Parlement : les solutions macronistes pour les mobilités

Alors que la loi d’orientation des mobilités (LOM), discutée au Parlement, promet une desserte de « 100 % du territoire », un député influent de la majorité expose ses recettes disruptives pour les transports du futur. Eclairage.

Permis de conduire, trains régionaux, covoiturage, applications pour smartphone, trottinettes, vélo… La loi d’orientation des mobilités (LOM), votée par le Sénat, le 2 avril, par les groupes LR et LREM et discutée par l’Assemblée nationale à partir du 14 mai prochain, est une loi fourre-tout, et c’est normal. Compte tenu de la diversité des modes de transport et des territoires qu’ils desservent, de la multiplicité des acteurs et des a priori des législateurs sur ce sujet qui concerne tout le monde, il serait inconcevable qu’un texte sur la mobilité tienne sur trois petites pages.

La ministre des Transports, Elisabeth Borne, s’est immédiatement réjouie de l’étape franchie par sa loi au Sénat. Il faut dire que les sénateurs lui ont rendu un fier service en sécurisant un financement jusqu’alors aléatoire. Ainsi, dans l’état actuel du texte, l’intégralité de la hausse de la taxe sur les carburants depuis 2015 est affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), chargée de coordonner les choix d’investissement.

Le texte, censé, selon le gouvernement, apporter « une réponse forte aux fractures territoriales et sociales qui minent notre pays depuis des décennies », ressemble, à première vue, à une réaction aux revendications territoriales du mouvement des « gilets jaunes ». Ses 50 articles proposent ainsi une mobilité « sur 100 % du territoire », abaissent le coût du permis de conduire et statuent sur la limitation de vitesse sur les routes départementales. Mais, comme le rappelle volontiers Elisabeth Borne, la LOM résulte en réalité d’une consultation menée à l’automne 2017, lors des Assises de la mobilité. Elle trouve surtout son origine dans une promesse d’Emmanuel Macron, qui ne souhaite plus financer de lignes à grande vitesse, au profit des « transports du quotidien ».

Privatiser les routes

Mais ces grands principes se sont heurtés au granit de la réalité. La réforme de la SNCF et la fin du statut des cheminots ont été jugées prioritaires par le président de la République, le passage à 80 km/h fait l’objet d’une forte contestation, les lignes ferroviaires secondaires n’ont cessé de décliner, et la taxation du carburant a été abandonnée après le premier rond-point des « gilets jaunes ». Député LREM de Haute-Vienne, Jean-Baptiste Djebbari est bien placé pour développer les vues de la majorité en matière de transports. L’élu de 37 ans est l’un des piliers de son groupe, désigné « whip », comme disent les députés marcheurs, terme que l’on pourrait traduire par « chien de berger ». Ancien pilote de ligne, il fut le rapporteur, en 2018, de la réforme ferroviaire. S’il n’est pas l’un des cinq rapporteurs de la LOM à l’Assemblée, sa voix comptera au moment de la discussion.

Devant l’association des journalistes des transports et de la mobilité (AJTM), le 2 avril, Jean-Baptiste Djebbari a fait part de ses doutes quant au financement de la loi. Aux 500 millions d’euros annuels nécessaires pour les infrastructures, se sont ajoutés, ces derniers mois, 200 millions de manque à gagner consécutif à la destruction des radars par les « gilets jaunes ». Et il va encore falloir débourser plusieurs centaines de millions d’euros pour réparer lesdits radars. « La ministre croit toujours à une vignette sur les poids-lourds », indique le député, qui craint toutefois une réaction populaire. « On a travaillé à d’autres voies de financement », poursuit-il. Cela n’étonnera sans doute pas de la part d’un vaillant macroniste, l’élu songe à un « partenariat public-privé » avec les sociétés du bâtiment et des travaux publics. En d’autres termes, il s’agit de privatiser des routes nationales.

Jean-Baptiste Djebbari prend un exemple dans sa circonscription. « Cela fait quarante ans que les élus réclament le passage à deux fois deux voies de la nationale 147 entre Limoges et Poitiers, très accidentogène. Il faudrait un milliard d’euros d’argent public qui n’arrivera jamais. » Le député a demandé à des entreprises du secteur de la construction une « étude de concessionnabilité ». Une mise à niveau de la voie réclamerait « une vingtaine d’euros aller-retour » à chaque usager. La logique peut se comprendre : les routes sont aujourd’hui financées par l’ensemble des contribuables, et non par leurs utilisateurs. Mais un tel montant pourrait-il être accepté facilement dans une région où les automobilistes, loin des métropoles, sont habitués depuis toujours à rouler sans payer ? Le député évacue l’objection d’un revers de main : « vous savez, on parle de tout cela dans les réunions publiques ».

Insécurité routière

Pour la plupart des députés, toutefois, l’examen de la LOM risque de se limiter à trois sujets susceptibles de déclencher des discussions dans leur élec- torat : la vitesse sur les routes départementales, le sort des lignes ferroviaires peu fréquentées et « les prismes très locaux, comme la propulsion à hydrogène », portée par les députés des circonscriptions où se trouve un centre de production, reconnaît le « whip » de LREM.

Sur l’épineux sujet des 80 km/h, le député se montre souple. Il est partisan, comme le Sénat, de laisser les conseils départementaux décider sur quelles portions de routes la mesure doit s’appliquer. Les conséquences en matière de sécurité routière – qui pâtit également de la destruction des radars – risquent d’être dramatiques. En février, le nombre des accidents a bondi de 22 % et le nombre de tués de 17 % par rapport au mois de février 2018. « Ils assumeront », tranche le député.

Pour les lignes ferroviaires, Jean-Baptiste Djebbari mise sur la disruption. Il envisage de faire appel à « des trains légers, nécessitant moins de maintenance », voire d’« enlever les rails et de faire circuler des bus à haut niveau de service ». Selon lui, « le ferroviaire a un champ de croissance devant lui, en s’appuyant sur les données et la mobilité partagée ».

Par ailleurs, la taxation du kérosène a fait son apparition dans le débat public, et « c’est devenu un objet politique qu’il faut traiter », admet l’élu. Il estime que la taxation des vols intérieurs reviendrait à « faire contribuer des compagnies, que l’on subventionne par ailleurs au nom de l’aménagement du territoire ». Selon lui, « l’avion présente une vraie complémentarité avec le train ». Et tant pis si, pour un trajet Biarritz-Paris ou Rennes-Lyon, d’une durée de quatre heures, les billets de train demeurent souvent moins chers que ceux de l’avion, au carburant non taxé.

Olivier RAZEMON

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