Mortalité des huîtres juvéniles : l'Ifremer décrypte le processus

Un article scientifique, publié dans Nature Communications, permet désormais de comprendre les épisodes de mortalité massive qui touchent les huîtres juvéniles. Les scientifiques du laboratoire Interactions hôtes-pathogènes-environnements de l'Ifremer/CNRS/ Université de Perpignan via Domitia/Université de Montpellier, en ont décrypté le processus.

En forte augmentation depuis 2008, les attaques par un virus causant la prolifération mortelle de bactéries touchent les huîtres juvéniles et causent des pertes majeures pour le secteur économique de la conchyliculture. Les chercheurs révèlent que les huîtres savent déclencher des mécanismes de défense face au virus, certaines à temps pour survivre, d’autres de manière trop tardive. Explications.

Cet article scientifique, publié dans Nature Communications, par les scientifiques du laboratoire Interactions hôtes-pathogènes-environnements (Ifremer/CNRS/ Université de Perpignan via Domitia/Université de Montpellier) permet désormais de comprendre les épisodes de mortalité massive qui touchent les huîtres juvéniles, en particulier depuis 2008.

Tout commence par une attaque virale

L’herpesvirus OsHV-1 s’introduit dans l’huître juvénile. Dans les 24h à 48h qui suivent, le virus se multiplie intensément et gagne les cellules immunitaires de l’huître. Cette réplication virale affaiblit les défenses antibactériennes de l’huître, l’équilibre de la flore bactérienne – le microbiote – est déstabilisé et des bactéries pathogènes prolifèrent dans l’animal. Après 48h, ces bactéries pathogènes gagnent l’ensemble des tissus de l’huître et entrainent sa mort. Dès 68h après l’infection virale, les huîtres succombent.

Pour reconstituer un tel scénario de manière complète, une première tant ces processus infectieux sont complexes, les scientifiques ont étudié des familles d’huître produites dans le cadre d’un projet de recherche : des familles résistantes, issues de parents ayant déjà survécu à la maladie, et des familles sensibles, issues de parents n’y ayant jamais été exposés. Ils ont ensuite reproduit en conditions expérimentales les processus infectieux observés dans les parcs à huîtres et ont procédé à un ensemble d’analyses moléculaires et tissulaires permettant de décrypter les processus d’infection mais aussi certains modes de résistance de l’huître creuse.

Ils ont ainsi découvert que les huîtres résistantes, contrairement aux sensibles, parviennent à juguler l’infection virale dans leurs tissus, en réduisant la réplication du virus. Elles connaissent peu ou pas de réplication virale et pas non plus de flambée bactérienne comme chez les huîtres sensibles.

Pourquoi ces dernières ne parviennent-elles pas à se défendre ?

apporte des réponses : ces huîtres sensibles développent bien une réponse antivirale forte, mais trop tardive. Quand le virus a commencé à se répliquer, l’huître ne peut plus lutter. Une inefficacité qui s’explique aussi par l’inhibition d’un processus de défense naturel, l’apoptose : normalement, la cellule d’un individu sain s’autodétruit quand elle est contaminée par un agent infectieux. Ici, le virus est capable d’empêcher la mise en œuvre de ce mécanisme, les cellules contaminées ne meurent pas, et la réplication du virus s’en trouve accrue.

2008-2018 : 10 ans d’épisodes de mortalité massive d’huîtres creuses juvéniles

La principale espèce d’huître exploitée en France et dans le monde, Crassostrea gigas, subit des mortalités très importantes depuis 2008. Ces mortalités affectent particulièrement les stades naissains (huîtres de moins d’un an) partout en France mais aussi dans d’autres pays.
L’Ifremer effectue un suivi de ces mortalités à l’échelle nationale, grâce à des lots sentinelles standardisés de plusieurs classes d’âge, disposés
sur 6 sites pilote du littoral. Les résultats montrent que les mortalités restent soutenues d’année en année pour le naissain de moins d’un an :
elles sont supérieures en moyenne à 50 %, avec un maximum atteint en 2011 (75 %). Selon les zones, jusqu’à 90 % de cette classe d’âge peut être ainsi décimé.

En 2018, les mortalités pour cette classe d’âge sont comparables aux années passées.


Nos articles parus

Bassin de Thau, aides aux ostréiculteurs
Bassin de Thau / Conchyliculture : modalités des demandes d’aide « Mortalités exceptionnelles des jeunes huîtres »


+ d’infos

Site web Ifremer

 


Titre de la publication : Immune-suppression by OsHV-1 viral infection causes fatal bacteremia in Pacific Oysters
Auteurs : Julien de Lorgeril1, Aude Lucasson1, Bruno Petton2, Eve Toulza1, Caroline Montagnani1, Camille Clerissi1, Jeremie Vidal-Dupiol1, Cristian Chaparro1, Richard Galinier1, Jean-Michel Escoubas1, Philippe Haffner1, Lionel Degremont3, Guillaume M. Charrière1, Maxime Lafont1, Abigaïl Delort1, Agnès Vergnes1, Marlène Chiarello4, Nicole Faury3, Tristan Rubio1, Marc Leroy1, Adeline Pérignon5, Denis Régler5, Benjamin Morga3, Marianne Alunno-Bruscia2, Pierre Boudry6, Frédérique Le Roux7, Delphine Destoumieux-Garzόn1, Yannick Gueguen1, Guillaume Mitta1

1 IHPE, Université de Montpellier, CNRS, Ifremer, Université de Perpignan Via Domitia, Place E. Bataillon, CC080, 34095 Montpellier, France and 58 Avenue Paul Alduy, 66860 Perpignan, France (mitta@univ-perp.fr, jdelorge@ifremer.fr, yannick.gueguen@ifremer.fr)

2 Ifremer, LEMAR UMR 6539, UBO/CNRS/IRD/Ifremer, 11 presqu’île du vivier, 29840 Argenton-en-Landunvez, France
3 Ifremer, Laboratoire de Génétique et Pathologie des Mollusques Marins, Avenue du Mus de Loup, 17930 La Tremblade, France

4 Marine Biodiversity, Exploitation and Conservation (MARBEC), CNRS, IRD, Ifremer, Université de Montpellier, Place E. Bataillon, CC080, 34095 Montpellier, France

5 CRCM, Comité de la Conchyliculture de Méditerranée, Quai Baptiste Guitard, 34140 Mèze, France.
6 Ifremer, LEMAR UMR6539, CNRS/UBO/IRD/Ifremer, ZI pointe du diable, CS 10070, F-29280, Plouzané, France

7 Ifremer, Sorbonne Universités, UPMC Paris 06, CNRS, UMR 8227, LBI2M, Station Biologique de Roscoff, Place G. Teissier, 29680 Roscoff, France

Résultats acquis dans le cadre du projet ANR DECIPHER (Déchiffrage des maladies multifactorielles: cas des mortalités de l’huître, ANR-14-CEI9-0023).

DOI 10.1038/s41467-018-06659-3. A retrouver sur www.nature.com/ncomms

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.