Initiatives — Montpellier

Montpellier : les professions libérales réunies pour mieux accompagner les victimes de violence et de harcèlement

Il y en avait des choses à dire et à partager. Les 25 et 26 juin dernier, les professionnels libéraux de toute la France avaient rendez-vous pour une formation ambitieuse proposée par la Confédération nationale des Avocats : mieux accompagner ensemble les victimes de violence et de harcèlement. Retour sur les échanges.

Des pharmaciens, des médecins, des infirmiers, des victimologues, des associations d’aide, des associations contre l’exclusion, des urgentistes, des référents harcèlement en entreprise, des entreprises adaptées, des acteurs de l’éducation nationale, des médecins légistes, des masseurs-kinésithérapeutes, des artistes, des coachs, des psychologues, et bien sûr des avocats, voilà toutes les professions qui étaient réunies.

Violence et harcèlement, des situations toujours complexes

MF Hirigoyen en Visio
MF Hirigoyen en Visio

L’introduction par Marie-France Hirigoyen, psychiatre, psychanalyste et thérapeute familiale systémique, a tout de suite replacé la complexité de ces situations, sans oublier de rappeler que longtemps, les violences physiques étaient seules prises en compte. C’est l’évolution du ‘seuil de tolérance’ de la société qui a permis d’introduire la notion de harcèlement psychologique et d’aller même jusqu’à inscrire la notion « d’emprise » dans le Code pénal. Aux urgences tout comme dans un cabinet de kinésithérapie, entre l’état psychologique de la victime, sa prise de conscience et son état d’esprit, l’enjeu est de faire comprendre que « ce n’est pas normal et qu’il faut faire quelque chose ». Mais déjà sur ce point, certaines professions ne sont finalement pas tant formées sur ces aspects : le cycle de la violence, la définition de l’emprise, … Certains se sont même demandé pendant la formation s’ils n’étaient pas passés à côté de situations dangereuses pour leurs patients. Alors, comment travailler de façon pluridisciplinaire entre le secret médical, le secret professionnel, la non-assistance à personne en danger, l’éthique et la déontologie : la responsabilité de chacun est mise en jeu, et la victime reste en danger. En ce qui concerne les publics ‘fragiles’, les enfants, les majeurs protégés ou encore les personnes en situation de handicap, les choses sont d’autant plus complexes que le signalement est un devoir, tout en respectant au maximum la volonté de la personne protégée. Si des expériences ont été mises en place au niveau européen dans le cadre scolaire, avec des résultats encourageants sur la question de la prévention, dans le milieu des personnes protégées, la question du discernement se pose dans toute sa complexité psychologique et légale.

Des études, des actions et des manques de coordination

Tous ces professionnels eux-mêmes ne sont pas l’abri de devenir des victimes : 30% des kinésithérapeutes ont vécu un harcèlement sexuel, 50% des kinés ont vécu un harcèlement moral. Le gouvernement a désigné les pharmacies lieu pour recevoir les victimes et les signaler : un référent par zone a été mis en place pour être plus réactif. Sur les 60 000 pharmacies en France, 8% ont alerté les forces de l’ordre (soit 4800 signalements). Un exemple parlant a été débattu : une pharmacie appelle les forces de l’ordre qui demandent à l’auteur présumé de quitter le domicile conjugal. Mais où peut-il partir en quelques minutes ? Cette situation s’est déroulée dans un village. Le Maire a été mis à contribution et a finalement pu loger rapidement l’auteur présumé dans un camping à la sortie du village. D’un autre côté, le métier d’infirmier par exemple est l’un des ‘derniers’ à entrer dans l’intimité des gens, à l’intérieur leur domicile : avec ce ‘statut d’éclaireur’, comment peuvent-ils s’inscrire parmi toutes les professions d’accompagnants dans trahir leurs patients, leur déontologie ?
Autre chiffre marquant, à Montpellier, 500 victimes par an de violences conjugales. Le secret médical a été instauré dans l’intérêt du patient : il n’y a pas de médecine sans confiance, sans confidence, sans secret. Le médecin ne doit pas se substituer, mais encourager et accompagner la victime afin qu’elle garde son autonomie.

La pluridisciplinarité en question

Elisabeth Moiron-Braud MIPROF
Elisabeth Moiron-Braud MIPROF

Tous les participants ont convenu que malgré leur expertise, souvent de haut niveau, la difficulté rencontrée est finalement de pouvoir travailler ensemble de façon plus efficace pour la victime, sans trahir sa déontologie ni ses engagements. On notera par exemple l’intérêt pour l’avocat d’avoir un certificat médical initial le plus complet possible et factuel. Les difficultés sur la question du logement en urgence (les centres sont saturés). Le manque de formation sur le cycle de la violence et la psychologie de la victime, finalement pour presque tous les métiers. Le manque de lien et d’informations entre ces professionnels libéraux et les associations d’aide sur le terrain : une cartographie territoriale pourrait aider. La mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a créé des guides pédagogiques pour orienter les professionnels, c’est un très bon début. On retiendra de tous ces échanges que la pluridisciplinarité se construit avant tout sur le terrain, dans la pratique.

Et en entreprise, que se passe-t-il ?

L’État a instauré l’obligation de désigner un référent harcèlement dans toutes les sociétés de plus de 11 salariés (mise en place du CSE). Même si les référents disposent de quelques formations proposées, leur travail au quotidien est délicat : que doivent-ils faire au niveau de la prévention ? Comment réagir si une situation de harcèlement apparaît ? Faut-il externaliser le suivi ? De quels outils le référent harcèlement disposent-ils ? Toutes ces questions pratico-pratiques ont trouvé des débuts de réponse par des échanges de bonnes pratiques. Mais vraisemblablement, il faudra aller plus loin. D’autres acteurs comme le médecin du travail peuvent également jouer un rôle d’accompagnant, à la fois pour le chef d’entreprise, mais également pour les salariés concernés. Une telle situation peut déstabiliser toute la structure et laisser des traces profondes. Mais le mot ‘harcèlement’ reste un tabou, un gros mot : il ‘ne faut pas faire de vague’. Là encore la responsabilisation de tous passe par la formation, la sensibilisation. Le projet de création d’un réseau de référents harcèlement serait en cours de lancement, à la suite des ateliers réalisés sur le sujet dans le cadre de cette formation.

La suite

Pour les co-organisatrices, Karline Gaborit, Vice-présidente de la CNA, Bénédicte Bury, présidente de l’URAPL île de France et Danielle Morel, Vice-présidente de la Fédération des mandataires judiciaires : « nous avons réussi à mobiliser la pluridisciplinarité nécessaire pour faire avancer les choses. L’envie de coconstruire est là, chacun a identifié les contraintes des autres. Reste à définir la suite, notre organisation et nos liens à développer. C’était pour nous un défi (3 reports à cause de la crise sanitaire, CQFD), nous pensons avoir réussi cette première phase. Nous réfléchissons à la mise en place de formations complémentaires, voire même à en faire un rendez-vous annuel. Tous les participants, bien qu’ils aient appris déjà beaucoup selon leurs dires, sont en attente de plus, de liens réguliers. Nous y travaillons déjà ».
La formation est disponible en ‘replay’ pendant l’été ( https://cna-avocats.fr/formations/professionnels-liberaux-avec-victimes-25/ ), vous pouvez encore vous inscrire.

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