Immobilier

Retournement du secteur de l’immobilier

Le ralentissement du marché de l’immobilier se confirme. Pour le Crédit Foncier, celui-ci a atteint son pic le plus haut et la descente qui s’amorce devrait se poursuivre les années qui viennent. D’autant qu’il manque de mesures politiques pour le soutenir.

Serait-ce la fin d’une période dorée ? L’ensemble des indicateurs convergent, d’après Benoît Catel, directeur général du Crédit Foncier, qui a dressé le panorama du marché de l’immobilier lors d’une conférence de presse, le 21 septembre, à Paris.

Tout d’abord, en matière de crédits immobiliers (hors rachat), le Crédit Foncier prévoit un montant de 160 milliards d’euros pour l’année. « Il s’agit d’un montant absolu assez élevé par rapport aux dix dernières années, mais il a diminué de 9 % par rapport à 2017 », commente Benoît Catel. Pour lui, la raison de cette chute est moins à chercher du côté de l’offre — les banques continuant à se refinancer bon marché grâce aux taux d’intérêt très bas de la BCE, la Banque Centrale Européenne — que dans la demande. De fait, les taux d’intérêt proposés aux clients demeurent très bas : 1,43 % en août 2018, un chiffre stable depuis un an, alors qu’il dépassait les 5 % il y a dix ans. Mieux, ce taux reste d’autant plus attractif que l’inflation le dépasse, atteignant les 2 %. Mais cette situation favorable aux acheteurs pourrait ne pas durer : « avec l’inflation qui commence à remonter, les banques centrales pourraient penser devoir remonter leurs taux », ce qui se traduirait par un renchérissement du prix du crédit, met en garde Benoît Catel. Par ailleurs, « on constate une augmentation de la durée des crédits », pointe le dirigeant. En moyenne, cet été, ils ont grimpé jusqu’à 18 ans et 6 mois. « Cette durée est longue, et elle est en ascension régulière. (…), cela veut dire que les projets présentés deviennent solvables si on augmente la durée du prêt », décrypte le directeur général du Crédit Foncier.

Les effets de ces tendances se font déjà sentir, notamment sur le marché de l’immobilier ancien. « Il a connu l’an dernier un point haut historique », annonce Benoît Catel. Fin juillet, 950.000 logements anciens se sont échangés, sur un an glissant. Ce chiffre reste important, mais il a diminué de 6 % entre 2017 et 2018. Et en 2019, « on ne voit pas de remontée. Il y aura une stabilisation ou une poursuite de la baisse », pronostique Benoît Catel.

Les prix augmentent et le nombre de permis de construire diminue

S’ajoutant à la diminution des crédits accordés, d’autres tendances concourent à ce retournement du marché : les prix continuent à augmenter, de manière différenciée suivant les zones géographiques. En un an glissant, à la fin du premier trimestre 2018, les prix des logements anciens ont augmenté de 3,5 % sur l’ensemble de la France, avec un pic pour l’Île-de-France (+ 4,3 %). Pour l’instant, la hausse des prix a été compensée par l’allongement de la durée des crédits. Mais certaines zones, Paris et Île-de-France en tête, commencent à ressentir les effets d’une rareté de l’offre.

Dans le marché de l’immobilier du neuf résidentiel aussi, la tendance haussière se retourne. Le nombre de permis de construire a déjà baissé de 4,5 % en un an, ce qui devrait mécaniquement se traduire, par la suite, par une moindre production de logements. Et alors que 430.000 logements ont été produits en 2017, le Crédit Foncier table sur 411.000 en 2018, soit 4,3 % de moins. Pour l’essentiel, 55 % de ces nouveaux logements devraient relever de l’accession à la propriété, 23,6 % du locatif social, et 14,1 % du locatif privé.

Dans le neuf aussi, les prix ont augmenté pour toutes les catégories de biens, maisons et appartements. Pour ces derniers, la croissance s’élève à 2,7 %, jusqu’à dépasser les 4.000 euros le mètre carré. Quant aux maisons, leur prix a augmenté de 3,2 %, pour atteindre 264.048 euros l’unité. C’est la seule bonne nouvelle pour les promoteurs et les constructeurs immobiliers. En effet, le marché de la maison individuelle a chuté de 13,7 % les sept premiers mois de l’année, d’après la LCA-FFB, Les Constructeurs et Aménageurs de la Fédération française du bâtiment. Cette association regroupe constructeurs de maisons individuelles, promoteurs immobiliers et aménageurs fonciers. Au total, en 2018, 123.600 ventes devraient être réalisées, contre 135.000 l’an dernier. « Toutes les régions sont concernées », précise Patrick Vandromme, président de la LCA-FFB. Les ventes ont ainsi diminué de 23 % en Normandie, de 17 % dans les Hauts-de-France, de 14 % en Bretagne, et de 10 % dans le Grand-Est. Pour Patrick Vandromme, « 2019 ne devrait pas être pire que 2018. Le problème, c’est 2020. Car un jour ou l’autre, les taux d’intérêt vont remonter ».

La diminution des PTZ se fait sentir

Mais déjà, en 2017, « nous avons perdu les clients les plus modestes », souligne Patrick Vandromme. D’après un sondage réalisé par la LCA-FFB auprès de ses adhérents, ceux-ci sont quasiment unanimes à attribuer la baisse des transactions à une diminution des aides de l’Etat en matière d’accession à la propriété. L’actuel gouvernement a en effet supprimé le PTZ, prêt à taux zéro, dans l’ancien, dans certaines régions. Et le PTZ dans le neuf a été restreint — sous une forme réduite — aux zones B2 et C, qui comprennent des territoires ruraux et des villes comme Brest, par exemple. Quant à l’APL, l’aide personnalisée au logement, pour l’accession, elle a également été restreinte. « Les mesures prises ont un impact très sensible sur le marché », estime Dominique Duperret, délégué général de la LCA-FFB. Exemple apporté par l’association professionnelle, une famille de cinq enfants dotée d’un revenu mensuel de 2.600 euros. En septembre 2017, elle pouvait réaliser un projet immobilier à hauteur de 265.000 euros. Grâce à un montage financier intégrant plusieurs mesures d’aides publiques, elle s’en sortait avec des mensualités de l’ordre de 763 euros. En mars 2018, ces dispositifs éteints, leur dossier n’était plus finançable, d’après la LCA-FFB.

Pour elle, sur l’ensemble de l’année, 30.000 opérations ont été compromises par l’évolution des politiques publiques. « Les huit premiers mois de l’année, les PTZ ont diminué de 31 %, et même de 50 % dans les zones rurales et les petites villes. Ce sont des opérations d’accession à la propriété qui ne se font plus », argumente Dominique Duperret.

Au total, dans leur ensemble, ces dynamiques de prix, de crédit et de dispositifs publics dessinent un avenir peu enthousiasmant. « Le cycle s’infléchit. Nous sommes toujours à un niveau élevé, mais cette inflexion devrait continuer », estime Benoît Catel. Les taux d’intérêt auront probablement tendance à augmenter, à l’inverse des prix, boostés par une offre qui se fait plus rare. Avec des dispositifs publics qui ne soutiennent que partiellement la demande, sauf inflexion du gouvernement.

Anne DAUBREE

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