Procès Charlie Hebdo : chronique de Me Szwarc, avocate montpelliéraine (jour 4)

Me Catherine Szwarc, avocate montpelliéraine, participe actuellement, devant la Cour d'assises spéciale de Paris, au procès des tueries terroristes qui ont décimé notamment la rédaction de Charlie Hebdo du 7 au 9 janvier 2015. Elle livre, jour après jour, ses impressions dans ce procès où comparaissent 11 accusés (3 terroristes étant encore en fuite).

7 septembre 2020

7h00 – Assise dans le métro, concentrée sur l’oignon épluché dimanche. La peau part facilement en craquant puis mon couteau tranche chaque lamelle fine. L’odeur douce des Cévennes se diffuse. Le bonheur d’un geste simple, du quotidien.
Aujourd’hui nous aborderons les faits. Je vais plonger dans les entrailles du tribunal et ce sera douloureux. Je m’y attends.
Alors, dans les grincement stridents du métro, je profite encore un peu de la douceur d’H. faisant de la patisserie. Fée clochette sous ses ordres, je lui sers les ingrédients, les récipients – découper, nettoyer, allumer le four, compter le temps, surveiller – tandis qu’à son poste de commandement, il prépare en regardant des tutoriels YouTube.
9h30 – Finalement, interdiction d’enlever les masques. Note du Premier ministre ! Mise au point sur l’audition des parties civiles. La victime que j’assiste parlera demain.
10h00 – Les rouages de l’enquête, la synchronisation des équipes, la chronologie sont expliqués par le représentant de la section antiterroriste de la brigade criminelle : les appels, les recherches, les investigations, le temps qui presse, l’arrivée sur les lieux… Le carnage. Son vocabulaire est riche. Il décrit et détaille les tirs reçus par chaque victime, d’avant en arrière, d’arrière en avant, dans le crâne, dans le thorax… à bout portant. Une minute quarante-quatre de massacre, d’exécutions, de barbarie.
Pour étayer ses explications, des Powerpoint®, des schémas. Un plan des locaux de Charlie Hebdo, un plan des rues autour, des photos de la salle de rédaction après la tuerie. Les corps sans vie baignés dans le sang. Les scellés sont ouverts et les images de la vidéosurveillance diffusent l’arrivée des frères Kouachi dans les locaux. La première exécution.
Puis une vidéo (amateur) sur leur fuite envahit le grand écran déroulé. Le son semble être au maximum. Les coups de feu résonnent autour de nous. Un policier est à terre. Il lève la main. C. Kouachi, suite à un coup de feu tiré dans sa direction, fait demi-tour et l’achève. La balistique dira que ce policier n’avait pas fait usage de son arme.
Tout cela se déroule sous nos yeux. Certaines victimes sont sorties de la salle avant la diffusion. Nous sommes restés avec les autres. A cet instant, nous ne formons qu’un. Liés dans la douleur. Que pensent les accusés à cet instant ?
Nous apprendrons ensuite qu’une procédure contre A. Coulibaly et C. Kouachi pour des images pédopornographiques dans leur ordinateur avait été classée sans suite… Clôture de la journée par une demande de mise en liberté d’un des accusés… Plus rien n’a d’importance à cet instant.
Je revois l’oignon découpé en fines lamelles. Il ne m’avait pas fait pleurer.
Il est minuit.
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