Environnement — Montpellier

Montpellier, Atelier Tuffery : "On éclate tous les scores de la fast fashion"

L'Atelier Tuffery, spécialisé dans la confection éthique et durable de jeans, s'est implanté dans le pop-up store de la place de la Comédie à Montpellier, le vendredi 9 juin.

Une histoire de famille

Julien Tuffery et son épouse Myriam sont aujourd’hui les cogérants de l’Atelier Tuffery, crée en 1892. Tous deux sont tailleurs et confectionneurs de jeans.

Julien Tuffery raconte : “Mon grand-père, Célestin Tuffery, utilisait la toile de Nîmes (denim) pour habiller les travailleurs qui venaient sur le territoire. Une petite anecdote de la maison Tuffery – la poche arrière est en deux parties afin de pouvoir réutiliser les chutes et changer le bas de poche lorsqu’il s’abîme – c’était déjà une question de bon sens.”

Il insiste également sur l’histoire du jean, un vêtement lourd de sens, “le premier à incarner le féminisme”. “On prenait un jean d’homme, on le resserrait à la taille et aux bas des jambes”, raconte Julien Tuffery. “Aujourd’hui, on va à l’université et on voit partout ces jeans mom fit, c’est un héritage du premier jean de nana et c’est génial.” 

Historiquement, l’entreprise était en bonne santé jusqu’aux années 1980. “C’est presque un miracle qu’on soit encore là”, s’émerveille Julien Tuffery. “L’atelier aurait dû disparaître en même temps que les autres après les années 80. Mais trois gars – mon père et ses frères – ont conservé ces petits outils de fabrication pour quelques passionnés, et maintenant ça redevient une évidence.”

Julien Tuffery et sa femme représentent la quatrième génération de la maison. Bons élèves, ils se destinaient à l’ingénierie avant de saisir l’opportunité de reprendre le flambeau. “C’était une autre époque où les métiers manuels n’étaient que peu valorisés. En gros, quand on allait manger des burgers après le cinéma, je ne disais pas à Myriam que mon père était artisan et fabriquait des jeans pour la pécho”, plaisante Julien Tuffery.

Traçabilité, circuit court et… export

Julien et Myriam Tuffery se sont d’abord demandés ce que l’entreprise avait à offrir, avant de reprendre la manufacture en 2015 avec un chiffre d’affaires de 80 000 euros, qui a grimpé jusqu’à 2,5 millions en 2023. “On a procédé à une réindustrialisation du textile qui prend des plombes”, raconte Julien. “Il faut deux ans de formation parce que nous ne voulons pas que le métier des artisans soit chiant et qu’ils effectuent toujours les mêmes tâches. Pour l’instant, nous ne fabriquons que pour notre propre marque, et cela fonctionne très bien. Nous nous finançons.”

Pour sa compagne, il s’agit d’un engagement éthique et environnemental : “On s’est dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire et qu’il y avait un problème avec le bilan carbone de la mode actuelle. Si on ne s’était pas lancés, les machines seraient sûrement parties au Maroc, on ne voulait pas lâcher cette belle endormie. Il n’y avait presque plus d’ateliers de fabrication en France. Il y a une dizaine d’années, le vent a commencé à tourner en faveur d’une mode plus responsable, davantage ‘Made in France’.

Afin de favoriser le circuit court et d’assurer une traçabilité, l’Atelier Tuffery privilégie le chanvre, le lin et la laine plutôt que la soie et le coton, qui viennent de loin. Une histoire particulière que le public japonais apprécie particulièrement selon le cogérant : “On exporte peu, ça représente 5 % de notre activité, mais sur ces 5 %, 98 % sont à destination du Japon. On s’est posé la question de l’éthique dans l’export. Mais quand on regarde le bilan carbone d’un envoi au Japon, on éclate tous les scores de la fast fashion.

Tuffery s’implante sur la Comédie

L’Atelier Tuffery sera ouvert sur la place de la Comédie jusqu’en janvier 2024, et le magasin de Montpellier s’inscrit comme la suite logique de celui déjà existant à Florac. Il souligne : Ce qui brille le plus, c’est ce qu’on voit le moins dans les vêtements. Il est important de venir à Florac, là où tout a commencé, les mains dans le cambouis. On comprend les enjeux locaux, environnementaux et les équipes de production, c’est pourquoi on est présents à Montpellier, car c’est la tête de proue d’un gros bateau. On ne doit pas assoir quelqu’un derrière une machine à coudre comme dans les années 60. La mode et la confection doivent se réinventer. Cette entreprise marche seulement parce que les mains qui fabriquent sont les mains qui vendent.

Des engagements alignés avec les principes de la Ville et de la Métropole. “La valeur de cet espace sur la place de la Comédie voudrait, dans toute autre ville, qu’une grande marque de fast fashion s’installe ici”, dénonce Julien Tuffery. “Mais, la mairie a pris la décision de nous prendre nous, de valoriser le commerce de proximité et de donner une valeur morale au cœur de ville. Nous avons investi un demi-million d’euros, rien n’est cher si c’est rentable.

Le couple beaucoup d’idées pour exploiter au maximum le lieu. “On aura des ateliers d’upcycling, de réparation et de couture, on va aussi lancer des rendez-vous sur-mesure. Et peut-être, qu’on installera des machines ici.”

Affiche Tuffery © Susie Carbone
Affiche Tuffery © Susie Carbone

Michaël Delafosse, le maire de Montpellier, a d’ailleurs déclaré : “L’installation de l’atelier Tuffery, fleuron de notre territoire, dans ce pop-up store, sera un nouvel atout pour la dynamique commerciale de l’Écusson et de notre ville”.

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