Vie des professions

Notaires de l’Hérault, Me Gilles Gayraud : « assurer la sécurité juridique des Français avant tout »

Me Gilles Gayraud, président de la Chambre départementale des notaires de l’Hérault, dresse pour l’HJE un bilan de l’année 2020 et de ses enseignements, et évoque une année 2021 qui s’ouvre sur beaucoup d’incertitudes, pour la situation économique des Français mais également pour les notaires.

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Me Gilles Gayraud, président de la Chambre départementale des notaires de l’Hérault

Pouvez-vous faire un rapide bilan de l’année 2020 et de la situation des offices dans l’Hérault ?

Me Gilles Gayraud : « Pour le notariat en général et le notariat héraultais, l’année 2020 a été difficile. Comme toutes les entreprises, les offices notariaux héraultais ont subi de plein fouet les conséquences de la pandémie de Covid-19. Lors du premier confinement, les offices notariaux ont dû fermer leurs portes. Nous avons subi cet arrêt économique de façon frontale, ce qui a créé quelques problèmes économiques pour certaines études. Dès la fin du confinement, il y a eu un rebond technique quant à la signature des actes. Mais le retard pris ne sera pas rattrapable. »

Qu’en est-il du point de vue immobilier ?

Me Gilles Gayraud : « Concernant l’immobilier, 2020 a été une année chargée d’incertitudes : des actes ont été signés, mais au final elle ne sera pas aussi catastrophique que ce que la profession l’envisageait. Dans le département de l’Hérault, le marché immobilier est soutenu, aussi bien pour des acquisitions et ventes de résidences principales qu’en locatif. »

Quels enseignements professionnels tirez-vous des confinements ?

Me Gilles Gayraud : « Cette crise sanitaire nous a confirmé certains enjeux qui se profilaient pour la profession, comme la nécessité de prendre le virage du numérique. Elle nous a confortés dans le fait qu’il faut développer nos entreprises sur le numérique pour que nous puissions garder notre mission de service public au plus haut niveau. Au plan national comme au niveau héraultais, 95 % des actes sont désormais effectués sur support électronique. Depuis dix-huit mois, nous constatons le développement croissant de l’acte à distance. Il s’agit d’un acte reçu par 2 notaires en présence de leurs clients, mais chacun dans leur étude. L’acte à distance est un facteur de fluidité et de confort ; il évite les déplacements.

Le premier confinement a conduit au développement exponentiel de la visioconférence dans nos études. Alors qu’avant le confinement, seulement 10 à 15 % des études étaient équipées pour la visioconférence, maintenant, 75 % des études sont équipées. Il a fallu seulement quelques mois pour cela. Nos instances supérieures espèrent que 100 % des études seront équipées pour effectuer des visioconférences dans le courant de l’année 2021, ou au pire en fin d’année. »

Sur le plan numérique encore, l’acte de comparution à distance a été pérennisé…

Me Gilles Gayraud : « En effet, les pouvoirs publics ont accordé une grande marque de confiance aux notaires avec le décret du 20 novembre 2020 pérennisant l’acte de comparution à distance, pour la procuration authentique uniquement.

Ainsi, désormais, un notaire peut établir l’acte avec ses clients, connectés au moyen d’une connexion sécurisé. Cela fluidifie, facilite et sécurise les rapports juridiques avec les clients. La procuration authentique à distance permettra de continuer à travailler en cas de troisième vague de la pandémie, s’il y en a une, comme on nous l’annonce. Elle assure la sécurité juridique et la continuation de l’activité économique, et satisfait le besoin de proximité des citoyens. Elle résout les difficultés rencontrées par les Français expatriés à l’étranger depuis la disparition des fonctions notariales des consuls en 2019. Le fait que les consuls aient perdu cette fonction notariale obligeait les expatriés à prendre un billet d’avion et à se rendre en France, ce qui n’était pas une solution idéale : c’était à la fois une perte de temps et, en cette période de pandémie, les frontières ont parfois été bloquées, empêchant les expatriés de se déplacer.

J’insiste sur le fait que la pérennisation de l’acte de comparution à distance est une marque de confiance importante de la part des pouvoirs publics, car les notaires sont la seule profession qui bénéficie de cette prérogative. J’espère que les pouvoirs publics étendront cet acte de comparution à distance à tous les actes qui font l’objet de notre mission (VEFA, ventes, donations…). »

Ne craignez-vous pas une déshumanisation des échanges avec votre clientèle ?

Me Gilles Gayraud : « Le tout numérique ne doit absolument pas faire perdre le sens humain de nos professions, surtout en cette période de crise sanitaire, où les Français peuvent avoir besoin de proximité avec leur notaire. Selon moi, l’acte de comparution à distance répond à ce besoin de proximité, car il assure un contact visuel avec la personne et nous permet de mener à bien notre mission de conseil. »

Quels sont les grands enjeux et les perspectives pour la profession en 2021 ?

Me Gilles Gayraud : « Personne aujourd’hui ne peut se risquer à faire un pronostic. On nous annonce une troisième vague de pandémie, des faillites en 2021. Nous sommes comme tout le monde, nous attendons de voir. En 2021, nous avions prévu des événements, mais nous y allons à pas de velours, sans savoir s’ils pourront avoir lieu. Pour les vœux et la présentation de la loi de finances fin janvier 2021, nous réfléchissons à un mode d’organisation numérique, afin de ne pas couper le lien avec nos clients. La chambre départementale des notaires de l’Hérault est en train de mettre en place les réseaux sociaux qui nous manquaient ; les permanents de la chambre et les notaires se forment… Comme 2020, 2021 sera une année de transition pour garder le lien avec les Héraultais si le présentiel est de nouveau mis à mal. »

Que pensez-vous de l’arrivée éventuelle de nouveaux notaires ?

Me Gilles Gayraud : « Notre démographie est exponentielle au niveau notarial, du fait de la loi croissance. Il y a eu 40 % d’offices supplémentaires et 50 % de notaires en sus en trois ans en France. Quelle profession pourrait absorber un tel choc ? Les pouvoirs publics souhaitent continuer dans cette voie. Pour assurer la sécurité juridique des Français, il vaudrait mieux pérenniser les nouveaux offices. Les citoyens français recherchent la sécurité juridique avant tout !

En 2021, on annonce des faillites, il y a des incertitudes concernant le marché immobilier. Or, les nouvelles études notariales vivent de l’immobilier. J’émets le vœu que les pouvoirs publics nous entendent et attendent cinq à six ans pour savoir si ces entreprises notariales seront pérennes. Je regrette que jusqu’à présent, le ministère de la Justice ait uniquement consulté l’autorité de la concurrence et qu’il n’ait pas mené une réflexion avec les notaires pour assurer la pérennité des entreprises notariales créées. »

Propos recueillis par Virginie MOREAU
le 23 décembre 2020
vmoreau.hje@gmail.com

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