Prud’hommes : une nouvelle procédure

Dans le cadre de la loi Macron, le fonctionnement de la juridiction a été retouché. Explications.

Les décrets ont été publiés « dans la torpeur estivale », déplorent certains acteurs sociaux. Ils modifient à la marge les procédures prud’homales… et pas forcément pour le meilleur selon nombre d’observateurs, tant du côté syndical que patronal.

« Alors que la procédure est aujourd’hui principalement orale, ce décret la rend beaucoup plus écrite et moins simple », déplore d’emblée Michèle Bauer, avocate bordelaise spécialisée dans le droit du travail. « Saisir le conseil de prud’hommes ne se fera plus par simple formulaire ; une procédure devra être respectée. Les salariés devront prendre conseil avant d’agir », estime l’avocate.

Plus complexe

Concrètement, saisir le conseil de prud’hommes ne se fera plus par simple dépôt d’un formulaire type, la saisine étant désormais calquée sur le code de Procédure civile. Elle devra contenir un exposé sommaire des motifs de la demande, mentionner « chacun des chefs de celle-ci » et être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. En outre, la requête et le bordereau seront établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre un exemplaire destiné à la juridiction.

Les salariés devront donc saisir le conseil de prud’hommes par requête en n’omettant aucune des mentions légales, sous peine de nullité. « Lors de l’examen du projet de loi, les syndicats souhaitaient que la sanction de la nullité soit retirée ; ils n’ont pas été entendus », rappelle Me Bauer. « Cette disposition restreint la simplicité de l’accès au conseil de prud’hommes ; les salariés devront se faire conseiller et assister par un avocat ou un défenseur syndical qui rédigera la requête et veillera à sa régularité. Il sera risqué pour eux de rédiger seuls la requête, à défaut de pouvoir inviter leur employeur à les accompagner devant le bureau de conciliation et d’orientation », témoigne encore l’avocate.

Plus de rapidité ?

Autres modifications notables : celles relatives aux compétences du bureau de conciliation, désormais dénommé « bureau de conciliation et d’orien- tation ». Celui-ci aura la possibilité d’entendre les parties séparément et dans la confidentialité, « un peu comme pour les divorces », note encore Me Bauer. En cas d’échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d’orientation aura la possibilité – si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail – de renvoyer les parties, avec leur accord, devant le bureau de jugement (en composition restreinte : un conseiller employeur et un conseiller salarié). Cette « composition restreinte » devra statuer dans le délai de trois mois.

Un défenseur syndical

Nouveauté encore, et non des moindres, un nouveau représentant des parties a été imaginé : le défenseur syndical, habilité à assister ou représenter les parties. Auparavant, les délégués permanents ou non permanents des organisations d’employeurs ou de salariés pouvaient assister ou représenter l’une des parties. Désormais, les délégués sont nommés « défenseurs syndicaux » car ils ont un statut particulier, développé dans la loi. La liste des défenseurs syndicaux sera établie par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés aux niveaux national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel. « Dans les établissements d’au moins 11 salariés, le défenseur syndical dispose du temps nécessaire pour exercer ses fonctions, dans la limite de 10 heures par mois. Ses absences sont rémunérées par son employeur sans aucune diminution du salaire ou des avantages liés à un travail effectif (congés payés notamment). L’État rembourse à l’employeur les salaires maintenus, ainsi que les avantages et les charges sociales correspondants », souligne le décret. « Ce statut de défenseur syndical a été créé aussi pour permettre aux employeurs et salariés d’être défendus par un syndicat devant la cour d’appel, explique Me Bauer. En effet, le décret institue la représentation obligatoire en appel et la possibilité pour le défenseur syndical de représenter et d’assister un appelant ou un intimé. »


Désignation… paritaire

La réforme introduit un autre changement notable : les conseillers prud’homaux seront nommés, en février 2017, par arrêté conjoint du ministre du Travail et du ministre de la Justice pour un mandat de quatre ans, à partir des listes établies par les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs représentatives au niveau national. Il n’y aura donc plus d’élections. Une façon de prendre en compte l’abstention grandissante que rencontraient les scrutins prud’homaux depuis des années, mais surtout, selon les intentions annoncées par le gouvernement, d’assurer une représentativité plus fidèle au paysage patronal et syndical. La répartition des sièges au sein des conseils, des collèges et des sections sera ainsi établie en fonction de l’audience de chacune de ces organi- sations. Des voies de recours ont tout de même été prévues. Autre nouveauté : les organisations patronales et syndicales devront présenter des listes à parité, alternant un homme et une femme.


Unicité d’instance et représentation

Sur le plan purement technique, un autre point a été débattu avec les partenaires sociaux : l’unicité d’instance. Celle-ci exigeait auparavant que le salarié saisisse le conseil de prud’hommes de toutes ses demandes issues du contrat de travail en une seule et même instance. Il ne pouvait pas saisir le conseil de prud’hommes pour contester la rupture de son contrat de travail, obtenir une décision et de nouveau saisir le conseil de prud’hommes pour réclamer des heures supplémentaires qu’il aurait effectuées dans le cadre de ce même contrat, par exemple. Le demandeur se devait ainsi de concentrer ses demandes. Désormais, cette unicité d’instance – spécificité devant le conseil de prud’hommes – n’existe plus. Pour Me Bauer, « on ne peut pas dire que cela va aider au désengorgement des juridictions prud’homales ni au raccourcissement des délais : en effet, plusieurs instances pourront être engagées avec des demandes différentes issues du même contrat… Donc, plusieurs affaires devant la même juridiction qu’il faudra joindre ». En outre, l’obligation de comparaître en personne et de justifier, à défaut, d’un motif légitime pour se faire représenter, a disparu le 26 mai 2016 lors de l’entrée en vigueur du décret. À l’exception des avocats, les personnes habilitées à représenter une partie devant le conseil de prud’hommes devront, comme dans le cadre des procédures orales applicables devant le tribunal d’instance ou le tribunal de commerce… justifier d’un pouvoir spécial. Ces personnes doivent donc présenter un pouvoir écrit qui les autorise, devant le BCO (bureau de conciliation et d’orientation), à concilier au nom et pour le compte du mandant et à prendre part aux mesures d’orientation vers une des formations du bureau de jugement (restreinte, normale ou présidée par un magistrat du TGI).

Cyril BELLIVIER,
Eco Pays de Savoie,
pour ResoHebdoEco
www.facebook.com/resohebdoeco

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