Institutions

Quand les Prud’hommes s’interrogent sur l’avenir

Au cours de l’audience solennelle de rentrée du conseil de prud’hommes de Montpellier, le débat sur les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse et les questions posées par l’éventuelle mutualisation du greffe au sein du futur Tribunal judiciaire ont été largement mis en avant. L’évolution de l’activité est quant à elle marquée par la stabilité du stock et la légère diminution des délais de jugement.

Au conseil de prud’hommes (CPH) de Montpellier, l’ambiance a bien changé par rapport à il y a quelques années. Et dans le bon sens ! Le binôme à la tête de la juridiction pour la troisième année consécutive, avec en 2019 Yann Fortunato (Medef) comme président et Jean-Paul Luce (CGT) comme vice-président, travaille visiblement en bonne intelligence. Tout en restant chacun fidèle à ses engagements personnels, tous les deux ont à cœur de dire le droit. « Cela nécessite une bonne connaissance du droit du travail, qui s’acquiert par de la formation continue, un profond respect des uns envers les autres, ainsi que de la tolérance », résume Jean-Paul Luce, se réjouissant que dans leur immense majorité, les conseillers prud’homaux de Montpellier adoptent cette attitude. Pour sa part, le procureur de la République Christophe Barret a tenu à rendre hommage aux « deux présidents. »

Des divergences sur les indemnités de licenciement

Le respect mutuel n’empêche pas les divergences. L’un des moments forts de l’audience solennelle de rentrée du CPH de Montpellier a été l’échange sur la question des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Jean-Paul Luce a rappelé les récentes décisions des CPH de Troyes, Amiens, Lyon et Grenoble, qui ont accordé des indemnités supérieures aux montants maximaux prévus par les ordonnances de 2017 relatives à la réforme du code du Travail. « Ils se sont fondés sur les textes internationaux signés par la France, l’article 24 de la charte sociale européenne et les articles 4 à 10 de l’Organisation internationale du travail et du droit au procès équitable », justifie Jean-Paul Luce.

De son côté, Yann Fortunato avance : « Faudra-t-il appliquer la loi française ? En magistrat légaliste, je pense modestement que oui ». Dans le cas contraire, selon lui, les affaires partiraient généralement en départage et « il serait inconcevable, pour nous comme pour les justiciables, de devoir attendre quinze mois devant notre juridiction, deux ans supplémentaires pour entendre la position d’un juge en départage et au pire quatre ans de plus avant d’entendre une éventuelle cour d’appel ! ».


Au sommaire de cet article : 

• Droit français ou droit européen ?
• Le greffe inquiet de son éventuelle absorption, 
• Des effectifs toujours trop réduits au greffe,
• Des délais de jugement raccourcis, mais…
• Stabilité du stock pour les affaires sur le fond,
• 100 règlements intérieurs et accords d’entreprises déposés devant le CPH,
• Le nouveau bureau du Conseil des Prud’hommes de Montpellier.


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Droit français ou droit européen ? Jean-Paul Luce rappelle : « Si le Conseil constitutionnel est compétent pour effectuer le contrôle de constitutionnalité, le contrôle de la conformité des lois par rapport aux conventions internationales relève du contrôle de conventionnalité, lequel appartient en revanche aux juridictions ordinaires, sous le contrôle de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat ». A ce dernier niveau, la Cour de cassation doit encore se prononcer.

Le greffe inquiet de son éventuelle absorption par le futur Tribunal judiciaire

Autre préoccupation majeure, l’avenir du greffe du CPH, dont la mutualisation avec ceux du futur Tribunal judiciaire pourrait intervenir début 2020, si une telle mesure est définitivement adoptée dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice en discussion au Parlement. Jean-Paul Luce et Yann Fortunato se disent rassurés par l’engagement d’Eric Maréchal, le président du tribunal de grande instance (TGI) de Montpellier, de ne pas briser la justice de proximité et de conserver les effectifs nécessaires pour apporter des réponses aux contentieux très spécialisés. Cependant, Jean-Paul Luce s’interroge sur l’attitude qu’adopteront les successeurs de l’actuel président du TGI. Quant à Christophe Barret, il estime : « le projet de mutualisation équitable des moyens au niveau des tribunaux est un projet pertinent ».

