Montpellier : les nouveaux magistrats condamnés à une surcharge de travail
Les magistrats mutés ou nommés au Tribunal judiciaire de Montpellier ont été présentés à l’audience d’installation ce lundi 5 septembre. Un protocole marqué par les réquisitions alarmistes du procureur sur les carences du parquet.

Nouveaux magistrats © Mathieu Weisbuch
De nombreux hauts fonctionnaires de l’Etat se sont rendus au Tribunal judiciaire de Montpellier lundi 5 septembre pour assister à l’audience d’installation de 10 nouveaux magistrats, d’une directrice de greffe et de 4 greffières. Ces nouveaux arrivants ne complètent pas l’effectif insuffisant du Tribunal de Montpellier. Ils remplacent celles et ceux partis ou mutés. “Nous sommes tous satisfaits, car des départs de collègues non compensés par des arrivées corrélatives auraient fragilisé un peu plus la situation de la juridiction” dira en fin de séance la présidente du Tribunal Catherine Lelong.
Un parterre tout ouïe

Les places étaient chères ce lundi 5 septembre 2022. L’audience d’installation se déroule habituellement dans la grande salle d’audience. Mais, celle-ci était occupée par un procès exceptionnel réunissant 27 prévenus. Ils sont jugés pendant dix jours pour une affaire correctionnelle liée à un vaste trafic de drogue sur l’île de Thau, à Sète. La cérémonie d’accueil des nouveaux magistrats s’est donc tenue en plus petit comité avec quelques participants en visioconférence. Un auditoire réduit mais attentif aux réquisitions du procureur de la République de Montpellier Fabrice Belargent.
Respiration… transpiration
Avec des mots bien choisis, Fabrice Belargent a dressé l’état des lieux peu enviable du parquet de Montpellier. Un exercice réservé en principe à l’audience de rentrée de janvier. Car, celle de septembre est normalement “perçue comme un moment de joie, de respiration, de second souffle pour la juridiction”, a rappelé le procureur de la République. Or, aujourd’hui, elle semble ne pouvoir laisser transpirer qu’une “joie mitigée en ce qui concerne le parquet” a-t-il ajouté.

Et la transpiration a sans doute été le sujet de l’été au tribunal. Et aussi la seule façon de conjurer une climatisation défaillante pendant les épisodes caniculaires de juin à août. Un souci technique qui n’occulte pas pour autant la principale préoccupation du parquet : le manque de moyens humains. Car loin de combler un sous-effectif, les nouveaux magistrats remplacent tout juste les départs. Il reste en effet 3 postes vacants. Avec 18 magistrats, le Tribunal de Montpellier fonctionne avec 2 magistrats pour 100 000 habitants. Moins que la moyenne nationale de 2,4 et loin de la moyenne européenne de 11,25 magistrats pour 100 000 habitants.
“13 pour faire ce que 18 n’arrivent déjà pas à faire”
D’autant que le nombre d’affaires est en augmentation constante. “Même au complet, cela est trop juste pour faire face à toutes les missions et à l’augmentation des contentieux qui obligent à un surcroît de travail très au-delà du raisonnable pour nombre d’entre eux nous, magistrats comme greffiers, et à un nombre très important d’heures supplémentaires pour les fonctionnaires”, a déclaré la présidente du Tribunal Catherine Lelong. Un constat que le départ indispensable en formation de certains magistrats n’arrange pas. “Au mois de septembre nous ne serons que 13… 13 pour assurer le fonctionnement de ce parquet… 13 pour faire ce que 18 n’arrivent déjà pas à faire”, a prévenu le procureur Fabrice Belargent.
Vis ma vie de magistrat

Le procureur de Montpellier a pu croire qu’il était impuissant à mobiliser les pouvoirs publics lorsqu’il décrit les carences du Tribunal judiciaire de Montpellier. Au cours de ses réquisitions, il a cherché à renverser les rôles pour alerter les parlementaires présents dans la salle : “Je vous épargne l’ouverture prochaine d’une structure d’accompagnement… qui accueillera 150 détenus au cours de l’année 2023 et pour laquelle rien ne semble avoir été anticipé, jusqu’à il y a quelques moments”. Mais le procureur a gardé le meilleur pour la fin. Alors que la présidente croyait avoir prononcé le mot de la fin, Fabrice Belargent a souhaité exprimer une dernière réquisition. Il a appelé les nombreux représentants des pouvoirs publics de la salle d’audience, “ à venir au parquet, une journée, en immersion, pour voir le quotidien des magistrats”. Et sans doute aussi leur souhaiter la bienvenue.