ont marqué leur déception face à ce manque d’ambition, cette mouture timide découle de la loi Egalim elle-même. En effet, cette dernière habilitait le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure aux fins principalement de « réorganiser », « clarifier », « préciser » et « simplifier ».

Ce qui va changer

A y regarder de plus près, néanmoins, plusieurs modifications apportées risquent de bouleverser certaines dispositions. Parmi les éléments les plus marquants, on relèvera notamment :

– la modification de l’architecture en matière de conventions récapitulatives avec certaines nouveautés (anciens articles L. 441-7 et L. 441-7-1 du Code de commerce), à savoir l’unification des régimes pour les distributeurs et les grossistes, le maintien de la date butoir de conclusion des conventions au 1er mars – contrairement au premier projet diffusé – et des dispositions spécifiques prévues pour les produits de grande consommation (dont notamment l’obligation pour le distributeur de notifier par écrit les motifs de son refus des conditions générales de vente (CGV), ainsi que les dispositions des CGV qu’il souhaite négocier) ;

– les modifications des pratiques restrictives de concurrence (ancien article L. 442-6 du Code de commerce). On ne compte plus que 6 pratiques restrictives au lieu de 18, parmi lesquelles l’avantage sans contrepartie (ou l’avantage dont la contrepartie est manifestement disproportionnée), le déséquilibre significatif et la rupture brutale de relation commerciale.

Bien évidemment, ceci ne signifie pas que les autres pratiques ne seront plus sanctionnées, mais le gouvernement considère que les pratiques maintenues et toilettées suffiront à appréhender les anciennes pratiques.

A noter, également, dans le cadre de la rupture brutale de relation commerciale, l’introduction d’une disposition peu claire relative à un préavis « maximum » de dix-huit mois, qui devrait agiter la doctrine et les tribunaux, ainsi que la suppression du doublement du préavis pour les produits à marque de distributeur.

On peut évidemment regretter que cette ordonnance n’élimine pas ou ne traite pas avec plus de cohérence les dispositions « en doublon » avec le droit commun ou le droit de la concurrence. Ou encore qu’elle n’anticipe pas a minima la transposition du projet de directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales, qui nécessitera dans les prochains mois une nouvelle modification des dispositions fraîchement réformées par la loi Egalim.

Perrine PLOUVIER-MASSE,
avocate

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