Nouveau droit des contrats : quel impact sur le numérique ?

L’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain, aura de nombreuses répercussions dans le secteur du numérique. Elle vise essentiellement à une meilleure lisibilité et une plus grande accessibilité du droit, avec un véritable effort de simplification.

La réforme du droit des contrats s’inspire de la jurisprudence, et de différents projets de loi et propositions tant au plan national qu’européen. Elle vise également à répondre à différentes problématiques dans lesquelles le droit contractuel français était considéré comme plus faible au regard du droit anglo-saxon. Certaines dispositions auront un impact sur l’économie numérique, où les contrats sont légion, tant dans la relation entre les clients et prestataires qu’entre les clients et éditeurs, que dans l’usage de solutions SaaS, IaaS ou PaaS. Cette réforme insiste également beaucoup sur la forme des contrats, notamment pour qu’ils s’adaptent au numérique.

De façon non exhaustive, les considérations suivantes ne manqueront pas d’intéresser tout rédacteur ou signataire de contrat.

Une nouvelle typologie des contrats et des représentations

L’ordonnance classe les contrats selon de nouvelles catégories touchant particulièrement une économie de services et à distance. Ainsi, le Code civil reconnaît expressément la distinction entre les contrats de gré à gré et les contrats d’adhésion (article 1110), les contrats cadres et les contrats d’application (1111), les contrats à titre onéreux ou gratuit (1107), les contrats à exécution instantanée et à exécution successive (1111-1). La distinction entre le mandat et le contrat de commission est clairement posée, s’agissant pour le premier d’une représentation parfaite et pour le second d’une représentation imparfaite.

Le devoir d’information est généralisé. Il concerne particulièrement le secteur des technologies, où l’une des parties est souvent davantage informée que l’autre.

L’offre doit répondre à certaines conditions de forme. Ainsi, à la différence de l’entame des négo- ciations, elle doit comprendre tous les éléments essentiels du contrat à venir. Si elle n’est pas acceptée en l’état, il s’agit d‘une contre-proposition n’engageant pas son auteur. Sa rétractation est possible.

Les conditions générales et contrats d’adhésion doivent être acceptés de façon expresse. De même, en présence de conditions particulières, celles-ci l’emportent sur les conditions générales. Il s’agira donc de s’attarder sur les moyens de preuve du consentement. Ces conditions générales s’analysent, le plus souvent, en contrat d’adhésion (c’est-à-dire un contrat dont les conditions générales sont déterminées à l’avance par l’une des parties).

En cas d’ambiguïté, le contrat d’adhésion doit s’interpréter contre celui qui l’a proposé, donc en faveur de celui qui a accepté le contrat. Une solution propre au droit de la consommation est ici reprise.

Le commerce électronique

Les textes spécifiques au commerce électronique n’ont pas été modifiés. Le formulaire électronique est validé, ainsi que le recours à l’impression, quand la loi exige plusieurs exemplaires.

L’abus de dépendance est consacré par la réforme. Il s’agit d’une forme de violence économique. Cette évolution dans l’interprétation des vices du consentement peut trouver un écho dans certaines situations dans lesquelles l’une des parties peut voir son activité mise en péril suite à un litige avec un prestataire relatif à un nom de domaine, à l’accès à une solution, etc. L’article 1143 du Code civil caractérise la situation dans laquelle « une partie, abusant de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve son contractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».

La qualité des prestations. Selon l’article 1166 du Code civil, la qualité de la prestation doit être conforme aux « attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie ». Une attention toute particulière devra être portée par les rédacteurs d’actes aux attentes des parties en termes de qualité. Il appartiendra au créancier de préciser ce qu’il espère en matière de qualité de la prestation. Les SLA peuvent apporter un début de réponse. La distinction entre obligation de moyen et de résultat n’est pas reprise.

La renégociation du contrat

La théorie de l’imprévision a été introduite dans le Code civil. De nombreux projets informatiques se sont trouvés confrontés à des circonstances nouvelles sans possibilité de réviser le contrat. Dorénavant, face à un contrat à exécution successive, une partie peut demander une renégociation du contrat en cas de changement de circonstances imprévisibles, rendant notamment l’exécution excessivement onéreuse, dès lors que les conditions économiques auront changé.

Les clauses limitatives de responsabilité pourront être rédigées avec davantage de parcimonie, dans la mesure où « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite » (art. 1170).

La nullité du contrat

La nullité peut dorénavant être prononcée par les parties (art. 1178) et non plus seulement par le juge. Une action interrogatoire inédite a été mise en place (art. 1183). Il s’agit de la faculté pour une partie de demander à l’autre de confirmer le contrat ou de lui demander d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. Cet article pourrait trouver différentes applications en matière de propriété intellectuelle, domaine dans lequel les contraintes rédactionnelles sont importantes.

Les contrats interdépendants. Le monde de l’informatique connaît de nombreuses relations triangulaires, voire avec de multiples contrats liés les uns aux autres, entre le matériel, les logiciels, les outils SaaS, les plates-formes IaaS, etc. Ces situations ont donné lieu à une jurisprudence abondante. La réforme consacre le principe de l’ensemble contractuel. Si un contrat qui constituait une condition déterminante disparaît, les autres contrats interdépendants deviennent caducs (art. 1186). Cette disposition clarifiera certaines situations en matière de crédit-bail informatique, outil juridique fortement utilisé.

Blandine POIDEVIN,
avocat au barreau de Lille

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