Institutions — France

Suppression de l'ENA : la recherche d'une plus grande mixité sociale

Emmanuel Macron vient d'annoncer la suppression de l'Ecole nationale d'administration. La prestigieuse école française créée par Charles de Gaulle en 1945, accusée d'élitisme, va laisser sa place à l'Institut du service public. Cette nouvelle école, destinée à promouvoir le mérite, devrait ouvrir ses portes d'ici à 2022.

Une réforme majeure

La suppression de l’Ecole nationale d’administration est actée, comme l’a annoncé Emmanuel Macron, le jeudi 8 avril. L’école de la haute administration, symbole de l’élite française, va être remplacée par l’Institut du service public, qui aura également pour mission de former les hauts fonctionnaires.

Cette suppression devrait être effective le 1er janvier 2022. Le sort de la prochaine élection présidentielle ne devrait pas affecter cette mesure. C’est ce qu’a affirmé Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, sur Cnews, dimanche 11 avril. Cette dernière estime que le projet sera mis en œuvre même si un autre président venait à être élu. Elle justifie cela par l’importante avancée dont bénéficiera la réforme à ce moment-là.

Mesures principales

Parmi les mesures importantes, on peut citer le recrutement et la formation initiale, qui subiront des modifications. La sortie de l’école sera notamment modifiée. En début de carrière, les jeunes diplômés seront affectés à des fonctions opérationnelles sur le terrain. Ils pourront alors évoluer en fonction d’une évaluation menée tout au long de la carrière. Le temps des affectations directes aux grands corps de l’État comme le Conseil d’État ou la Cour des comptes est révolu. Tous les diplômés seront à l’avenir des « administrateurs de l’État » qui devront faire leurs preuves sur le terrain avant de pouvoir occuper les postes les plus prestigieux.

Cette réforme qui tient à cœur au président de la République, notamment depuis le Grand débat national initié en réponse à la crise des Gilets jaunes, sera présentée en mai en Conseil des ministres. La loi sur la fonction publique, votée en août 2019, a donné dix-huit mois au gouvernement pour réformer la haute fonction publique par ordonnances. Néanmoins, pour que la réforme ait une chance d’être adoptée avant 2022, elle devra être débattue au Parlement avant le mois de juin.

Nathalie Loiseau, directrice de l’école entre 2012 et 2017, voit dans cette réforme un moyen de mettre « un grand coup de pied dans la fourmilière. On a besoin de hauts fonctionnaires bien formés, bien recrutés, mais on a besoin que les choses bougent ». L’eurodéputée souhaite, comme beaucoup, « sortir du moule de Sciences Po Paris ». Ce serait donc la fin d’une ère pour une école qui a formé pas moins de 4 présidents de la Ve République sur huit, mais également 9 des 23 Premiers ministres.

Remettre en marche l’ascenseur social

L’enjeu majeur de la réforme est bien clair, il faut répondre à la critique en diversifiant les étudiants qui accèdent à ce cursus. Emmanuel Macron souhaite ouvrir à de nouveaux candidats les grands corps de l’État. Le but étant d’attirer des profils plus variés, en diminuant le monopole effectué par Sciences Po. Le nouvel Institut du service public devra alors « sélectionner des profils moins déterminés socialement », a annoncé le président à l’occasion de la Convention managériale de l’État. « L’ISP formera tous les élèves administrateurs de l’État et intégrera un tronc commun à 13 écoles de service public », a précisé le chef de l’État en visioconférence devant plusieurs centaines de préfets, ambassadeurs, chefs d’administrations centrales et recteurs. Il dénonce un terrible constat : « l’ascenseur social » français « fonctionne moins bien qu’il y a 50 ans » car la mobilité « est très faible ». Ce constat avancé par Emmanuel Macron se vérifie. Selon les données de l’Observatoire des inégalités, les enfants de cadres supérieurs sont douze fois plus présents à l’ENA que ceux d’ouvriers et d’employés. Cela constitue un paradoxe avec la population active.

Du côté de la formation, un nouveau tronc commun sera dispensé à tous les hauts fonctionnaires afin de les confronter à la réalité du terrain. Ce tronc commun sera composé de cours portant sur des thèmes comme la laïcité, la pauvreté, l’écologie, ou encore les discours scientifiques.

La politologue Chloé Morin souhaite une réforme profonde de l’institution. L’actuel directeur de l’école, Patrick Gérard, a déjà commencé la transformation de l’ENA avec, entre autres, de nouvelles épreuves et une réforme du classement de sortie. « C’est une accélération de la tentative de réforme. Il faudra maintenant la juger sur 3 points : le recrutement, la formation et la gestion des carrières », analyse la politologue.

Si la diversité est le maître mot pour Emmanuel Macron, d’autres ne sont pas convaincus par la réforme. Julie Gervais, maîtresse de conférences en science politique à la Sorbonne, ne « croit pas une seconde à l’ouverture aux classes populaires ». Elle pense qu’ « on se dirige là vers un renforcement des problèmes déjà existants ». A un an des élections, elle y voit un « coup éminemment politique ».

L’Institut du service public qui sera présenté le 26 mai en Conseil des ministres, devra donc répondre à ce défi d’ouvrir les portes de la haute fonction publique à tous.

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