Des effectifs toujours trop réduits au greffe

Le greffe du CPH de Montpellier est déjà nettement en sous-effectifs. Après la suppression du poste de directeur adjoint du greffe le 1er août 2017, 2 greffières ont été mutées en 2018. Une seule a été remplacée, et un autre greffier exerce ses fonctions à mi-temps. En outre, un poste d’adjoint administratif est également toujours vacant. Au total, sur 13 agents nécessaires au fonctionnement de la juridiction, il manque 2,5 postes en équivalent temps plein. « Il faudrait qu’a minima, un poste de secrétaire administratif soit positionné dans la juridiction, ce que nous avons demandé pour la localisation des emplois en 2019 », indique Jean-Paul Luce.

Des délais de jugement raccourcis, mais toujours très longs en départage

Abordant le bilan de l’activité de l’année écoulée, le procureur de la République souligne la diminution des délais de jugement d’une affaire, en moyenne de 18,2 mois en 2018 (contre 22,3 mois en 2017) et de celle du taux d’appel, revenu de 39,3 % en 2017 à 31,8 % en 2018. Et il déplore le faible nombre de conciliations, soit 83 seulement en 2018.

Le pourcentage d’affaires en départage s’établit à 15,9 % (contre 13,4 % en 2017). La durée moyenne des procédures terminées en départage est de 35,9 mois (contre 40 mois en 2017), « ce qui n’est pas raisonnable », commente Jean-Paul Luce. Il ajoute : « Le taux d’audiencement en départage s’est fortement accru, puisque nous audiençons actuellement des dossiers dont le départage a été prononcé en mars et avril 2017, et nous avons un stock en attente de 360 dossiers non audiencés ».  

Stabilité du stock pour les affaires sur le fond

Yann Fortunato met en avant la très forte baisse de 27,5 % du nombre d’affaires nouvelles en trois ans. Celui-ci est passé de 2.464 en 2015 à 1.786 en 2018 (contre 1.773 en 2017). Selon lui, « la mise en place et l’appropriation des procédés de ruptures conventionnelles ont dû jouer largement en faveur de la baisse du contentieux ». Pour sa part, le nombre d’affaires terminées revient de 2.432 en 2017 à 1.764 en 2018, ce qui représente une baisse de 27,5 %. Concernant les affaires sur le fond, le stock reste stable avec 2.341 dossiers à fin 2018 contre 2.329 dossiers à fin 2017 (2.999 dossiers à fin 2016).

Au total, avec 144 conseillers et près de 600 audiences par an, « le CPH de Montpellier est l’un des conseils de prud’hommes les plus importants de France », souligne Yann Fortunato. Sur 210 Conseils en France, il se place selon les années entre le dixième et le douzième rang par le nombre d’affaires traitées.

100 règlements intérieurs et accords d’entreprises déposés devant le CPH de Montpellier en 2018. « L’emploi doit être préservé, et pas d’emploi sans entreprises », a tenu à rappeler Yann Fortunato, le président du conseil de prud’hommes de Montpellier. Plaidant pour « la mise en place d’une flexisécurité à la française afin de préserver l’employabilité de tous et la compétitivité des entreprises », il se réjouit de l’accroissement du nombre de règlements intérieurs et d’accords d’entreprises déposés devant le CPH de Montpellier, qui s’élève à 100 dossiers en 2018. En guise de conclusion, Yann Fortunato lance : « Un nouveau modèle intégratif est à réinventer au profit de tous. Alors tous ensemble, sachons montrer l’exemple du dialogue, de l’écoute, du respect et du collectif dans nos entreprises, comme dans notre conseil de prud’hommes de Montpellier ».

Le bureau 2019 du conseil de prud’hommes de Montpellier

Réunis en assemblée générale le 8 janvier 2019, les conseillers prud’homaux de Montpellier ont élu les présidents (issus cette année du collège employeurs) et les vice-présidents du Conseil.

  • Président : M. Yann Fortunato, Medef
  • Vice-président : M. Jean-Paul Luce, CGT
  • Section commerce : Mme Frédérique Ceccarelli, présidente ; M. Antoine Gimeno, vice-président
  • Section activités diverses : M. Vincent Fabre-Rousseau, président ; M. Franck Mary-Montlaur, vice-président
  • Section encadrement : Mme Renée Brunel, présidente ; Mme Marie-Christine Hervé, vice-présidente
  • Section industrie : Mme Brigitte Simonin, présidente ; M. Philippe Guiraud, vice-président
  • Section agriculture : Mme Odile Farret, présidente ; Mme Sandrine Simon, vice-présidente
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