Loi Travail : pas de vraie révolution

La loi Travail, dite aussi loi El Khomri car issue du nom de la…

La loi Travail, dite aussi loi El Khomri car issue du nom de la ministre du Travail Myriam El Khomri, est entrée en vigueur le 10 août 2016. Un mois plus tard, où en est-on ? Le point avec Anne-Lise Castell et Isabelle Venuat, juristes-rédactrices aux Editions Tissot, maison spécialisée dans le droit du travail, la comptabilité et la fiscalité à Annecy-le-Vieux.

Quel est, à ce jour, l’impact de l’entrée en vigueur de la loi Travail sur les TPE-PME ?

Tout d’abord, la principale nouveauté qui concerne tout le monde, c’est la réécriture du code du Travail, avec, pour chaque thème, une nouvelle architecture en trois niveaux :

• l’ordre public : les dispositions auxquelles on ne peut pas déroger et qui ne sont pas négociables ;

• la négociation collective : les dispositions mises en plce par le biais d’accord d’entreprise ou de branche ;

• les dispositions supplétives : les dispositions applicables en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche.

Pour l’instant, seule la durée du travail, les repos et les congés sont visés par cette nouvelle architecture, mais une refondation de toute la partie législative du code du Travail est prévue, un rapport devant être remis dans les deux ans à venir.

Les accords d’entreprise deviennent également prioritaires sur les accords de branche…

Oui, sauf exceptions expressément prévues par la loi. Cette mesure impacte les TPE-PME, qui vont pouvoir négocier leur propre accord. Par exemple, elles pourront prévoir un taux de majoration des heures supplémentaires de 10 %, même si leur convention collective prévoit un taux supérieur. Avant, c’était seulement possible sous certaines conditions. Encore faut-il, pour cela, qu’elles aient des inter- locuteurs avec lesquels négocier. Dans les entreprises sans délégué syndical, les possibilités de négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés ont été renforcées. Sachant qu’en parallèle, la loi Travail impose des accords majoritaires pour plus de légitimité (calendrier d’entrée en vigueur échelonné selon le thème de l’accord, sachant qu’un décret est attendu).

D’autres mesures intéressent- elles aussi les TPE-PME ?

Difficile d’être exhaustif, mais on peut citer des changements de réglementation à connaître. Par exemple, de nouvelles règles concernant la protection des jeunes parents ont été édictées (normalement, pas de licenciement possible sur dix semaines après un congé maternité contre quatre auparavant, sur dix semaines après une naissance pour les pères, des jours de congés supplémentaires sous certaines conditions…)

Le nombre de jours d’absence accordés pour certains événements familiaux est modifié (trois jours par exemple pour le décès d’un conjoint contre deux) et de nouveaux congés sont créés (par exemple pour le décès du concubin). Le règlement intérieur (dans les entreprises d’au moins 20 salariés) doit intégrer des dispositions du code du Travail relatives à la protection des agissements sexistes… La définition du licenciement pour motif économique intègre également deux nouvelles causes à partir du 1er décembre 2016 : la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité de l’entreprise.

La visite médicale d’embauche (souvent difficile à organiser dans les temps) sera par ailleurs supprimée et remplacée par une visite d’information et de prévention (décret à venir).

Pour permettre l’application des 123 articles qui composent cette loi, le gouvernement Valls doit faire rédiger et publier plus d’une centaine de décrets d’application… Quid du calendrier à ce jour ?

L’échéancier vient tout juste d’être publié, le vendredi 9 septembre. Il prévoit que tous les textes d’application de la loi Travail devraient être publiés avant la fin de l’année, le gros des décrets devant arriver au mois d’octobre. Ambitieux, quand on sait que pour les lois Macron et Rebsamen, les échéanciers annoncés n’avaient pas pu être tenus…

Aujourd’hui, les employeurs ont de toute façon intérêt à se tenir informés sur ce qui a déjà changé, ce qui entre en vigueur en différé et ce qui doit être précisé par décret. Cela suppose donc d’être attentifs à l’actualité.

La loi prévoit notamment de renforcer la lutte contre le détachement illégal. Quelles sont les nouvelles obligations pour les entreprises du BTP par exemple ?

Deux obligations relatives aux salariés sont à signaler. Elles ne seront toutefois applicables qu’une fois les décrets d’application nécessaires publiés.

La première est une obligation pour les maîtres d’ouvrage d’afficher, sur les lieux de travail, les règles impératives de droit français (durée du travail, salaire minimum, etc.) qui s’appliquent aux salariés détachés. Cette affiche devra être facilement accessible et traduite dans l’une des langues officielles parlées dans chacun des Etats d’appartenance des salariés détachés.

La seconde, c’est la transmission d’un document d’information présentant la réglementation française applicable aux salariés détachés. Ces derniers doivent recevoir ce document, rédigé dans une langue qu’ils comprennent, en même temps que la carte d’identification professionnelle.

La loi Travail renforce aussi les obligations d’information et de vérification des maîtres d’ouvrage. Ces derniers devront notamment s’assurer de la transmission de la déclaration de détachement sur tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance.

A votre avis, cette loi introduit-elle une vraie révolution dans le code du Travail ?

Non il n’y a pas de vraie révolution. Une seule partie du code du Travail est pour l’instant vraiment modifiée par la loi : celle relative à la durée du travail, aux repos et aux congés. Et même sur ces thèmes-là, il n’y a pas de vraie révolution, juste davantage de marge de négociation, puisque l’accord d’entreprise pourra déroger à l’accord de branche. Il n’y a pas de vraie rupture ou de changement d’organisation à mettre en place.

Hélène VERMARE
pour RésoHebdoEco
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