Philippe Marrec, Business France : « La dématérialisation de la commande publique passe en mode international »

Depuis le 1er octobre, tous les marchés publics excédant 25 000 € ont pour obligation législative d’être dématérialisés pour rester dans la légalité du Code des marchés. Entretien avec Philippe Marrec, directeur du département Stratégies et informations marchés de Business France.


La commande publique à l’international est-elle privilégiée par les entreprises françaises, et sera-t-elle aidée par la dématérialisation désormais en vigueur ?

« La dématérialisation reste un sujet primordial. Aujourd’hui, les marchés publics internationaux sont assez négligés par les entreprises françaises, c’est un mode d’internationalisation encore peu connu. Nos entreprises réfléchissent avant tout à gagner des parts de marchés en recherchant des contrats avec des sociétés privées, ou en s’implantant à l’international, voire en créant des joint ventures. Et le fait de pouvoir avoir accès de façon complètement dématérialisée à des appels d’offres internationaux va dans le bon sens, qu’ils soient financés par l’Union européenne (appels d’offres intracommunautaires ou appels d’offres pour l’aide extérieure de l’UE, et dans ce cas une publication au Journal Officiel de l’Union est obligatoire) ou non. »

N’est-ce pas aussi la porte ouverte à une concurrence plus active ?

« Bien sûr, ça ne peut qu’ouvrir à une certaine forme de concurrence, mais le fait est loin d’être nouveau : le Code des marchés publics européens stipule que toute entreprise enregistrée dans l’espace de l’Union européenne a le droit de répondre à un marché public lancé par un adjudicateur émanant d’un autre pays de l’Union. La dématérialisation va mettre un peu plus de fluidité ; elle va surtout favoriser les entreprises les plus réactives au moment du positionnement, et ça vaut pour les entreprises françaises comme pour les sociétés étrangères qui voudraient profiter des appels d’offres lancés en France. »

Les marchés publics à l’international sont-ils sous-exploités ?

« Ce que j’aime rappeler dans le cadre de nos activités Business France, dans nos actions de soutien aux PME françaises sur le volet des marchés publics à l’international, c’est que le volume annuel d’achat pour tous ces marchés publics représente à peu près 9.000 milliards de dollars, ce qui correspond à la moitié du PIB des Etats-Unis… Ça n’est qu’un ordre de grandeur, certes, mais les marchés publics, dans une économie, continuent à représenter 10 à 15 % du PIB ; ça n’est pas rien, c’est loin d’être négligeable. »

Où se positionner en priorité ?

« Il y a une répartition traditionnelle en trois grandes catégories de marchés, à l’international comme en France : les travaux, les biens/équipements et les services. En France, nous avons beaucoup de PME-TPE, mais aussi beaucoup de sociétés d’ingénierie qui peuvent intervenir sur des contrats de services, ce qui peut être particulièrement intéressant dans le cadre de la dématérialisation, pour des entreprises de petit taille qui ont désormais l’accès à ces informations. Ce que l’on constate, c’est que généralement, quand on accompagne les entreprises françaises, par exemple sur le secteur des services à l’international, sur des projets financés par des bailleurs de fonds, c’est qu’on a souvent un groupe d’entreprises récurrent qui soumissionne. Un petit noyau d’habitués. La dématérialisation pourrait faire entrer dans la boucle d’autres entreprises, et c’est extrêmement important pour notre économie. »

Sommes-nous compétitifs ?

« Il y a de nouvelles concurrences avérées, chinoise, turque, marocaine. Mais le facteur prix n’est pas le seul qui prime, il y a aussi le facteur références, et dans les pays d’Afrique francophone, il existe des spécifications (sortes de cahiers des charges) inspirés des procédures françaises, notamment pour l’évaluation technique des projets. Tout cela peut favoriser certains fournisseurs hexagonaux ; la partie est loin d’être perdue. Mais dans d’autres secteurs, la situation est très sensible. Quoi qu’il en soit, le syndrome du village gaulois renfermé sur lui-même est à bannir ; les sociétés françaises doivent se projeter davantage à l’export. Et puis nous avons de grands groupes de travaux qui peuvent intégrer des sous-traitants dans leurs projets. Une implantation dans le pays visé n’est pas toujours nécessaire ; tout dépend de la taille des marchés. »

Que propose Business France ?

« La grande partie de nos activités, c’est de la mise en relation, via un certain nombre d’événements annuels que nous organisons à l’étranger ou en France, pour permettre à des entreprises françaises de rencontrer des donneurs d’ordre, des bailleurs de fonds, comme des banques de développement, Banque Mondiale, Banque asiatique de développement, Banque africaine… A Paris, nous montons aussi un certain nombre d’ateliers de travail pour rappeler régulièrement les procédures pour soumissionner sur ce type d’appels d’offres. Nous travaillons beaucoup avec l’Agence Française de Développement, le principal bailleur français, ou avec les centrales d’achats de l’OTAN ou certaines agences de l’ONU. Au-delà, nous avons une grosse activité d’information via nos publications, nos fiches descriptives pour présenter les grands enjeux, pour saisir les opportunités. Côté formations, nous travaillons avec Formatex pour roder les sociétés à la réponse aux appels d’offres internationaux. Nous disposons de relais en régions, qui vont monter en puissance avec la création de Team France Export, structure qui rassemble, sous l’égide des régions, via le Guichet unique, les conseillers en développement international des Chambres et les experts Business France dans l’optique de s’adresser conjointement et de manière harmonisée aux exportateurs potentiels. Il s’agit là de répondre à l’objectif du gouvernement de dénicher de nouveaux exportateurs dans les territoires et d’augmenter le volume de nos exportations. Nul doute que l’accès renforcé aux marchés publics à l’international peut servir cette cause… »

Propos recueillis par Isabelle AUZIAS
pour RésoHebdoEco
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